Qu’est-ce que le darwinisme social ?
Le darwinisme social est une théorie selon laquelle les principes de la sélection naturelle – animale et végétale – sont appliqués à l’humanité. Apparue au XIXe siècle, elle a été utilisée comme prétexte à la justification des inégalités sociales, à la colonisation et à l’eugénisme. En Allemagne et peut-être plus qu’ailleurs, cette doctrine a influencé les idées et pensées politiques et raciales. Plus tard et sous d’autres formes évoluées, elle allait devenir l’un des piliers de l’idéologie nazie.
Les origines du Darwinisme social
Initialement, le darwinisme social est une interprétation idéologique des travaux de Charles Darwin, par des penseurs qui voyaient dans la lutte pour la survie, un moteur du progrès social. Dans ces recherches, Darwin avançait que le règne animal et végétal était soumis à une loi : celle de la sélection naturelle. Ainsi, seuls les êtres les plus adaptés à leur environnement pouvaient survivre, tandis que les plus faibles disparaissaient. À travers ce processus, en résulte l’amélioration des espèces.
La classification des races
Bien que Darwin lui-même n’ait jamais prôné une telle interprétation, le principe du darwinisme est alors adapté à l’espèce humaine par quelques économistes ou politiciens. On les appelle les darwinistes sociaux.
Il faut bien prendre en considération que dans les années 1850 – et jusqu’aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale – la race est un concept partiellement reconnu par les sciences. On pense qu’il est possible de distinguer les groupes humains en races distinctes, en fonction de leurs caractéristiques physiques (peau, cheveux…) ou encore de leurs niveaux d’intelligence, supposés différents. En d’autres termes, il s’agit bien d’une lecture zoologique de l’être humain. Cette dernière sera par ailleurs enseignée à l’école, jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Justifier l’impérialisme et la colonisation
En Occident et de manière générale, le darwinisme social sert à justifier les inégalités sociales. Pour le philosophe Britannique Herbert Spencer, ces dernières résultent d’une supposée sélection naturelle. Cette approche permet alors de renforcer – par exemple – les politiques d’impérialisme des États ou de colonisation. Pour certains pays (comme les États-Unis), elle permet aussi de légitimer l’eugénisme : un prétendu processus permettant de « purifier » les populations.
L’évolution du darwinisme social en Allemagne
En Allemagne, à partir de la fin des années 1890, plusieurs auteurs, scientifiques ou penseurs font émerger une nouvelle forme du darwinisme social. Désormais, il ne s’agit plus uniquement d’une évolution des races, mais davantage d’une question de survie. On parle alors de « sélection négative ».
Améliorer la race germanique
Pour améliorer la race, l’acquisition de meilleurs conditions de vie – passant par exemple par une meilleure hygiène ou un meilleur régime alimentaire – semble être un impératif. Pour autant, la supposée lutte pour sa survie amène aussi à des idées totalement contraires.
Selon certains chercheurs en médecine, la politique d’assistance provoquerait une dégénérescence de la race humaine. En d’autres termes, il ne faut pas prendre soin des personnes jugées faibles, malades ou inadaptées à leur environnement. Certains avancent l’idée d’un contrôle scientifique de la reproduction, qui devrait permettre de réduire le nombre de ces individus, voire de les éliminer. Ainsi, quelques rares voix commencent à réclamer la stérilisation. En Allemagne, ce principe sera appliqué par les nazis, après leur arrivée au pouvoir.
Finalement, à la veille de la Première Guerre mondiale, ces théories se sont reproduites sous diverses formes et touchent désormais différents secteurs : médecine, aide-sociale, criminologie… Les délinquants – petits ou grands -, les alcooliques ou encore les prostituées, sont de plus en plus souvent considérés comme porteurs d’une tare héréditaire. Indirectement mais à partir de celles-ci, le darwinisme social fusionne alors avec l’antisémitisme qui, en parallèle, se développe lui aussi en Allemagne.
L’acquisition d’un « espace vital »
En 1900, l’anthropologue Ludwig Woltmann affirme que la race aryenne (ou allemande) correspond à l’aboutissement d’une évolution prétendue supérieure à toutes les autres. Selon lui, elle est alors destinée à dominer le monde. En revanche, si cette domination n’est pas encore venue, c’est parce que d’autres races l’en empêchent.
Bien que rien ne soit en mesure de le justifier, certains prétendent alors que l’Allemagne aurait besoin d’acquérir un « espace vital ». Cette théorie est très largement adoptée par la Ligue pangermaniste et par une partie des élites politiciennes de l’Empire.
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L’utilisation du darwinisme social par les nazis
Le régime nazi s’appropriera le darwinisme social pour légitimer sa politique raciale et eugénique. Adolf Hitler et d’autres idéologues nazis considèrent la lutte des races comme une loi naturelle.
Les lois de Nuremberg (1935) et les programmes d’eugénisme (comme l’Aktion T4) s’appuient sur ces théories afin de justifier la stérilisation forcée, l’élimination des personnes jugées « inférieures » et, plus tard, la Shoah. La Seconde Guerre mondiale elle-même est présentée par les nazis comme un combat biologique, pour la survie du peuple allemand.
Après 1945, ces théories ont été discréditées et rejetées par la communauté scientifique. L’anthropologie et la génétique modernes ont démontré l’invalidité de la classification raciale des êtres humains, remettant en cause les fondements du darwinisme social.