Les mesures antisémites sous l’Occupation
En France, les premières mesures discriminatoires et antisémites voient rapidement le jour dès le début de l’Occupation allemande et l’établissement du régime de Vichy. Les ordonnances et lois se multiplient et le 29 mai 1942, le port de l’étoile jaune devient obligatoire pour les Juifs en zone occupée.
A Paris, des femmes portent l’étoile jaune – Archives allemandes – Juin 1942
Qu’est-ce que l’antisémitisme ?
L’antisémitisme est une manifestation raciste, discriminatoire et hostile à l’encontre des Juifs en tant que groupe ethnique, religieux ou supposément racial. En somme, l’ensemble de la communauté juive est visée à travers différentes cibles comme le nom de famille ou le prénom, le mode de vie, la pratique religieuse, le métier exercé, ou encore même l’apparence physique.
D’où vient-il ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’antisémitisme n’est pas né de la bouche d’Hitler. En réalité, ce racisme à l’encontre de la communauté juive est né à partir de préjugés, déjà très présents dans toute l’Europe avant même le début de la Première Guerre mondiale.
En Allemagne, il est cependant l’un des piliers fondateurs du Parti nazi qui, avec sa montée en puissance, mènera jusqu’à la “Solution finale” après la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942.
En France, l’antisémitisme gagne du terrain après l’affaire Dreyfus, en 1895. Cependant, comme dans bien des démocraties, il est condamné par la loi, du moins jusqu’en 1940 où le décret “Marchandeau”, réprimant le délit d’injure ou de diffamation raciale, est abrogé par le régime de Vichy.
Les mesures discriminatoires et antisémites avant le port de l’étoile jaune
Au début de l’Occupation, il est vrai que la presse collaborative à beaucoup à faire. Les publications des ordres et ordonnances allemandes et françaises prennent beaucoup de place dans ces journaux. La propagande anti-juive devient presque quotidienne et ces articles sont régulièrement accompagnés de commentaires enthousiastes et “pédagogiques”. Ainsi et jusqu’en 1942, les mesures antisémites se développent sans provoquer de réelles réactions fortes de l’opinion. Pourtant et c’est un fait , les valeurs de la République sont abolies par Vichy.
Lois, abrogations, ordonnances, statuts…
- Loi portant révision des naturalisation – 22 juillet 1940 : Le ministère de la Justice du gouvernement de Vichy met en place une commission chargée de réexaminer l’ensemble des 539 000 naturalisations accordées depuis la loi du 10 août 1927. Près de 195 000 dossiers seront étudiés entre 1940 et 1943 : 15 154 personnes seront déchues de leur nationalité, dont environ 8 000 Juifs, désormais apatrides.
- Abrogation du décret “Marchandeau” – 27 août 1940 : En vigueur depuis le mois d’avril 1939, ce décret punissait les auteurs de diffamations et injures raciales proférées dans la presse. Dans un même temps, Vichy annule toutes les poursuites en cours pour ces mêmes faits. De fait, les auteurs sont non seulement protégés, mais ils sont surtout encouragés. Ainsi en France, l’antisémitisme vient d’être légalisé.
- Ordonnance allemande du 27 septembre 1940 : Les critères d’appartenance à la religion juive sont énoncés et les personnes considérées comme telles ont interdiction de quitter la zone occupée et doivent se faire recenser. Les premières affiches “entreprises juives” sont accolées sur les façades des commerces et entreprises considérées comme juives.
- Premier statut des Juifs – 3 et 4 octobre 1940 : Adoptée par Vichy et selon lui-même en conformité avec la politique menée par le Troisième Reich et dans la lignée des lois de Nuremberg, adoptée en 1935. Cette loi établit donc le statut des Juifs ainsi : “Est regardé comme Juif, pour l’application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race si son conjoint lui-même est Juif.”. Dans un même temps, les métiers de la fonction publique sont interdits aux principaux concernés, de même que les métiers de la presse et du cinéma et les Juifs étrangers peuvent désormais être internés dans des “camps spéciaux”. Jusqu’au mois de septembre 1941, de nombreux autres décrets et lois seront publiés et applicables en zone libre ou en zone occupée.
- Abrogation du décret Crémieux – 7 octobre 1940 : Le gouvernement de Vichy retire la nationalité française aux quelque 120 000 Juifs d’Algérie. Cette mesure sera abolie en 1943, un an après le débarquement des troupes alliées en Algérie.
- Création du Commissariat Général aux Questions Juives – 29 mars 1941 : Créé par le régime de Vichy et aussi appelé le CGQJ, le Commissariat Général aux Questions Juives a pour mission de préparer et de proposer au chef de l’Etat des mesures législatives à propos des Juifs en France. En outre et directement lié à la politique de collaboration, ce service est chargé d’appliquer la politique discriminatoire prônée par l’Allemagne nazie sur l’ensemble du territoire français : les forces de l’ordre françaises sont donc à disposition des nazis pour opérer les rafles en zone occupée.
- Loi sur le recensement des Juifs – 2 juin 1941 : En zone occupée comme en zone libre, les personnes appartenant au statut des Juifs, lui-même revu et durci, ont obligation de se faire recenser et de déclarer leurs biens. En France, l’appartenance religieuse n’était plus mentionnée depuis 1872. Aussi, les interdictions professionnelles s’élargissent grandement, quasiment toutes les professions et activités leurs sont dorénavant interdites.
- Ordonnance allemande du 13 août 1941 : En zone occupée, les Juifs ont désormais interdiction de posséder des postes TSF.
- Ordonnance du 7 février 1942 : Les Juifs ont désormais interdiction de sortir de chez eux entre 20h00 et 6h00 du matin. Ils ont aussi interdiction de changer le lieu de leur résidence actuelle.
- Arrêté relatif à l’organisation de la commission de révision des changements de noms – 10 février 1942 : Les Juifs ont interdiction de changer de nom.
29 mai 1942 : le port de l’étoile jaune devient obligatoire
L’ordonnance du 29 mai 1942 ne laisse rien au hasard. Elle est l’œuvre d’un certain Heydrich Reinhard, chef de l’office supérieur de la sécurité du Reich. En revanche, sa mise en application appartient bien aux services français. Cette nouvelle mesure, ô combien humiliante, s’applique à toutes nationalités confondues, y compris française, en zone occupée et dès l’âge de 6 ans.
Un signe distinctif pour une reconnaissance immédiate
Selon le texte établit, l’ordonnance se présente ainsi : “L’étoile des Juifs consiste en une étoile à 6 branches, noire, de la grandeur de la paume, en étoffe jaune ; portant en noir l’inscription “Juif”. Elle doit être portée, cousue solidement, de façon apparente, sur la poitrine, sur le côté gauche du vêtement”.
Pour les nazis, ce “signe distinctif” dont le port est obligatoire pour toute apparition en public et dès l’âge de 6 ans a bien des objectifs : il permet la reconnaissance immédiate des Juifs, doit inciter à leur mise à l’écart par la population mais surtout, elle vise à faciliter leurs arrestations. Partout en zone occupée, la police veille à ce que la consigne soit bien respectée. A Dijon par exemple, des contrôles sont effectués jusque dans les écoles, où les enfants sont convoqués dans le bureau de la directrice. L’un d’eux se souvient :
J’avais onze ans, je me sentais terriblement angoissée, c’était un véritable cauchemar. J’étais comme ciblée, j’avais peur d’être agressée. J’aurais voulu disparaître. […] C’était une violence, je tenais mon cartable contre moi pour me protéger. En me voyant, ma maîtresse a tout de suite réagi, elle a prévenu mes camarades : “Vous n’allez pas l’embêter avec ça”, elle a fait immédiatement une leçon de tolérance que je n’oublierai jamais. Quelle preuve de courage dans une telle atmosphère générale ! Un jour, j’ai été convoquée dans le bureau de la directrice, deux inspecteurs de police français goguenards étaient là pour contrôler si je portais bien mes étoiles, je me souviens que la directrice a été très complaisante avec eux”.
Contrairement aux précédentes mesures et lois antisémites, l’opinion français réagit. Ainsi et principalement dans les établissements scolaires, plusieurs élèves non Juifs portent une étoile par solidarité. L’étoile est, pendant un temps, plutôt prise à la rigolade pour certains. Ce qui n’empêche cependant pas la dure épreuve à supporter pour les enfants comme pour les adultes Juifs. Les Allemands prendront des mesures dissuasives contre cela.
Par crainte d’une réaction trop forte de l’opinion général, cette mesure ne sera pas appliquée en zone libre, tant qu’elle le reste encore. Car après le port obligatoire de l’étoile jaunes et l’invasion de zone libre par les troupes allemandes, d’autres mesures seront encore prises, la principale étant celle-ci :
- Ordonnance allemande du 11 novembre 1942 : Le tampon “Juif” doit désormais apparaitre sur les cartes d’identité des personnes concernées.
Le choix de la collaboration
Au fur et à mesure des rafles qui s’organisent en France, les camps d’internement français se remplissent de Juifs étrangers et français. Véritable instrument de collaboration avec l’Allemagne nazie, ces camps ont tous pour objectif commun la déportation de ces hommes, femmes et enfants pour les assassiner dans différents camps d’extermination en Europe occupée.
Rafles et déportations
Le 14 mai 1941, la rafle du Billet vert, la première arrestation massive, permet l’internement et la déportation d’environ 3 700 Juifs étrangers. Elle a été possible grâce aux fichiers de recensement. Ces brutales arrestations discriminatoires et raciales ne vont faire que s’accentuer davantage en un temps très rapide. Parmi les rafles les plus connues, celle du Vel’d’Hiv, survenue le 16 juillet 1942, permet l’arrestation et la déportation de 12 884 Juifs. La rafle de Marseille, survenue à la fin du mois de janvier 1943, permet la déportation de 1 642 personnes.
Le 27 mars 1942, un premier convoi partait de France pour rejoindre le camp d’Auschwitz-Birkenau. Il n’est pas que le premier d’une très longue série. Jusqu’en 1944, 76 000 Juifs français ou étrangers seront déportés dans plusieurs camps. Seulement 2 500 en reviendront.
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Sources et références
Etre Juifs sous l’Occupation en Côte d’Or et en Bourgogne – Alain Belassène
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