Qu’est-ce que les Ligues d’extrême droite ?
Les ligues d’extrême droite – ou ligues nationalistes – sont des mouvements nationalistes qui ne sont pas ou peu représentés au sein des institutions républicaines. De manière générale, elles prônent des idées révolutionnaires, autoritaires, antiparlementaires, antisémites, anticommunistes et xénophobes. Leur principal moyen d’expression est la violence et l’occupation des espaces publics.
Rassemblement de Croix-de-Feu devant la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de Triomphe à Paris, le 28 mai 1933 – Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13 (1972) – Source gallica.bnf.fr
Contexte de l’apparition des Ligues à leur disparition
Se nourrissant des craintes, des mécontentements, d’une volonté protestataire et plus globalement des conjonctures négatives, les Ligues d’extrême droite apparaissent essentiellement au cours de deux périodes distinctes. Une première durant les années 1920 et une seconde au début des années 1930.
L’arrivée au pouvoir du Cartel des gauches
Dans les années 1920, trois principaux facteurs animent les Ligues d’extrême droite. En 1924, le Cartel des gauches arrive au pouvoir, aboutissant à la nomination de Herriot à la tête du gouvernement. Dans la continuité, les projets laïcs de la nouvelle majorité provoquent la mobilisation des catholiques. Enfin, plus tardivement, la crise financière de 1929 alimente un mécontentement grandissant au sein de la population française.
Les crises du début des années 1930
Au début des années 1930, les nombreuses crises et affaires politiques (notamment l’affaire Stavisky) – en plus des effets de la crise économique de 1929 qui commencent à se faire ressentir – réaniment les Ligues d’extrême droite, après une brève période de déclin. En 1932, la victoire du Parti radical, parti politique qui incarne incontestablement la Troisième République, remet sur les devants de la scène ce que Nicolas Beaupré présente comme une tradition française : l’antiparlementarisme.
L’ensemble de ces éléments donne forme à une expression souvent violente, diffusée par des mouvements qui ne sont pas ou peu représentés à la Chambre des députés. Il est vrai aussi qu’en cette période, les formations politiques de droite ne parviennent pas à s’organiser en une réelle formation et à fédérer l’opinion. Cet “espace vide” laissé par le droite républicaine, permet aux Ligues d’extrême droite de s’y engouffrer et de se développer.
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La fin du temps des ligues
De manière générale, les ligues d’extrême droite propagent l’agitation et la violence politique dans les espaces publics. Encore plus particulièrement lorsque que la gauche est portée au pouvoir du pays. De 1934 à 1936, elles tiennent une partie du pavé parisien, en passant par la statue de Jeanne d’Arc, jusqu’au tombeau du soldat inconnu de l’Arc de Triomphe.
Les émeutes du 6 février 1934 sont le point culminant de l’histoire des ligues. Mais elles annoncent aussi leur fin prochaine. Le 13 février 1936, Léon Blum est sauvagement agressé par des Camelots du roi de l’Action française. Le soir-même, Albert Sarraut, chef du gouvernement français, décide de la dissolution de la ligue de l’Action française, de sa Fédération des Camelots du roi et de sa Fédération étudiante. Une fois au pouvoir, le Front populaire ordonne finalement la dissolution de toutes les ligues nationalistes et certains mouvements qui y sont assimilés, comme les Croix-de-Feu ou le Parti franciste.
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Les Ligues d’extrême droite sont-elles fascistes ?
En réaction à l’affaire Stavisky qui secoue la République française, les ligues d’extrême droite organisent une grande manifestation le 6 février 1934. Rapidement, celle-ci dégénère en une très violente émeute. Ces actions, qui rappellent la marche sur Rome de Mussolini ou encore les manifestations de rue des nazis, provoquent un sursaut républicain et contribue à souder le Rassemblement populaire (qui deviendra le Front populaire) contre “un coup de force fasciste”.
Cependant, les ligues d’extrême droite sont-elles réellement fascistes ? S’exprimant de manière violente en occupant les rues, les Ligues sont animées d’un nationalisme exacerbé et d’un antiparlementarisme plus que certain. En revanche, si certaines reprennent – certes – les codes du fascisme, elles se réclament surtout d’une droite autoritaire, combative, tantôt antisémite, tantôt xénophobe, tantôt anticommuniste.
Même si la frontière entre nationalisme et fasciste peut s’avérer bien mince, Jean-François Sirinelli confirme dans son dictionnaire de la Troisième République que le fascisme réel ne se trouve finalement qu’au sein de quelques groupuscules, comme le Francisme. Dans son ouvrage dédié au Front populaire, Jean Vigreux ajoute aussi qu’avec le recul historique, les événements du 6 février 1934 s’apparentent plus à une tentative de semer le désordre et le chaos, qu’à un véritable coup de force.
Les principales Ligues d’extrême droite et leurs objectifs
Si la plupart des ligues se retrouvent dans un nationalisme exacerbé et s’animent de l’antiparlementarisme autour du culte du chef, toutes n’affichent néanmoins pas les mêmes objectifs ou ambitions.
La Ligue de l’Action française
La ligue de l’Action française est la plus ancienne et la plus ancrée dans le visage politique de la Troisième République. Mouvement fondé en 1899 par Henri Vaugeois et Maurice Pujo au moment de l’affaire Dreyfus, sa position se range du côté des antidreyfusards. Rapidement, l’Action française accueille en ses rangs un certain Charles Maurras. Ce dernier l’oriente vers le monarchisme dont il est adepte, tout en y ajoutant une forte pensée nationaliste. Selon lui, le régime républicain et parlementaire, sous l’influence néfaste des Juifs et des francs-maçons, mène le pays au chaos.
Après la victoire du Cartel des gauches et la loi sur la séparation des Églises et de l’État, les hommes de l’Action française fondent la Ligue d’Action française, dont l’objectif ultime est – selon Eric Alary (biographie de Joseph Darnand) – ni plus ni moins que de renverser la République. Parlant de l’Église comme étant la seule “véritable libre pensée” Maurras donne au mouvement un véritable rôle de fer de lance de la défense de l’institution pontificale.
A partir de 1908, l’Action française devient aussi un quotidien qui paraît en France jusqu’en 1944. En 1909, elle se dote d’un service d’ordre : les Camelots du roi. Propulsé par un mouvement qui progresse avec certitude, l’audience du journal touche de nombreux lecteurs royalistes, mais aussi républicains. En novembre 1917 par exemple, il est imprimé à plus de 150 000 exemplaires.
Le 29 décembre 1926, le pape Pie XI signe un décret interdisant aux catholiques de lire l’Action française. Cette condamnation pontificale provoque une grave crise au sein du mouvement, qui perd alors de nombreux membres et de nombreux lecteurs.
Les événements du 6 février 1934 donnent lieu à un regain d’influence, mais qui reste et restera cependant très éphémère. En 1936, la ligue est dissoute. Son quotidien en revanche continue de paraître et se déchaine contre le Front populaire.
Après cette dissolution, certains membres du mouvement font scission et forment le Comité secret d’action révolutionnaire (CSAR). Plus connu sous le nom de “La Cagoule”, le comité est une organisation terroriste visant à combattre la Troisième République et plus particulièrement le Front populaire.
Dès le début de l’Occupation, les chefs de l’Action française apportent un soutien inconditionnel au régime de Vichy et se rallient à la Révolution nationale du maréchal Pétain. S’ils obtiennent une certaine audience auprès de l’État français, leur influence reste en revanche bien faible. Son antigermanisme affiché ne l’empêche pas de prendre part à la collaboration. Le temps de l’Action française s’achève finalement dans la trahison de son hypernationalisme, qui au fil de son existence devenait déjà de plus en plus abstrait.
Les Croix-de-Feu
Fondée en 1927, la ligue des Croix-de-Feu est une association d’anciens combattants comme il en existe tant d’autres à l’issue de la Première Guerre mondiale. Membre du conseil d’administration, le colonel de La Rocque en devient le président en 1931.
Sous son impulsion et au cours de cette même année, l’association ouvre ses portes aux “Fils et Filles des Croix-de-Feu” puis finalement à “toutes les personnes favorables aux actions des Croix-de-Feu”, au sein du “Regroupement national”. En 1933, La Rocque fonde le mouvement des “Volontaires nationaux”, regroupant les personnes destinées à agir sur la voie publique. Par ailleurs, les “dispos” représentent la force armée des Croix-de-Feu, constituée d’environ 1 500 hommes.
Selon Jean-François Sirinelli, la ligue cherche à reproduire de manière constante la cohésion de l’effort de guerre, connue en 1914-1918. Conservant de ses origines une forte empreinte de l’esprit combattant, elle exprime une exaltation des sacrifices, un antiparlementarisme affiché, et une volonté d’unir les Français au-dessus de tous les partis politiques.
Organisation solide, capable de mobiliser les foules et de faire manœuvrer dans un ordre impeccable ses groupes paramilitaires, les Croix-de-Feu ne craignent pas les combats de rue, surtout lorsqu’il s’agit de s’opposer aux communistes. En 1934 – selon les estimations historiques -, le mouvement rassemble un peu plus de 200 000 membres à travers ses différentes organisations. Près de 300 000 en 1935. Il s’agit de la plus importante ligue pour la période.
Cependant, l’idéologie du mouvement reste vague. Toujours selon Sirinelli, elle s’inspire de la droite autoritaire et du catholicisme social. Quoi qu’il en soit, le colonel de La Rocque est considéré comme un “fasciste” par la gauche. Tout comme son mouvement de manière générale. Pourtant, les Croix-de-Feu se refusent et se défendent de toute imitation d’un modèle étranger.
Lors des émeutes du 6 février 1934, les Croix-de-Feu ont la possibilité de s’emparer du Palais Bourbon. Pourtant, les hommes sont retenus par leur chef : le colonel de La Rocque. En réalité, la ligue représente peut-être davantage plus un mouvement conservateur que révolutionnaire. Au grand dam d’un certain nombre de ses adhérents qui réclament un discours plus radical et des actions plus musclées. A partir de 1935, les militants sont de plus en plus nombreux à se détourner des Croix-de-Feu.
Après la dissolution des ligues, en 1936, le colonel de La Rocque accepte le jeu républicain et fonde le Parti social français. Un parti politique national et conservateur. Une grande déception pour les activistes d’extrême droite qui espéraient bien pouvoir profiter de la puissance du mouvement pour l’accomplissement de leurs projets.
Les Jeunesses patriotes et la Solidarité française
Créée le 18 décembre 1924, la Ligue des jeunesses patriotes se présente comme l’organisation de jeunesse de la Ligue des patriotes. Fondé par Pierre Taittinger, il souhaite inscrire son mouvement dans la préservation des acquis de la victoire de 1918 qui, selon lui, sont menacés par l’arrivée au pouvoir de la gauche.
Organisation anticommuniste qui emprunte les codes du fascisme, la ligue possède sa propre organisation paramilitaire, constituée d’hommes habillés d’un imperméable bleu et d’un béret basque qui manient la canne.
Dans ce même registre, on retrouve également la Solidarité française. Une ligue fondée en 1933 par François Coty, et qui se présente comme un mouvement révolutionnaire et profondément xénophobe. Comme les autres ligues d’extrême droite, elles participent aux émeutes du 6 février. Mais ne parvenant pas à devenir des mouvements capables de rassembler les masses, elles disparaissent après les dissolutions de 1936.
Les ligues d’inspiration fasciste
Fondée le 11 novembre 1925 par Georges Valois, le Faisceau est une ligue qui rassemble plus ou moins les idées de Charles Maurras et de Mussolini. A ce dernier, il emprunte non seulement le nom de la ligue fasciste italienne, mais aussi ses rites : uniformes, chemises bleues, groupes paramilitaires.
En septembre 1933, Marcel Bucard, ancien du Faisceau et proche de Coty, fonde le Francisme. Un mouvement ouvertement fasciste qui s’aligne nettement sur la fascisme italien (dont il reçoit des financements) en recopiant ses pratiques militantes et son idéologie nationaliste, étatiste, anticapitaliste et anticommuniste.
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