Qu’est-ce que la Ligue pangermaniste ?
La Ligue pangermaniste est une association nationaliste allemande, fondée en 1894. Mouvement populiste et dans un premier temps marginal, il milite en faveur de l’expansion territoriale de l’Empire allemand et pour la germanisation des minorités présentes au sein de ses frontières. La Ligue pangermaniste ne bénéficie aucunement du soutien de la classe industrielle. En revanche, elle devient progressivement plus influente dans les milieux de l’armée et même jusqu’au plus haut sommet de l’État. Sans s’emparer du pouvoir, elle jouera un rôle non négligeable dans la conduite de la guerre à venir. Après la Première Guerre mondiale, certaines de ses idées, thèses ou ambitions, seront reprises et radicalisées par les nazis.
Carte de l’Europe en 1914. En rouge, le territoire de l’Empire allemand. © Matthieu Mugneret – fortitude-ww2.fr
Contexte historique
Longtemps restées marginales, les ligues nationalistes allemandes ont gagné en puissance, tout juste avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Leur capacité à influencer les élites de l’Empire s’est renforcée avec l’évolution rapide sociale, économique et culturelle de la nation allemande.
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L’unification de 1871 : un projet jugé inachevé
Depuis la fondation de l’Empire allemand (aussi appelé Deuxième Reich), les chanceliers qui se succèdent au pouvoir ne se montrent jamais pleinement satisfaits des frontières de leur pays.
Tout d’abord, l’Allemagne s’est tardivement invitée dans la course à la colonisation. En réalité, ce n’était pas un objectif de Bismarck, chancelier à l’origine de l’unification de 1871. Mais chez certaines élites ou citoyens de la haute société, l’impression d’être un pays de second ordre est un sentiment qui se propage. C’est encore plus vrai lorsqu’ils se comparent à la Grande-Bretagne ou à la France, toutes deux en possession de vastes empires coloniaux, constitués de territoires situés au quatre coins du monde.
Cette perception d’infériorité est à l’origine de l’apparition de la Ligue pangermaniste et des autres ligues nationalistes. Mais il ne s’agit pour autant pas de la seule raison.
Entre 1871 et 1914, l’Allemagne connait une évolution démographique exceptionnelle. Elle gagne près de 27 millions d’habitants. Cependant, l’héritage des précédentes guerres et de l’unification fait que cette population est à la fois diversifiée et multiculturelle. Selon les nationalistes les plus convaincus, « l’esprit allemand » serait en danger, rongé par des « ennemis de l’intérieur ».
L’émergence de la classe ouvrière et du mouvement social-démocrate
La révolution industrielle que traverse l’Allemagne l’invite rapidement au rang des plus grandes puissances économiques mondiales. Parallèlement, elle permet aussi à la classe ouvrière de se développer de manière certaine. Celle-ci se rassemble au sein d’un mouvement politique très vaste ; celui des sociaux-démocrates.
Avec plus d’un million d’adhérents, le Parti social-démocrate devient la formation politique la plus conséquente au monde. Respectueuse des lois, elle milite principalement pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et pour la mise en place d’une république socialiste. Pour les élites bourgeoises de la société allemande comme pour les nationalistes, de telles idées ne peuvent qu’être qualifiées de révolutionnaires.
En 1912, les socialistes remportent les élection législatives avec 35% des suffrages exprimés. Pour certains, le résultat de ce scrutin sonne comme un signal d’alarme. S’il ne débouche pas sur l’apparition des ligues – puisqu’elles existaient déjà auparavant – il devient en revanche un terreau fertile à leur montée en puissance.
La Ligue pangermaniste
La Ligue pangermaniste est fondée en 1894. Au cours de cette même période, d’autres font également leur apparition, comme par exemple la Société des marches orientales, ou l’Association pour la défense de l’esprit allemand à l’étranger. Si leurs idées et ambitions peuvent parfois se différencier, ces mouvements sont néanmoins capables de se rassembler pour faire cause commune. Attirant vers elles les populations inquiètes du rapide changement que connait l’Allemagne, ces associations nationalistes peuvent rassembler plusieurs dizaines à quelques centaines de milliers de membres.
Des convictions marginales qui attirent de plus en plus les élites
De manière générale, le pangermanisme s’attache à une promotion énergique pour l’expansion territoriale de l’Allemagne à l’extérieur de ses frontières, et pour la germanisation – par la force s’il le faut – de toutes les minorités à l’intérieur. Son idéologie repose sur la lutte, le conflit, la supériorité « aryenne », l’antisémitisme et le racisme.
Dans un premier temps, ces idées restent très marginales dans les différentes couches de la société. Mais dans un monde qui semble davantage s’ouvrir aux principes démocratiques et en plus des « problèmes » que suscite la révolution industrielle, les mouvements nationalistes commencent à attirer des notables mécontents et inquiets pour leur statut. Dans ce contexte, les élections législatives de 1912 se posent en un véritable point de bascule.
Les idées pangermanistes
Après les élections législatives de 1912, les idées pangermanistes sont plus clairement mises sur le papier. Heinrich Class, président de la ligue, publie un manifeste – intitulé Si j’étais l’empereur – dans lequel il expose ses ambitions.
Selon lui, un véritable combat doit être entrepris contre les « ennemis de l’intérieur » (les sociaux-démocrates et les Juifs). Toujours selon lui, le résultat des précédentes élections serait une conspiration juive, destinée à affaiblir la nation allemande. Les Juifs seraient aussi responsables d’une géante manipulation des masses et contribueraient à la destruction de l’art et de la créativité allemande. Class estime que les Juifs devraient être privés de leurs droits civils et reconnus comme ressortissants étrangers.
Sur le plan politique, seuls les membres de l’élite devraient être autorisés à exercer un mandat. Le Parti social-démocrate devrait alors être interdit (puisqu’il représente la classe ouvrière) et leurs dirigeants, députés, rédacteurs ou représentants syndicaux, expulsés hors des frontières de l’Empire allemand. Quant au Reichstag, celui-ci n’aurait même pas lieu d’exister.
Les masses, quant-à-elles (en particulier la classe ouvrière), devraient être ralliées à la cause nationale par le biais de fêtes patriotiques et de rassemblements nationaux. Pour ce qui est des minorités (principalement les Slaves et les Polonais), celles-ci devraient être expulsées de leurs terres, l’usage de leur langue interdit.
L’influence de la Ligue pangermaniste dans la conduite de la Première Guerre mondiale
Bien qu’elle représente un mouvement populiste, la Ligue pangermaniste parvient à assoir son influence. Par l’intermédiaire de soutiens qui se trouvent en-dehors même de son organisation, elle est amenée à jouer un rôle non négligeable au sein de l’armée, et même jusqu’au sommet de l’État. Entre 1914 et 1918, les conséquences en seront bien désastreuses.
Son influence au sein du gouvernement et de l’armée
Sans réellement s’imposer au pouvoir, la Ligue pangermaniste parvient à mettre la pression sur le gouvernement, grâce à ses nombreuses relations. En tissant des liens étroits avec l’armée, tout en développant ses contacts dans le vaste monde de la presse et jusque dans les milieux politiques conservateurs, elle est amenée à jouer un rôle dans la conduite de la Première Guerre mondiale. Car à la tête de l’Empire allemand, le Kaiser Guillaume II est personnellement convaincu par les idées pangermanistes racistes et social-darwinistes. Par ailleurs, il ne rejette pas non plus la vision d’une Allemagne forte, dominatrice de l’Europe et du monde.
Les ambitions expansionnistes
Dans son manifeste de 1912, Heinrich Class aborde également les ambitions expansionnistes qu’il souhaite pour l’Allemagne. Ses projets sont très ambitieux. Car selon lui et à la faveur d’une prétendue identité commune, toutes les populations germanophones devraient être réunies au sein d’un seul et même État.
Si le président de la Ligue pangermaniste milite pour un réarmement massif de l’Empire depuis plusieurs années, c’est justement dans l’objectif d’accomplir la conquête de l’Europe et l’annexion des contrées germanophones comme la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg ou encore l’Autriche.
Carte interactive → Les projets d’expansion de l’Allemagne pendant la Première Guerre mondiale
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