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Histoire et Mémoire de la Seconde Guerre mondiale

L’armistice du 22 Juin 1940 et la Clairière de Rethondes

par | 2 Mai 2023

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L’Armistice franco-allemand du 22 juin 1940 et la Clairière de Rethondes

L’armistice du 22 juin 1940 entre la France et le Troisième Reich a été signé dans la Clairière de Rethondes. Aussi appelée Clairière de l’Armistice, celle-ci évoque pour la France des faits mêlés de sentiments qui s’opposent pleinement ; ceux de la victoire et du triomphe sur l’Allemagne, et ceux de la défaite et de l’humiliation. Ce 22 juin 1940, Adolf Hitler impose à son ennemi de toujours de signer l’armistice qu’il réclame dans ce même endroit. Le choix du lieu n’est certainement pas le fruit du hasard.

Ça s’est passé dans les

Hauts-de-France

Clairière de l'Armistice

L’Armistice du 11 novembre 1918

Pour comprendre certains aspects de l’Armistice du 22 juin 1940, il faut en partie prendre connaissance de certains faits relatifs à celui du 11 novembre 1918. Dans les derniers mois de la Grande Guerre (14-18), les armées alliées lançaient une offensive salvatrice pour l’envahisseur allemand, à tel point que celles-ci avaient toutes les ressources nécessaires pour franchir le Rhin et entrer en Allemagne. A l’automne suivant, cette dernière n’a plus d’autre choix que de demander et de tenter de négocier une cessation des hostilités.

Emplacement du maréchal Foch lors de l'armistice de 1918 dans le wagon de l'Armistice stationné dans la Clairière de Rethondes

Wagon-restaurant n°2439D, exposé au Mémorial de l’Armistice, représentant le wagon n°2419D aménagé en bureau par la Compagnie des wagons-lits pour le maréchal Foch. © Fortitude Studio

Pourquoi la Clairière de Rethondes ?

Située au cœur de la forêt de Compiègne (département de l’Oise), la Clairière de Rethondes est un lieu presque isolé du monde, calme et à l’abri des oreilles et des regards indiscrets. Traversée par deux tronçons de voies ferrées, il est aussi possible d’y acheminer et de stationner les trains de deux délégations françaises et allemandes. C’est sans aucun doute pour ces raisons – qu’en 1918 – le généralissime des armées alliées Ferdinand Foch, choisit ce lieu pour accueillir les négociations et la signature de l’armistice. De fait, la solitude de cette forêt marque aussi une forme de respect à l’adversaire vaincu, tout en permettant de tenir à l’écart les éventuelles manifestations de colère – certes légitimes – des citoyens français.

Un lieu tenu secret

Il fait encore nuit noire ce 8 novembre 1918. Les vitres du train des plénipotentiaires allemands sont masquées. Le lieu qu’ils s’apprêtent à rejoindre pour demander aux puissances alliées les conditions d’un armistice sur terre, sur mer et dans les airs, leur est encore tenu secret.

A 5h30 du matin, lorsque le train s’arrête dans l’atmosphère brumeuse de ce mois de novembre, un gendarme dévoile enfin le secret : nous sommes en forêt de Compiègne. A quelques mètres de là, sur une seconde voie parallèle à celle de la délégation allemande, le train du maréchal Foch est lui aussi à l’arrêt. Bientôt, les deux convois seront reliés par un caillebotis pour éviter les allers-retours dans les terres détrempées et boueuses dans ce qui – de fait – n’est encore qu’une simple clairière, au milieu d’une forêt.

Maquette représentant la Clairière de Rethondes en Novembre 1918, au moment de la négociation et de la signature de l'armistice de 1918

Maquette exposée au Mémorial de l’Armistice, représentant la Clairière de Rethondes en Novembre 1918, lors de la négociation et de la signature de l’armistice de 1918.

C’est cette France qui, après ces quatre interminables années de guerre, vient de perdre 1,4 millions de ses enfants (soit près de 30% des 18-35 ans) et qui a subi une baisse de natalité de près de 40%. C’est cette France qui a plus de 30 000 km² de son territoire à reconstruire, dont le coût est estimé à 37 milliards de francs or (soit 7 fois le budget de l’Etat en 1913). C’est cette France qui s’est lourdement endettée pour financer cette guerre qu’elle n’avait pas voulu, dont la facture s’élève à 210 milliards de francs or (40 fois le budget de l’Etat en 1913). C’est cette France qui, enfin, espère bien faire payer l’Allemagne et obtenir réparation.

Au cœur de la forêt de Compiègne, les Allemands sont prévenus ; ils seront reçus par le maréchal Foch, à neuf heures, dans la voiture-restaurant numérotée 2419D de son train. Les discussions sont sur le point de commencer.

Dans le wagon de l’Armistice

Le wagon immatriculé 2419D était – avant-guerre – une voiture-restaurant de la Compagnie des wagons-lits, ayant pour habitude de circuler sur le réseau des chemins de fer Ouest, entre la gare Montparnasse et la Bretagne. Peu de temps avant la signature de l’armistice du 11 novembre 1918, celui-ci fut incorporé au train du Maréchal Foch et aménagé en bureau.

A l’heure convenue, la délégation allemande composée de quatre hommes dont Matthias Erzberger, représentant du gouvernement allemand, et du Capitaine von Helldorff, entre dans le wagon.

« Quel est l’objet de votre visite ? » demande le Maréchal Foch. « Nous venons recevoir les propositions des Puissances Alliées […] », répond Erzberger. « Je n’ai pas de propositions à vous faire », tacle froidement Foch. Ainsi s’annonce la couleur de ces trois jours qui – pour les Allemands abattus et consternés – allaient être un véritable calvaire, ne laissant finalement place à aucune négociation possible.

Même s’ils n’aboutissent à rien pour les vaincus, les pourparlers se poursuivent jusqu’au 10 novembre. A 21 heures, un télégramme du Maréchal von Hindenburg informe de façon très pressante les hommes présents à Rethondes, que l’armistice doit être signé rapidement, afin d’arriver sans tarder à la fin des hostilités, tout en épargnant le plus de vies humaines.

Le 11 novembre, à 5h30, les Allemands apposent leurs signatures après celle du maréchal Foch à la convention d’armistice ficelée de 24 articles, comprenant notamment la cessation des hostilités, l’évacuation des pays envahis et la rétrocession de l’Alsace et de la Lorraine à la France. L’Allemagne a signé sa défaite. Mais se sentant humiliée, elle ne la reconnaîtra cependant jamais.

Néanmoins la clairière de Rethondes et le wagon 2419D – que l’on peut désormais appeler le wagon de l’armistice – incarnent incontestablement cet événement majeur et deviennent rapidement un symbole important de l’Histoire de France.

Armistice du 11 novembre 1918 - Clairière de Rethondes

Armistice du 11 novembre 1918 – photographie de la clairière de Rethondes. Au second plan, les deux trains des délégations françaises et allemandes (avec l’aimable autorisation du Mémorial de l’Armistice).

L’aménagement et les monuments de la Clairière de l’Armistice après la Grande Guerre

Deux ans après la fin de la Première Guerre mondiale, les journaux français dénoncent l’absence de monuments dans ce lieu symbolique – resté en l’état – qu’est la Clairière de l’Armistice.

Les réactions ne tardent pas et rapidement débutent les travaux d’aménagement de ce lieu de mémoire. Le 11 novembre 1922, le président de la République, M. Millerand, inaugure le Mémorial. Au centre d’une grande place de 100 mètres de diamètre qui doit rappeler celle de l’Etoile, à Paris, se dresse une géante dalle sur laquelle il est écrit : « Ici le 11 novembre 1918, succomba le criminel orgueil de l’Empire Allemand vaincu par les peuples libres qu’il prétendait asservir ». De chaque côté, deux autres monuments matérialisent les emplacements des wagons du maréchal Foch et des plénipotentiaires allemands.

Clairière de l'Armistice - Monument des Alsaciens Lorrains

Clairière de l’Armistice – Monument des Alsaciens Lorrains – © Fortitude Studio

A quelques centaines de mètres, un autre monument est inauguré ce même jour au niveau du carrefour de Francport (aujourd’hui carrefour de l’Armistice). Celui-ci glorifie l’armée française d’avoir récupéré l’Alsace et la Lorraine qui étaient alors aux mains allemandes depuis 1870, date de la fin de la précédente guerre entre la France et l’Allemagne. Créé par le ferronnier Edgard Brandt, l’aigle impérial germanique y est représenté terrassé par le glaive français.

Offert par la Compagnie des Wagons-Lits au président de la République, le wagon de l’armistice est exposé durant six années dans la Cour des Invalides, après avoir été composant du train présidentiel. Subissant les intempéries et se détériorant rapidement, il est finalement restauré puis rapatrié à Rethondes, exposé dans un abri construit au sein même de la clairière et inauguré le 11 novembre 1927.

En 1937, la statue du maréchal Foch est à son tour inaugurée. L’œuvre signée du sculpteur Firmin Michelet est placée aux abords de la Clairière. Décédé en mars 1929, celui qui fut maréchal de France, de Grande-Bretagne et de Pologne, doit ainsi garder un œil éternel sur ce lieu symbolique, représentant le triomphe français sur l’Allemagne, au cours de cette guerre qui devait être la « Der des Ders ». Elle sera le seul monument épargné par les nazis en 1940.

Statue du Maréchal Foch dans la Clairière de l'Armistice

Vers la Seconde Guerre mondiale

A peine deux décennies plus tard, le constat est implacable. Ni la Société des Nations – précurseur de l’Organisation des Nations Unies créée après la Grande Guerre censée maintenir la paix dans le monde – et encore moins le traité de paix, signé le 28 juin 1919 à Versailles, n’auront réussi à maintenir l’Europe dans un calme – certes relatif – et à tempérer l’esprit revanchard incarné par la régime nazi.

Traité de Versailles

Exemplaire du Traité de Versailles exposé au Mémorial de l’Armistice.

La débâcle

Le 10 mai 1940, sept ans après l’arrivée de Hitler au pouvoir, l’Allemagne lance une offensive militaire à l’Ouest de l’Europe. Pourtant neutres, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Belgique sont lourdement bombardés par la Luftwaffe.

En charge de la défense de la France, le général Maurice Gamelin est convaincu que les forces ennemies attaqueront la Nation en passant par le Nord de la Belgique. Ainsi, et pour tenter de contrer l’offensive allemande, il envoie le plus gros des forces franco-britanniques en direction des Pays-Bas, rompant indéniablement l’équilibre du front Nord-Est.

Car si les Ardennes sont faussement réputées infranchissables, c’est bien dans ce secteur délaissé par l’armée alliée que l’Allemagne prévoit d’attaquer la France. Dans la nuit du 11 au 12 mai, un avion de reconnaissance français remarque la présence de nombreuses colonnes de véhicules s’étirant sur plusieurs kilomètres, phares éteints, traversant les Ardennes. A son retour, le pilote doit faire face aux réactions très sceptiques de ses supérieurs. Le chef du service des renseignements de l’armée française est même informé en personne, mais celui-ci refuse de croire une « information aussi absurde ». Et pourtant…

Dans les faits, la situation est déjà très alarmante. Au matin du 15 mai, à 7h30, le réveil de Churchill est brutal. Au téléphone, Paul Reynaud, le chef du gouvernement français : « Nous sommes vaincus, nous avons perdu la bataille« . Plus tôt dans la nuit, la préfet de Charleville-Mézières l’avait informé : « les chars allemands sont dans les rues. Le front est enfoncé, plus rien ne s’oppose à l’avance des blindés ». Aucune contre-attaque n’est possible. Le plus gros des troupes ainsi que les unités de réserve, ont été envoyés en Belgique, conformément au plan du général Gamelin.

La retraite est ordonnée bien que plusieurs régiments français et britanniques font preuve d’une résistance acharnée à Arras, Cambrai et Nieuport. Pourtant, bousculée par l’opération allemande dite « Coup de faucille », l’armée alliée se retrouve coupée en deux à partir du 20 mai. Dix jours après le lancement de l’offensive, les Allemands ont déjà parcouru 240 kilomètres et atteignent les côtes de la Manche. Les Britanniques et certaines des unités françaises les plus modernes battent en retraite tout en continuant la lutte. A Dunkerque, dernier port de la région aux mains alliées, plus de 400 000 soldats britanniques, belges, canadiens et français sont pris au piège.

Malgré un commandement défaillant et une situation désespérée qui se dessine d’heure en heure, l’armée française se bat courageusement, avec détermination et un héroïsme certain. Mais l’éviction de Maurice Gamelin – remplacé par le général Maxime Weygand – ne changera plus la donne ; des millions de Français sont sur les routes de l’exode, la moitié du territoire est sur le point d’être envahi. La bataille de France est perdue. Rommel, à la tête de sa 7ème Panzerdivision écrit : « La guerre est peu à peu devenue un tour de France éclair ».

Pétain et l’annonce de l’Armistice

Le 16 juin 1940, six jours après que l’Italie de Mussolini ait déclaré la guerre à la France, deux après que les forces allemandes ne soient entrées dans Paris, Paul Reynaud remet sa démission. Si celui-ci est convaincu d’être rappelé pour former et conduire un nouveau gouvernement de combat, c’est finalement le maréchal Pétain que le président de la République Albert Lebrun, nomme à la présidence du Conseil.

Dès le lendemain, le nouveau chef du gouvernement français prononce une allocution à la radio :

C’est le cœur serré que je vous dis qu’il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités… Sûr de l’appui des anciens combattants que j’ai eu la fierté de commander, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

Maréchal Pétain

Président du Conseil, Discours du 17 juin 1940

A la fois soulagés et honteux, les Français acceptent – en grande majorité – la demande d’armistice formulée à l’Allemagne, qui doit enfin mettre un terme à cette terrible et interminable agonie.

Cependant, cette défaite est-elle une défaite honteuse pour la France ? Non, assurément. Le bilan de ces quelques semaines de combats parle de lui-même : 183 000 soldats français ont été mis hors de combat (60 000 tués, 123 000 blessés). Du côté des forces allemandes, 170 224 soldats ont été mis hors de combat (49 000 tués, 121 224 blessés), sans oublier les 743 chars et 1 428 avions allemands détruits. En seulement 45 jours de combat, l’armée de Hitler vient de perdre près de 30% de ses chars et près de 50% de son aviation. Autre fait également important, car il changera à terme l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le sacrifice de l’armée française – notamment lors de l’opération Dynamo – permet à la Grande-Bretagne de poursuivre la guerre.

Selon l’historien Dominique Lormier ; « La défaite de 1940 est donc avant tout celle d’une partie des élites militaires et politiques franco-britanniques, médiocres et incompétentes, refusant de voir à temps le danger du nazisme, préparant par la suite des plans délirants, faisant sans le savoir le jeu de la Wehrmacht ».

Clairière de l'Armistice - Rethondes

Retour à Rethondes

Le vendredi 21 juin 1940, la délégation française – conduite par le général Huntziger – en charge de négocier et de signer l’armistice, arrive à Paris. Escortée par les Allemands qui ne donnent aucune information, celle-ci repart pour une destination inconnue. A 20h15, le général Weygand – alors à Bordeaux avec une partie du gouvernement – reçoit un appel téléphonique de Huntziger : « Je suis à proximité du wagon que vous connaissez ». « Mon pauvre ami », répond celui qui était aux côtés de Foch, 22 ans plus tôt.

Armistice du 22 juin 1940  - Clairière de Rethondes - délégation française - général Charles Huntziger

Délégation française en charge de la négociation et de la signature de l’armistice franco-allemand (avec l’aimable autorisation du Mémorial de l’Armistice).

Pourquoi Hitler impose la Clairière de Rethondes pour la signature de l’Armistice ?

Ainsi, Français et Allemands se retrouvent une seconde fois dans la clairière de Rethondes, celle que l’on appelle aussi – depuis 1918 – la Clairière de l’Armistice. Néanmoins et contrairement au premier acte qui avait mis fin aux hostilités de la Grande Guerre, cet armistice-là va se dérouler dans une atmosphère très nettement différente.

Hitler a infligé à la France sa plus grosse défaite militaire de son histoire. Cette France qui est aussi son ennemi juré. Il a vaincu l’armée qui était encore faussement réputée comme la meilleure au monde. Le Chancelier allemand compte bien le faire savoir.

Armistice juin 1940 - Le correspondant américain William Shirer est présent à Compiègne.

A gauche, le correspond de guerre américain William Shirer. En arrière plan, les murs du Musée de l’Armistice dans lequel était exposé le wagon du maréchal Foch depuis 1927.

Joseph Goebbels, ministre de la propagande du Reich, décide d’en faire un événement international en faisant venir un grand nombre de correspondants de la presse internationale. Par camions entiers, des journalistes venus de pays neutres mais aussi de Suisse, d’Espagne, d’Italie ou encore des Etats-Unis, affluent de toutes parts et envahissent les environs de la clairière.

Si novembre 1918 s’était déroulé dans une certaine intimité, il n’en est rien pour juin 1940. Les forces allemandes sont présentes en nombre. La musique se veut rythmée et les caméras capturent les moindres faits et gestes. Les journalistes du monde entier ont été conviés à cette cérémonie d’armistice, dont l’organisation – et à travers elle le choix du lieu – n’est orchestrée que dans l’unique objectif d’humilier la France.

L’arrivée des délégations

Les nazis aiment les symboles et ils ne vont pas s’en priver. Après avoir détruit le mur de l’abri dans lequel il était exposé depuis 1927, le wagon du maréchal Foch est extrait de son enceinte et replacé à son emplacement exact du 11 novembre 1918. C’est dans celui-ci que la délégation française va prendre connaissance des conditions d’armistice exposées par l’Allemagne.

Un peu plus loin, le monument des Alsaciens Lorrains est recouverte d’un drapeau à croix gammée, de sorte à ce que le glaive français qui s’enfonce dans l’aigle prussien ne soit plus visible.

A 15h15 et par cette journée ensoleillée du 21 juin 1940, Hitler arrive dans sa Mercedes. Il est accompagné de Goering, Keitel, Ribbentrop et Hess. Tous se dirigent dans un premier temps vers cette même statue. Le journaliste américain William Shirer écrit :

J’observe l’expression de Hitler. Je le vois avec mes jumelles comme s’il était en face de moi. Son visage est enflammé de mépris, de colère, de haine, de vengeance et de triomphe… Soudain, comme si son visage n’exprimait pas complètement ses sentiments, il met tout son corps en harmonie avec son humeur. Il fait claquer ses mains sur ses hanches, arque les épaules, écarte les pieds. C’est un geste magnifique de défi, de mépris brûlant pour ce lieu, pour le présent et pour tout ce qu’il a représenté pendant les vingt-deux années durant lesquelles il attestait de l’humiliation de l’Empire germanique.

William Shirer

Correspondant de guerre américain couvrant la cérémonie d'armistice de juin 1940

Après une cérémonie militaire, Hitler monte à bord du wagon et s’installe dans le fauteuil qu’avait occupé le maréchal Foch, lors du premier armistice. Quelques minutes plus tard, la délégation française traverse à son tour la clairière en passant devant l’imposante garde personnelle de Hitler, qui lui présente les armes en fanfare.

Avant de monter dans le wagon, Huntziger semble hésiter un bref instant et ne peut s’empêcher de jeter un bref coup d’œil en direction de la statue du maréchal Foch. Son entrée marque ainsi le début du grand jour de la revanche pour l’Allemagne, le jour où la « honte de 1918 sera effacée », le jour de l’humiliation française.

Les délégations présentes

Lorsque Hitler monte à bord du wagon, le Chancelier du Reich est accompagné du général allemand Wilhelm Keitel, lui-même en charge des négociations de l’armistice, et de l’interprète Schmidt qui traduira chacune des phrases du général. Le général Huntziger, à la tête de la délégation française, est lui en compagnie du général Bergeret, du vice-amiral Le Luc et de l’ambassadeur Léon Noël. Dans cet espace exigu, Keitel prononce un discours – écrit par Hitler – avant que les conditions d’armistice ne soient transmises aux Français :

Au nom du Führer, je veux vous faire la déclaration suivante ; c’est le 11 novembre 1918 dans ce même wagon, que commença ainsi le calvaire du peuple allemand. Tout ce qui peut être imposé à un peuple en déshonneur, en abaissement moral, en souffrance humaine et matérielle, prit son origine ici. La France est vaincue. Le gouvernement français a prié le gouvernement du Reich de lui faire connaître les conditions allemandes pour la conclusion d’un armistice.

Général Wilhelm Keitel

Après cette première étape, le général Jodl et quelques officiers rejoignent l’interprète Schmidt et le général Keitel. Les autres quittent définitivement la clairière. A sa descente du wagon et au son de la fanfare qui joue l’hymne allemand, Hitler ne masque pas sa joie. Sa revanche – tant désirée – est prise. Les discutions sont sur le point de débuter.

Armistice du 22 juin 1940 - Dans le wagon, le général Keitel prononce un discours écrit par Hitler.

Dans le wagon de l’armistice dans lequel les deux délégations viennent de prendre place, le général Keitel – debout à côté de Hitler – prononce un discours à l’intention des Français (avec l’aimable autorisation du Mémorial de l’Armistice).

Armistice juin 1940 - Intérieur du wagon

Les négociations d’armistice des 21 et 22 juin 1940

Dès la demande d’armistice formulée par la France, le Reich doit rédiger – à la hâte – les différents articles qui composeront le traité. Car en réalité, l’Allemagne elle-même est surprise par son éclatante et si rapide victoire militaire. De fait, rien ou presque n’est encore prêt à propos des conditions qui seront imposées au pays vaincu. Au final, certains des points rédigés manquent cruellement de précision. Est-ce par volonté ou par manque de temps ? L’Histoire ne l’a pas encore totalement déterminé.

Armistice du 22 juin 1940 - Hitler et la délégation allemande posent devant le monument représentant l'emplacement du wagon de la délégation allemande en 1918

Hitler et la délégation allemande posent devant le monument représentant l’emplacement du wagon de la délégation allemande en 1918 (avec l’aimable autorisation du Mémorial de l’Armistice).

Les exigences françaises

De par les heures tragiques qu’elle est en train de vivre, Keitel est convaincu que la France va signer le traité d’armistice le plus rapidement possible. Aussi est-il surpris d’apprendre que le général Huntziger ne possède pas les pleins pouvoirs de signature, et que le pays vaincu a même des exigences. Car s’il a lui-même fait cette demande d’armistice, le maréchal Pétain n’est cependant pas prêt à tout accepter pour faire cesser les hostilités.

« Ce qui serait utile pour moi, serait de me mettre en lien le plus vite possible avec mon gouvernement », déclare le général français. « Vous vous rendez bien compte qu’entre temps, les hostilités continuent dans le rythme que vous connaissez ? » Répond Keitel par l’intermédiaire de Schmidt. « Je sais. Il y a des conditions que nous pouvons accepter discuter tout de suite […], mais il y en a d’autres qui sont implacables. Vous savez l’amour que les Français ont pour leur pays. » Keitel reste inflexible : « La discussion sur des problèmes d’ordre génétique ne nous avance nullement dans la situation actuelle, où il s’agit de la question de savoir si la France veut continuer la guerre ou si elle veut cesser les hostilités ».

Néanmoins, les Allemands se démènent pour mettre en place une ligne téléphonique reliant Rethondes à Bordeaux, ville où se trouve actuellement le gouvernement du maréchal Pétain pour fuir l’avancée allemande. Avant même que ne débutent les négociations, trois points sont d’ores et déjà considérés – selon lui – comme inacceptables : l’occupation totale du territoire, la livraison de la flotte et de l’aviation à l’Allemagne et l’occupation des territoires de l’empire. Si ces trois conditions vont être respectées, les autres sont rapidement jugées « pires que celles imposées en 1918 à l’Allemagne » par le général Huntziger.

A 18h30, et en attendant que la liaison avec Bordeaux soit effective, les échanges reprennent après une courte pause. Keitel se montre encore davantage menaçant :

Il ne faudrait pas que la délégation française ait pu subsister des doutes. Les opérations militaires se poursuivent et les hostilités ne cesseront pas. Deuxièmement, les principes même de la convention ne peuvent pas être modifiés.

Général Wilhelm Keitel

Les contre-propositions

A 20h30, le téléphone sonne enfin dans le bureau du général Weygand, à Bordeaux : « Mon général c’est Huntziger, je suis à proximité du wagon que vous connaissez ». Le chef de la délégation française lui dicte ainsi les conditions d’un armistice, que les deux hommes jugent dans un premier temps dures mais non déshonorantes.

De son côté, Pétain tente de rassembler autour de lui ses ministres afin de discuter de la proposition allemande. Le lendemain matin 22 juin 1940, un Conseil des ministres débute à 7 heures autour du maréchal et du président de la République Albert Lebrun. Le général Maxime Weygand, Camille Chautemps et l’amiral François Darlan sont notamment présents.

Le texte d’armistice présenté à la délégation française est porteur de 24 articles. Néanmoins, ceux-ci sont rédigés de manière succincte, entrainant inévitablement questionnements et inquiétudes.

A 9 heures, Weygand téléphone à Rethondes et dicte à Huntziger les contre-propositions suivantes du gouvernement : que Paris et les départements qui l’entourent ne soient pas occupés. Que les ressortissants allemands réfugiés en France ne soient pas livrés à l’Allemagne. Que les avions français ne soient pas livrés. Que l’armistice entre en vigueur avant la conclusion de l’armistice italien. Que les navires de guerre français soient envoyés en Afrique du Nord.

Dans le wagon, les négociations reprennent à 10 heures. Face aux Français, il ne reste plus que le général Keitel et son interprète. Dans une ambiance particulièrement tendue, Huntziger prend la parole :

Le maréchal Pétain a adressé hier un appel personnel très pressant au Chancelier du Reich, en lui demandant que l’avance allemande sur Bordeaux soit arrêtée, afin de permettre au gouvernement de statuer sur sa délibération en toute liberté. Et bien sûr, aucune réponse et je dois vous demander ici, si on peut lui donner cette réponse ?

Général Charles Huntziger

Je suis en mesure de donner, au nom du Führer, une réponse au moment où nous aurons aussi la réponse affirmative de la délégation française à notre accord.

Général Wilhelm Keitel

Le cas de la flotte et des avions français

Même si la plupart des avions français ont – en prévision d’un armistice – déjà quitté la métropole, le gouvernement français tente tout de même de négocier le sort de son aviation.

Huntziger prend la parole : « Je comprends bien que ces avions militaires français ne doivent plus être utilisés contre l’Allemagne. Mais livrer les avions, pour des combattants, c’est aussi grave que pour un combattant de l’armée de terre de livrer son épée. C’est une humiliation très grande qui leur serait infligée. […] Même si nous donnons l’ordre aux équipages de livrer les avions, je crois qu’ils ne le feront pas. Ils détruiront leurs avions. Par conséquent, le gouvernement français propose que le mot livraison soit remplacé par destruction ».

A plusieurs reprises, Keitel quitte le wagon pour – il en est fort probable – rendre directement compte à Hitler. Lorsqu’il revient une première fois, celui-ci annonce aux Français leur accord pour la non livraison des avions. Face à ce premier succès, Huntziger s’attaque au sort de la flotte.

Si nous laissons nos bateaux, comme vous l’avez indiqué, dans les ports français de l’Atlantique ou de la Manche, il est très possible que l’aviation britannique vienne chercher à les détruire. Nous demandons donc provisoirement, pendant que les hostilités existent entre vous et l’Angleterre, à les mettre à l’abri.

Général Charles Huntziger

Keitel est clairement en désaccord avec la demande française. Il prétend néanmoins que la question des ports d’attache des navires français pourra être revue plus tard, mais à condition que l’article soit signé tel qu’il est écrit. En d’autres termes, sans modification aucune. Pour les Britanniques, qui connaissent les clauses de l’armistice, c’est comme si la France livrait sa flotte de guerre à l’Allemagne nazie. Le 3 juillet suivant, ils attaqueront la flotte française basée dans la rade de Mers-el-Kébir où près de 1 300 marins trouveront la mort.

Le cas des ressortissants étrangers

L’article 19 de la convention d’armistice impose au gouvernement français de livrer au Reich, tous les ressortissants allemands qui ont trouvé refuge en France. Evidemment, il s’agit essentiellement de personnes anti-nazis ou que Hitler considère comme ses ennemis. Or, la France estime cette exigence comme déshonorante.

« Le gouvernement français considère la clause de livraison de tous les ressortissants allemands désignés par le gouvernement du Reich comme contraire à l’honneur, en raison de la pratique du droit d’asile. Nous demandons donc la suppression de deuxième alinéa du paragraphe 19 ». Keitel parait minimiser cet article, il répond de manière ferme au général français : « L’armée allemande considère les immigrés allemands comme des plus grands incitateurs à la guerre. Ce sont eux qui ont incité à la haine et qui ont trahi leur propre nation. C’est pourquoi nous insistons pour qu’ils soient livrés sur demande à l’Allemagne […]« .

Huntziger n’obtient rien et décide de s’en accommoder ainsi. Dans un futur proche et dans les heures les plus sombres de l’Occupation, cet article sera le fruit des arrestations et des déportations massives vers les territoires du Reich et vers les camps de travail et de mise à mort.

La ligne de démarcation

Bien que vague sur de nombreux points, une chose est en revanche très clairement définie dans cette convention d’armistice : la France va être séparée en deux zones. L’une occupée par les forces allemandes et l’autre laissée « libre ». Ces deux zones étant séparées par une frontière militaire : la ligne de démarcation.

En effet et pour des questions essentiellement logistiques et économiques, Hitler refuse l’occupation totale de la France. De fait, les coûts seraient – selon lui – trop élevés et surtout, il a besoin de préserver le plus de ses soldats pour poursuivre la guerre contre la Grande-Bretagne et dans un futur proche, contre l’Union Soviétique.

L’article 2 dévoile effectivement l’apparition d’une ligne de démarcation qui démarre de la frontière franco-suisse et qui continue jusqu’en Touraine avant de s’infléchir en direction de la frontière espagnole. En revanche, son tracé exact n’est pas déterminé. L’article 3 présente cette dernière – au même titre que les prisonniers de guerre français – comme un gage en attendant la signature d’un traité de paix (qui ne viendra jamais). Il est aussi mentionné que la France aura la possibilité de transférer son gouvernement à Paris, ce que souhaite d’ailleurs le maréchal Pétain. Mais dans quelles conditions ?

Le gouvernement français demande que la capitale soit reliée à la zone non-occupée par un espèce de couloir pour lui permettre de communiquer avec les territoires non-occupés.

Général Charles Huntziger

Il est impossible de donner en ce moment-ci, un engagement ferme à ce sujet.

Général Wilhelm Keitel

Les Français posent énormément de questions à propos de cette ligne qui inquiète, d’autant plus que les négociations pour un armistice avec l’Italie n’ont pas encore débuté. Quel sera le sort réservé à la capitale et aux prisonniers ? Quelle sera l’ampleur et la durée de l’occupation ? En réalité et comme en 1918, il n’y a pas de négociation. Toutes ces questions, toutes ces demandes, restent sans réponses.

La délégation a bien tenté de négocier une réduction de l’espace d’occupation, la non occupation du Cher, du Loir-et-Cher et du Loiret, et même l’évacuation de Paris, afin de permettre l’installation du gouvernement. Suggestion est faite de l’établissement d’un corridor pour permettre la circulation des dirigeants d’une zone à l’autre. Peine perdue.

Certes, le gouvernement peut se réinstaller à Paris, mais ce sera sous occupation allemande. Le temps presse, l’Allemagne continue de gagner du terrain. Le texte sera signé en l’état.

Armistices juin 1940 - La ligne de démarcation et le découpage de la France occupée

Armistice du 22 juin 1940 – La France sera occupée, divisée en deux zones, dont l’une sera « libre », séparées d’une ligne de démarcation.

Armistice 22 juin 1940 - Clairière de Rethondes

La signature de l’Armistice

Hormis la non livraison de ses avions – que ne représente en soit pas une réelle grande importance – la France n’obtient rien de ces quelques vingt-quatre heures de négociations. L’armistice va être signé et la Clairière de Rethondes, va connaître tous les chamboulements nécessaires pour que la « honte de 1918 » soit définitivement effacée des mémoires allemandes.

Armistice du 22 juin 1940 - Quelques semaines après la signature, la Clairière de l'Armistice est totalement détruite sur ordre de Hitler. Seule la statue du maréchal Foch est conservée.

Quelques semaines après la signature, la Clairière de l’Armistice est totalement détruite sur ordre de Hitler. Seule la statue du maréchal Foch est conservée (avec l’aimable autorisation du Mémorial de l’Armistice).

La crainte de l’armistice italien

La convention d’armistice stipule que celle-ci – une fois signée – n’entrera en vigueur que lorsque l’armistice avec l’Italie de Mussolini sera à son tour signé. Evidemment, cela représente une véritable et légitime crainte pour le gouvernement qui ignore – encore pour l’heure – tout des futures revendications du Duce. Cependant, et face aux incontestables échecs militaires des forces italiennes, Huntziger se montre ferme :

J’ignore ce que l’Italie va demander. Vous, vous le savez probablement. Mais moi, je ne le sais pas. Je tiens à vous dire que, il y a des conditions qui peuvent vouloir être imposées par l’Italie et que nous n’accepterons pas ! Quoi qu’il en coûte.

Général Charles Huntziger

Keitel balaye d’un revers de la main l’annonce du général français. Les Allemands semblent même perdre patience et imposent un ultimatum à la France ; ou bien elle signe avant 19 heures trente ce jour, ou bien elle sera entièrement occupée par les troupes du Reich.

Huntziger reçoit l’ordre de signer

Après cette nouvelle menace, le général Huntziger téléphone une nouvelle fois au général Weygand, qui lui donne l’ordre de signer la convention d’armistice. A 18 heures trente, juste avant de procéder aux signatures, le chef de la délégation française – visiblement ému – s’adresse au général Keitel :

Vous savez, vous êtes un soldat mon général. Je fais appel à vos sentiments de soldat pour comprendre que dans l’avenir, il faut que nous puissions ne pas nous repentir d’avoir fait le geste que je vais faire. C’est tout.

Général Charles Huntziger

Il est honorable pour un vainqueur, d’honorer le vaincu. Nous allons maintenant procéder à la signature.

Général Wilhelm Keitel

Six minutes après avoir pris la parole, le général Charles Huntziger signe l’armistice, en ce 22 juin 1940. Sans aucun doute satisfait et avant que les délégations ne se quittent, le général Keitel tient à faire une déclaration personnelle au chef de la délégation française :

Nous honorons ceux qui sont tombés pour la patrie, des deux côtés. Vous avez courageusement et vaillamment défendu les intérêts de votre patrie.

Général Wilhelm Keitel

Je vous remercie mon général. Je n’oublierai pas ce que vous venez de me dire. Je ne dirai pas plus, parce que je ne peux pas.

Général Charles Huntziger

Résumé des conditions d’armistice

L’armistice franco-allemand est signé. Celui-ci entrera en application le 25 juin suivant à 00h35, après la signature de l’armistice franco-italien, lui-même signé le 24 à Olgiata – près de Rome – par le maréchal Badoglio, le comte Ciano et une nouvelle fois le général Huntziger. Vis à vis de l’Allemagne, les principales conditions imposées à la France sont les suivantes :

 

  • Création d’une zone non occupée dans le sud de la France, séparée d’une ligne de démarcation, de sorte à ce que toutes les façades maritimes – à l’exception de la Méditerranée – et les régions les plus riches soient occupées.
  • La souveraineté française s’exerce sur l’ensemble du territoire, y compris la zone occupée. En revanche dans la zone occupée, il est stipulé que l’Allemagne exerce « les droits de la puissance occupante », ce qui implique inévitablement la collaboration de la France.
  • Démobilisation de l’armée, à l’exception de 100 000 hommes destinés au maintien de l’ordre intérieur.
  • Les navires de guerre français doivent être désarmés et rassemblés dans leurs ports d’attache de temps de paix.
  • Les prisonniers français (1 850 000 hommes) restent détenus en Allemagne jusqu’à la fin de la guerre contre la Grande-Bretagne.
  • La France doit payer des frais d’occupation à l’Allemagne. Le montant de ces frais ne sont dévoilés que le 8 août suivant : 400 000 millions de francs par jour.
  • L’empire colonial français n’est pas occupé mais les troupes françaises s’y trouvant doivent être partiellement démobilisées.
  • Création d’une commission d’armistice agissant sous les ordres du haut commandement allemand.
  • La France doit livrer les réfugiés politiques allemands sur demande du Reich.

La destruction de la Clairière

Dans les semaines qui suivent la signature de l’armistice, la clairière de Rethondes est – selon les instructions de Hitler – totalement dévastée par l’occupant. A l’exception de la statue du maréchal Foch, l’ensemble des monuments sont démontés et envoyés en Allemagne. Toutes les plantations sont coupées, les allées sont défoncées et finalement, presque la totalité du terrain est labouré.

Au milieu de ce champs de terre, seule la statue de Foch se dresse encore. Selon la légende, Hitler l’aurait faite conserver – toujours dans le principe d’humilier la France – afin que les rares visiteurs puissent constater le désastre et la défaite de l’armée française. Cependant, d’après l’ancien historien personnel du Führer, ce dernier aurait, malgré tout, gardé le plus grand des respects pour les « Poilus » de la Grande Guerre. C’est pour cette raison que la sculpture aurait donc été conservée.

Armistice du 22 juin 1940 - Destruction de la Clairière de l'Armistice par les forces occupantes.

Après la signature de l’armistice, les monuments sont démontés, numérotés et envoyés en Allemagne. Toutes les plantations sont coupées et le terrain est labouré (avec l’aimable autorisation du Mémorial de l’Armistice).

La destruction du wagon du Maréchal Foch

Au même titre que la clairière, l’abri du wagon est lui aussi détruit. Dynamité par les Allemands. Le wagon quant à lui, est enlevé de ses rails dès le 24 juin 1940. Placé sur une plateforme routière, il est transporté jusqu’en gare de Crépy-en-Valois, où il rejoint l’Allemagne par voie ferrée, avant d’être exposé au public au Lustgarten de Berlin.

A la fin de l’année 1944, le wagon de l’armistice est remisé en gare de Berlin-Anhalt. En janvier 1945, au cours des dernières semaines de la guerre, celui-ci est déplacé en forêt de Thuringe, à proximité du camp d’Ohrdruf, annexe de Buchenvald.

Après la libération du complexe concentrationnaire par les Américains, la voiture 2419D du maréchal Foch aurait été accidentellement brûlée sur une voie de garage, à Crawinkel. Selon un témoignage, des détenus libérés auraient cherché à se réchauffer dans des baraquements et auraient malencontreusement provoqué un incendie qui gagna le wagon.

Après la guerre et quelques années durant, le châssis qui avait résisté aux flammes, servit de fardier pour le transport de matériels au sein de cette même gare. Aujourd’hui, il ne reste que quelques éléments d’origine qui sont exposés au Mémorial de l’Armistice.

Armistice 1918 - 1940 - Clairière de Rethondes

Après la Seconde Guerre mondiale

Dès le mois de novembre 1944, alors qu’une bonne partie de la France est libérée de l’occupation nazie, la Clairière de Rethondes retrouve peu à peu son prestigieux passé. Quelques cérémonies y sont organisées, avant que les monuments dérobés ne retrouvent finalement leur place.

Armistice - Dalle Sacrée de la Clairière de l'Armistice

Inaugurée le 11 novembre 1922, à la même date que le monument des Alsaciens Lorrains, la dalle est taillée du même granit que la tombe du soldat inconnu (du granit de Vire). Il y est inscrit « Ici le 11 Novembre succomba le criminel orgueil de l’Empire Allemand vaincu par les peuples libres qu’il prétendait asservir ». Le 11 novembre 2018, une plaque commémorative a été installée et inaugurée par le président de la République E. Macron et la Chancelière A. Merkel pour réaffirmer la réconciliation franco-allemande. © Fortitude Studio

La reconstruction de la Clairière

Le 21 octobre 1944, une première cérémonie est organisée dans la Clairière de l’Armistice au cours de laquelle une foule nombreuse se presse pour apercevoir le général Koenig. Remise en état par des prisonniers de guerre allemands, la clairière accueille une nouvelle cérémonie commémorative – présidée par le général Koenig – le 11 novembre suivant. Des Anciens Combattants, dont quelques-uns portent la tenue bleu horizon, sont présents aux côtés de certains FFI, de Scouts, des autorités municipales, départementales et régionales, ainsi que des représentants de Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de Pologne.

Au cours du mois de juillet 1946, les Soviétiques retrouvent les monuments disparus dans un hangar situé non loin de Berlin. Restitués à la France, huit camions partent les récupérer pour – dans un premier temps – les exposer sur la place de l’Hôtel de Ville de Compiègne, avant qu’ils ne retrouvent leurs places d’origine.

La Dalle Sacrée dont les pierres devaient servir à la construction de Germania, future capitale allemande désirée par Hitler, est alors une seconde fois inaugurée – avec le monuments des Alsaciens Lorrains – le 11 novembre 1946, dans la Clairière de l’Armistice.

Le Mémorial de l’Armistice

Reconstruit après la guerre, le musée retrouve ses objets et son mobilier que le conservateur avait eu la bonne idée de cacher en juin 1940, avant l’arrivée des troupes allemandes.

Pour remplacer le wagon disparu du maréchal Foch, la Compagnie des wagons-lits offre le wagon restaurant immatriculé 2439D, afin de remplacer le 2419D d’origine. Issu d’une série similaire, il est aménagé à l’identique grâce aux plans conservés de 1918. Acheminé jusqu’en gare de Rethondes, il est ensuite exposé dans l’abri du Mémorial, lui aussi reconstruit pour l’occasion.

Ouvert au public, le Mémorial de l’Armistice permet d’admirer ce wagon qui est probablement, l’un des plus célèbres au monde. Plusieurs stéréoscopes permettent aux visiteurs de visionner plus de 800 photographies de la Grande Guerre en 3D. Evidemment, il retrace aussi l’histoire de ce lieu sacré et de mémoire qu’est la Clairière de l’Armistice, à travers les signatures et 1918 et de 1940, jusqu’à aujourd’hui.

Mémorial de l'Armistice

Remerciements

Je tiens à remercier très sincèrement Monsieur Bernard Letemps, Président de l’association du Mémorial de la Clairière de l’Armistice, ainsi que l’ensemble du personnel du Musée, pour l’accueil chaleureux qui m’a été réservé.

Aussi, un grand merci au Major Dominique Valembois – responsable de la photothèque du Mémorial – pour l’envoie et l’autorisation de publication des photographies d’archive présentées sur cette page, ainsi que pour nos précieux échanges.

Cet article, écrit en avril 2023, a été réalisé à l’aide des informations recueillies sur place, après un entretien avec Monsieur Bernard Letemps, après lecture d’un livret de présentation du Mémorial et après visionnage du documentaire Les secrets de l’Armistice de France Télévision.

De précieuses informations ont également été trouvées dans les ouvrages présentés ci-dessous.

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Sources et références

France 1918-1940-1945
1914-1945 - Nicolas Beaupré
Mai-Juin 1940 : les causes de la défaite - Dominique Lormier
Nous étions seuls - Gérard Araud
La Seconde Guerre mondiale par les cartes
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