Comment Hitler est-il arrivé au pouvoir ?
A-t-il vraiment été élu par le peuple allemand ?
Contrairement à une légende plutôt tenace, Hitler n’a pas été élu par le peuple allemand. Il a été nommé Chancelier par le Président de la République de Weimar, Paul von Hindenburg. Bien que sa nomination ait été le fruit de tractations indiscrètes et d’une certaine manière contestables, son arrivée au pouvoir est bien légale.
A gauche, Adolf Hitler s’inclinant devant le président de la République de Weimar, Paul von Hindenburg – Photographie prise le 21 mars 1933, lors du jour de Potsdam, cérémonie devant marquer la fondation d’un Reich nouveau après l’arrivée de Hitler au pouvoir – Photographie de presse du New-York Times – Bundesarchiv, Bild 183-S38324
Comment fonctionne la République de Weimar ?
Fondée en 1918, la République de Weimar est une démocratie parlementaire. C’est-à-dire qu’elle est dirigée par un Président – élu par le peuple pour une durée de 7 ans – qui lui-même désigne un Chancelier, chargé de former un gouvernement et donc naturellement de gouverner.
Quel est le rôle du Chancelier du Reich
Le Chancelier du Reich choisit les membres qui composent son gouvernement. C’est également lui qui propose les lois qui seront adoptées ou non par le Reichstag. Pour vulgariser son niveau de pouvoir, le chancelier est plus ou moins à mi-chemin entre l’actuel Président de la République française et son Premier ministre.
Le Reichstag est le parlement allemand. Il est en quelque sorte l’équivalent de notre Assemblée nationale, dont les membres qui le forment – eux – sont comme le Président, élus par le peuple allemand, mais pour une durée de 4 ans.
Donc si le Président Hindenburg – élu en 1925 – souhaite que son Chancelier puisse gouverner, il a plutôt intérêt à nommer un personnage qui soit du même bord politique que la majorité des membres du Reichstag. Autant dire qu’en 1928, Hitler n’a absolument aucune chance d’y être nommé.
La montée en puissance du Parti nazi (NSDAP)
En 1928, le Parti nazi est un parti politique quasiment insignifiant, ancré à l’extrême droite et qui ne récolte que 2,6% des voix des électeurs. Pourtant, quatre ans plus tard, son score électoral atteint 37,3%, faisant de lui la première force politique en Allemagne. Mais comment cela a-t-il été possible ?
La crise économique de 1929
En 1929, la crise économique s’abat très lourdement sur l’Allemagne, qui sombre dans une misère absolument indescriptible. Économiquement, elle se relève à peine de la Première Guerre mondiale. Dans certaines régions du pays, c’est véritablement la famine qui s’installe. Le Chancelier en place, Heinrich Brüning, adopte alors une forte politique très impopulaire de déflation monétaire. Parmi les mesures qu’il prend, on trouve notamment l’augmentation des impôts et la baisse des allocations chômage. Au final, il crée un terrain très fertile au populisme. Dans ces conditions, les partis extrémistes parviennent rapidement à se faire mieux entendre. C’est le cas du Parti communiste mais aussi du Parti nazi.
Hitler promet de sortir l’Allemagne de la crise. Mais il fait aussi bien d’autres promesses qui sont cependant annoncées, ou non, en fonction de l’auditoire qui se présente à lui. Par exemple, pour séduire les riches industriels et banquiers, indispensables aux financements de ses campagnes, il évite d’avoir un discours antisémite. Cependant et parallèlement, la propagande nazie parvient à orienter la colère généralisée du peuple allemand contre les Juifs, les communistes ou les sociaux-démocrates.
Comment Hitler devient-il populaire ?
Dans la montée en puissance du Parti nazi, la personnalité de Hitler joue évidemment un rôle de première ordre. En effet, son talent d’orateur lui permet de rassembler les masses et surtout, il s’autorise à tenir des discours virulents, démunis de tout scrupule. Au fond, la promesse politique de Hitler est assez simple : la liberté et le pain. La liberté pour symboliser le retour de l’Allemagne au rang des grandes puissances, et le pain pour le retour à la puissance économique et à la prospérité. Un message – certes – simple, mais un message que les Allemands veulent entendre.
Après son putsch manqué de 1923, Hitler en arrive à la conclusion que s’il veut s’emparer du pouvoir, ce ne serait possible que de manière “légale”. Il déteste le régime parlementaire de la République de Weimar, mais il en accepte le jeu. En d’autres termes, il va utiliser les règles et les codes de la République pour la détruire.
En attendant et pour gagner par les urnes, Hitler comprend que c’est en allant au contact de la population qu’il gagnera des voix. Pour cela, il multiplie les meetings. Grâce à un nouveau système de son – une invention de l’époque – il peut se produire devant des rassemblements de plusieurs milliers de personnes. Des rassemblements qui comptent jusqu’à 200 000 Allemands, venus l’écouter. De plus, il est capable de se produire deux à trois fois par jour, dans différentes villes du pays, en utilisant l’avion. Il est le seul à faire campagne ainsi.
La violence des Chemises brunes pour la conquête du pouvoir de Hitler
Parallèlement, et malgré son désir d’apparence légale, Hitler ne peut se passer de la violence des rues. Grâce aux Chemises brunes (SA), l’organisation paramilitaire de son Parti, il déstabilise et intimide l’opposition politique.
Fondée en 1921, la SA reçoit rapidement pour mission première d’encadrer et d’assurer la sécurité des meetings de Hitler. En effet, dans cette période d’après-guerre, de nombreuses armes circulent encore. De fait, tenir des propos extrémistes en public peut s’avérer être un jeu bien dangereux.
Aussi appelée Section d’assaut, celle-ci rassemble – dans un premier temps – beaucoup d’anciens combattants qui pour la plupart, ne sont pas parvenus à se re-sociabiliser après 1918. Lorsque se déchainent les conséquences de la crise économique de 1929, elle accueille de plus en plus de chômeurs. Le couvert offert par la SA est un avantage qui en convainc plus d’un.
Quoi qu’il en soit, les Chemises brunes deviennent un outil puissant pour la conquête du pouvoir. Après l’arrivée de Hitler à la Chancellerie du Reich et désormais forte de 4,5 millions d’hommes, elle jouera encore un rôle considérable pour assurer l’emprise du pouvoir nazi, notamment dans la “mise au pas” de la société allemande. Cependant, elle est aussi génératrice de conflits avec l’armée régulière qui elle, est limitée à 100 000 combattants par le Traité de Versailles. Devenue trop puissante et jugée incontrôlable aux yeux de Hitler lui-même, elle sera “décapitée” au cours de la Nuit des longs couteaux.
A lire aussi → Qu’est-ce que la SA (Chemises brunes) ?
Un pouvoir en place incapable de répondre aux attentes des Allemands
En 1930, Brüning, qui ne parvient pas à se constituer une majorité parlementaire, obtient du Président la dissolution du Reichstag. Car le Président en a effectivement le pouvoir. De nouvelles élections législatives sont donc organisées et, surprise, le parti nazi récolte 18,3% des sièges du Reichstag, après une campagne notamment marquée par la violence, l’intimidation et une forte propagande.
En 1932, année d’élections présidentielles, Hitler se présente face à Hindenburg – président sortant – mais s’incline au second tour avec 36,8% des voix, contre 53,1%. Le chancelier Brüning est lui remplacé par Von Papen qui à son tour, demande la dissolution du Reichstag. Nouvelles élections, et le parti nazi obtient désormais 37,3% des voix, soit 288 sièges au parlement sur les 647 possibles. Von Papen démissionne.
Hitler arrive au pouvoir, nommé Chancelier du Reich
Avec un tel score, on pourrait penser que Hitler obtient enfin le poste de Chancelier. Mais pas encore. Car le Président Hindenburg n’est pas du tout favorable au chef du Parti nazi et préfère nommer Kurt von Schleicher. Pour la troisième fois en moins de 3 ans, le Reichstag est dissous et les Allemands doivent revoter pour élire leurs représentants.
Le communisme : un danger supposé plus grand que le nazisme
Cette fois cependant, les nazis perdent un peu de terrain en obtenant 33,1% des scrutins. Mais de l’autre côté, le Parti communiste obtient le score historique de 16,9% des voix ! Or, pour Hindenburg, les communistes représentent un danger bien plus grand que les nazis.
Influencé par la propagande et par son propre entourage, il finit par croire que Hitler est le seul rempart au communisme. Le 30 janvier 1933, après d’intenses négociations avec le Parti nazi, il décide finalement de le nommer Chancelier, tout en imaginant pouvoir le contrôler.
Hitler n’a donc pas été élu par le peuple allemand. Il est arrivé au pouvoir grâce à une sorte de transaction entre un petit nombre de représentants politiques allemands. Transaction qui, constitutionnellement était quand même bien contestable.
Franz von Papen pour contrôler le pouvoir de Hitler
Lorsque Hitler est nommé à la Chancellerie du Reich, ce devait être une solution provisoire. Incarnant les valeurs de la droite conservatrice, le président Hindenburg s’était longuement opposé à son arrivée au pouvoir. Mais il avait été convaincu. Surtout, il pensait le Parti nazi affaibli ; aux précédentes élections législatives de 1932, il avait perdu plus de 2 millions de voix, et faisait en plus face à des difficultés financières.
Ainsi, Hitler doit représenter le visage d’un nouveau gouvernement, mais dans lequel les conservateurs sont majoritaires. Au début, c’est effectivement le cas. C’est d’ailleurs pour cette raison que Franz von Papen – principal représentant des conservateurs – y est nommé vice-chancelier et que Hitler est limité à la nomination de seulement deux ministres nazis.
Proche du président, la présence de von Papen consiste ni plus ni moins qu’à contrôler Hitler tout en amorçant une “révolution conservatrice”, faite dans le dos des nazis. De son côté, Papen préparait déjà une réforme de la constitution, dans laquelle le droit de vote serait restreint et le pouvoir législatif du Reichstag considérablement réduit. Mais dans ce rôle, il est certain que sa mission est un échec.
Bon nombre des ministres initialement nommés sont rapidement remplacés par des ministres nazis. Pour Hitler, l’incendie du Reichstag est une aubaine. En effet, il lui permet de faire passer le décret “pour la protection du peuple et de l’État”, lui permettant ainsi de décréter des lois, sans passer par l’approbation du président ni par le vote de l’Assemblée (le Reichstag).
Hindenburg espérait une “révolution conservatrice”, il aura finalement droit à une “révolution nazie”, dont il porte finalement une grande responsabilité. En l’espace de quelques mois seulement, la démocratie allemande sera totalement détruite.
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