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Histoire et Mémoire de la Seconde Guerre mondiale

L’Affiche rouge

par | 5 Jan 2024

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Qu’est-ce que l’Affiche rouge ?

L’Affiche rouge est une affiche de propagande nazie, antisémite, xénophobe et anticommuniste. Elle a été éditée en février 1944 par le Centre d’études antibolchéviques, à l’occasion du procès et de l’exécution des membres du groupe Manouchian. Placardée à 15 000 exemplaires sur les murs de la capitale et dans d’autres villes de province, l’Affiche rouge devait dénoncer un « complot judéo-bolchévique », en faisant passer ces résistants pour des criminels. A l’origine de la mémoire du groupe Manouchian, elle en fera même des héros.

L'Affiche rouge - Groupe Manouchian - La libération par l'armée du crime !

Exemplaire de « l’Affiche rouge » présentant 10 portraits des 24 accusés du groupe Manouchian : « Des libérateurs ? La libération par l’armée du crime !« 

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Quels étaient les objectifs de l’Affiche rouge ?

Aux yeux de l’opinion française, « l’Affiche rouge » devait « justifier » le sort infligé aux « dangereux terroristes étrangers » des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée), fusillés au Mont-Valérien, le 21 février 1944. Elle ne présente cependant que 10 portraits des 24 accusés du groupe Manouchian, non sans mises en scène.

Une arme de propagande allemande

L’arrestation et le procès de celui que l’on appelle de nos jours le « groupe Manouchian » est l’occasion pour l’occupant allemand de déclencher une vaste opération de communication à la fois antisémite, xénophobe et anticommuniste. La propagande nazie – et vichyste – cherche ainsi à discréditer la Résistance dans l’esprit des Français, en dénonçant la supposée place des Juifs, des étrangers et des communistes au sein des groupes de lutte contre l’occupant.

Couleur dominante, le rouge doit rappeler l’appartenance politique des membres présentés sur l’affiche : le communisme. Il représente aussi indéniablement la couleur du sang ; le sang que feraient honteusement couler ces « barbares criminels ». Ces « crimes » sont d’ailleurs largement représentés par les photographies accolées au pied du document ; assassinats, armes, explosifs, déraillements de train…

Parmi elles, figurent les photographies d’un torse troué de balles et d’un hommes face contre terre. Ces corps sont ceux de deux commissaires de police français. S’ils ont effectivement été tués par la Résistance, les Allemands se gardent cependant bien de préciser que le groupe Manouchian n’est pas à l’origine de ces assassinats. Pour la propagande, il s’agit donc de montrer que les victimes sont françaises afin de « démontrer » que les FTP-MOI de la région parisienne s’en prennent aux Français, peut-être plus qu’aux Allemands eux-mêmes. 

Enfin, la phrase présente aux deux extrémités de l’affiche est évidemment lourde de sens. « Des libérateurs ? La libération par l’armée du crime ! » est supposée faire croire aux lecteurs que ces résistants ne souhaitent pas libérer la France, mais au contraire de la plonger dans le chaos à travers des actes terroristes et barbares, et de la livrer au communisme ou à des puissances étrangères.

Pour appuyer cette théorie, chaque portrait est présenté par son origine, sa confession ou son appartenance politique. Les photographies, réalisées dans l’enceinte de la prison de Fresne, ont été prises de sorte à leur donner un air menaçant et inhumain. D’ailleurs, les Allemands pouvaient présenter jusqu’à 24 portraits ; ceux des accusés. Ils n’en présentent pourtant que 10. Pourquoi ? Parce que ces portraits doivent coller à l’image du dangereux criminel ; leurs visages doivent être inquiétants et leurs noms profondément « d’ailleurs ». C’est effectivement pour ces raisons que – malgré son « palmarès » -, Olga Bancic n’y figure pas ; elle est bien trop belle. Joseph Epstein pourrait y être lui aussi, mais il est blond aux yeux bleus. Son physique se rapproche de fait bien trop de l’idéal aryen, prôné par les nazis.

En d’autres termes et à l’heure où l’occupant allemand subit de plus en plus de représailles sur le territoire français, ces hommes doivent être présentés et vus comme des ennemis dangereux – non seulement des Allemands – mais aussi et surtout des Français. Pour marteler ce message, l’Affiche rouge est également éditée sous forme de tracts, distribués à la volée. Au dos de ces petites feuilles figure l’explicite texte suivant :

Voici la preuve,
Si des Français pillent volent/sabotent et tuent.
Ce sont toujours des étrangers qui les commandent
Ce sont toujours des chômeurs et des criminels qui exécutent.
Ce sont toujours les Juifs qui les inspirent.

C’EST L’ARMÉE DU CRIME CONTRE LA FRANCE

Comment réagissent les Français à cette affiche ?

Malgré cette très forte campagne de propagande, et comme l’explique l’historien Jean Vigreux dans notre vidéo (prochainement mise en ligne), la population française n’adhère pas au message diffusé par l’Affiche rouge. Si elle reste globalement attentiste, une partie d’elle prend tout de même fait et cause pour ces jeunes résistants. Selon les Renseignements généraux, elle provoque même exactement l’inverse de l’effet escompté, suscitant davantage de réactions de sympathie, plutôt que de peur.

Car en cette période, l’Occupation est plus que jamais contestée ; les conditions de vie deviennent chaque jour plus difficiles et évidemment terrorisantes pour certains. Or, le groupe Manouchian a prouvé, par ces nombreuses actions, qu’il s’en prend incontestablement bien à l’Occupation, tout en luttant pour la Libération de la France.

Le 28 septembre 1943 est d’ailleurs assassiné le SS Julius Ritter, responsable du Service du Travail Obligatoire en France (STO), action qui restera comme la plus retentissante de ces combattants de l’ombre. Rappelons aussi que depuis le début de l’année 1944, tous les mouvements de Résistance sont unifiés au sein des FFI, dans l’unique objectif de libérer la France du joug nazi, et que l’autorité du général de Gaulle y est officiellement reconnue.

Qui sont les hommes présentés sur l’Affiche rouge ?

  • Szlama Grzywacz ; né à Wolomin en Pologne, désigné Juif polonais responsable de 2 attentats, fusillé à l’âge de 33 ans.

 

  • Thomas Elek ; né à Budapest en Hongrie, désigné Juif hongrois responsable de 8 déraillements de train, fusillé à l’âge de 19 ans.

 

  • Wolf Wajsbrot ; né à Krasnik en Pologne, désigné Juif polonais responsable d’un attentat et de 3 déraillements de train, fusillé à l’âge de 18 ans.

 

  • Robert Witchitz ; né à Abscon en France, désigné Juif hongrois responsable de 15 attentats, fusillé à l’âge de 19 ans.

 

  • Mojsze Fingerweig ; né à Varsovie en Pologne, désigné Juif polonais responsable de 3 attentats et de 5 déraillements de train, fusillé à l’âge de 20 ans.

 

  • Joseph Boczov ; né à Felsőbánya en Hongrie, désigné Juif hongrois, chef dérailleur et responsable de 20 attentats, fusillé à l’âge de 38 ans.

 

  • Spartaco Fontanot ; né à Monfalcon en Italie, désigné communiste italien responsable de 12 attentats, fusillé à l’âge de 22 ans.

 

  • Celestino Alfonso ; né à Ituero de Azaba en Espagne, désigné Espagnol rouge responsable de 7 attentats, fusillé à l’âge de 27 ans.

 

  • Marcel Rayman ; né à Varsovie en Pologne, désigné Juif polonais responsable de 13 attentats, fusillé à l’âge de 20 ans.

 

  • Missak Manouchian ; né à Adiyaman dans l’Empire Ottoman, désigné Arménien chef de bande responsable de 56 attentats, de 150 morts et de 600 blessés, fusillé à l’âge de 37 ans.

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Sources et références

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