Le remaniement du 18 mai et l’entrée de Pétain au Gouvernement
18 mai 1940
Le 18 mai 1940, au moment même où les troupes allemandes déferlent dans le Nord-Est de la France, le président du Conseil Paul Reynaud effectue un remaniement ministériel. Souhaitant créer l’union pour rassurer et remobiliser les Français du front, il espère ses choix décisifs pour le sort de la France.
Le maréchal Pétain entre au gouvernement
Bien sûr, on pourrait parler de la nomination de Georges Mandel au ministère de l’Intérieur, de celle de Daladier aux Affaires étrangères ou encore du fait que Reynaud choisisse lui-même de s’occuper du ministère de la Guerre et de la Défense Nationale. Mais la tête d’affiche de ce remaniement du 18 mai 1940, n’est autre que le maréchal Pétain.
Remobiliser les Français
Paul Reynaud voulait marquer les esprits, c’est chose faite ; Philippe Pétain devient, en cumulant les titres de ministre d’État et de Vice-président du Conseil, le numéro deux du Gouvernement. Tout un symbole. Le coup est réussi, la presse exalte et les Français expriment dans une large majorité, une franche satisfaction.
Il faut dire que les temps sont terriblement durs. Plusieurs millions d’entre eux sont déjà jetés sur les routes de l’exode, fuyant l’avancée des troupes allemandes sur le territoire national. Depuis le 10 mai, on ne compte plus les pertes humaines qui ne sont que croissantes et encore moins les déconvenues militaires.
Ainsi, on accepte volontiers d’oublier les idées antirépublicaines du maréchal. Peu importe qu’elles soient plus ou moins proches du franquisme. On ne pense plus au fait qu’il a très souvent été soutenu par diverses ligues d’extrême droite. Il est aussi encore trop tôt pour comprendre qu’il est à l’origine de ceux qui ont empêché toute réforme de l’outil militaire ou même qu’il jurait, quelques semaines auparavant, que les Ardennes étaient impénétrables. Pour l’heure, il n’y a qu’une seule chose qui compte ; sauver la France et les Français. Et seul le héros de 1918 en serait capable.
Le grand-père protecteur de la Patrie
En cette sombre et difficile période, c’est un fait, personne ne s’étonne non plus de l’âge avancé de Pétain. Pourtant, du côté des forces allemandes, la majorité des généraux ont moins de cinquante ans.
Serait-ce deux visions de la guerre qui s’opposent ? En France, les 84 printemps du très glorieux vainqueur de Verdun incarnent davantage la sagesse que le doute. Il est en quelque sorte le grand-père protecteur qui, paraît-il, serait même sans ambition politique.
Il est vrai qu’il n’a pas de programme au sens propre du terme et de ce fait, du moins aux yeux de la population, il n’est pas politiquement marqué ni engagé. Néanmoins, beaucoup savent qu’il rêve tout de même de donner quelques bonnes leçons à cette République parlementaire qu’il méprise, ainsi qu’à ceux qui la composent. Certes il n’a pas de programme, mais les idées sont néanmoins bien présentes.
Weygand remplace Gamelin à la tête de l’armée Française
Sous les applaudissements unanimes du Sénat, Paul Reynaud avait annoncé, le 16 mai précédent, qu’il procèderait à ce remaniement ministériel. Mais il avait aussi annoncé que ce remaniement concernerait également l’armée française. Chose faite, ce 19 mai 1940, il écarte ainsi le général Gamelin, qu’il estime trop passif, pour finalement confier les clés de la défense du pays au général Maxime Weygand.
Le remaniement de la victoire ?
A la radio, au soir du 18 mai, Paul Reynaud l’annonce avec conviction : le maréchal Pétain restera à ses côtés jusqu’à la victoire. “Chaque Français, qu’il soit aux armées ou à l’intérieur, doit faire ce soir avec moi le serment solennel de vaincre.”
Après une telle déclaration, les faits devaient évidemment suivre. Là aussi, la presse s’emballe et les Français se montrent tout aussi satisfaits de la nomination de Weygand. Ici encore, on fait ressurgir le glorieux passé de 1918. Et après tout, celui qui fut le bras droit de Foch est lui aussi, à 73 ans, en droit de représenter la sagesse. Tout comme Pétain, il est une figure prestigieuse et inattaquable, et peu importe que ce monarchiste de cœur méprise lui aussi la République, puisqu’il s’agit coûte que coûte de sauver la France de l’effondrement.
Les choix du ramaniement de Reynaud
De ce remaniement, Reynaud espère créer l’union national, quitte à faire les efforts nécessaires, de son côté, en faisant entrer des personnalités avec lesquelles il ne peut s’entendre. Seulement et en réalité, il ne fait qu’opposer, au sein même de son gouvernement, les idées quant à la suite prochaine des événements.
“Une guerre perdue”
Comme l’écrit Claude Faisandier ; c’est la grande force de Philippe Pétain, il se laisse approcher plus qu’il n’approche lui-même. Au fond de lui, il prend rapidement conscience qu’on fera un jour appel à lui. Mais il est un homme qui sait attendre le bon moment.
Lorsque Daladier lui propose d’entrer dans son gouvernement en septembre 1939, au moment même où la Grande-Bretagne et la France viennent de déclarer la guerre à l’Allemagne nazie, il refuse. Le maréchal comprend qu’il a plus à perdre qu’à y gagner. Cependant, au cours de ce mois de mai 1940, les événements rendent les choses bien différentes.
Car Pétain en est intimement convaincu, la guerre est perdue et il faut désormais sauver ce qu’il reste de l’armée. Evidemment, le poste qu’il accepte d’occuper ne le place pas dans une position des plus confortables. En revanche, cette position lui donne bien l’opportunité de gérer la défaite à sa manière et de mettre ses idées à exécution. En bref, le maréchal veut cesser les combats et c’est également ce que souhaitent l’immense majorité des français. Car eux, sont bel et bien dans une position extrêmement désagréable et dangereuse.
En somme et en interne, les Reynaud, Daladier et Mandel, partisans de la poursuite de la guerre, s’opposent aux Pétain, Weygand et Baudouin, partisans de l’armistice. Mais en ces temps durs, le statut militaire pèse davantage que celui du politique. Les combats font encore rage sur le territoire nationale, tout comme dans les plus hautes sphères politiques. Pétain aurait-il déjà placé ses pions ?
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