Le rationnement en France
Qu’est-ce que le rationnement ?
Le rationnement est une série de lois et de mesures prise par le Gouvernement français dans l’objectif d’assurer au mieux une plus juste répartition des biens et des denrées alimentaires entre les consommateurs, dans une période où les pénuries généralisées se renforcent.
Cartes et tickets de rationnement français – © Fortitude Studio
Lois et mesures sur le rationnement
Le 23 octobre 1938, une première loi basée sur « l’organisation de la nation en temps de guerre » voit le jour. Elle donne la possibilité à l’Etat de réglementer par décret l’importation des biens et des taxes mais aussi la commercialisation de certaines ressources qui allait sous peu définir le rationnement en lui-même.
En réalité, les ressources alimentaires ne sont pas encore concernées par les mesures prises en 1938. Elles le deviennent en revanche à partir du mois de décembre 1939 lorsque plusieurs réglementations nouvelles sont publiées. En premier lieu, la consommation de viande devient interdite du lundi au mercredi de chaque semaine. Il en est également de même pour l’alcool les mardis et jeudis. On parle alors des premiers « jours sans » mais dans la réalité des faits, il faut attendre plusieurs semaines encore avant de voir ces mesures appliquées pour strictement.
Le 29 février 1940, un nouveau décret est publié, confirmant l’application plus stricte du rationnement, même si ce dernier ne sera effectif qu’à partir du mois de septembre de la même année. Désormais, l’achat des denrées alimentaires est réglementé et la présentation d’une carte d’alimentation, délivrée en mairie sous certaines conditions, devient obligatoire.
La carte d’alimentation est nominative. Elle donne lieu à des dates précises à la délivrance de coupons et de tickets de consommation. Chaque mois, cette quantité de tickets délivrée est révisée par le Secrétaire d’Etat au Ravitaillement. En somme, la distribution de ces précieux bouts de papier est conditionnée par la disponibilité générale des produits. Ainsi, l’acquisition et la répartition des denrées et autres produits sont contrôlées par le Gouvernement.
Après la défaite et la signature de l’armistice du 22 juin 1940 et alors que les premières grosses complications alimentaires surgissent, une nouvelle loi publiée sous le régime de Vichy, le 17 septembre 1940, fixe le taux des rations de pain, de fromage, des matières grasses et de viande. Le 22 décembre suivant, cette loi est étendue à la farine, aux pâtes, au riz ainsi qu’aux légumes secs. Un peu plus tard encore, le début de l’année 1941 est marqué par l’apparition des bons pour chaussures et même des cartes de vêtements à l’été suivant.
Baisse des rations et envolée des prix
Evidemment le rationnement est coupable de très nombreuses répercutions sur la population française. Au fur et à mesure que le pays s’enfonce sous l’Occupation et dans la collaboration, l’ensemble des biens et des aliments deviennent de plus en plus rare. Ce manque généralisé est à mettre au crédit de plusieurs conséquences.
La première et certainement la plus forte des conséquences, est que la France est littéralement pillée par l’Allemagne. Bon nombre de ses ressources partent en direction du Reich. Il est aussi à noter que la France est coupée en deux zones et que le passage de la ligne de démarcation des denrées et autres biens est sévèrement réglementé et que les blocus des colonies empêchent l’importation de produits comme l’huile, le café ou le cacao. De plus, l’Allemagne détient encore près de deux millions de prisonniers de guerre français. Bon nombre d’entre eux sont des ouvriers agricoles et de fait, l’agriculture manque de main d’œuvre mais aussi de moyens de transport.
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Les répercussions économiques du rationnement
Même si le rationnement est généralisé, il ne s’applique pas de la même façon sur l’ensemble des régions qui elles-mêmes, sont différemment touchées par les pénuries. En premier lieu et en général, ce sont surtout les villes qui en pâtissent le plus. Si elles sont plutôt restées discrètes, plusieurs émeutes éclatent à travers le pays et pour cause, même si les rations sont différentes d’un secteur à l’autre, elles en restent très nettement insuffisantes et elles s’empirent même au fil des années.
Par exemple, la quantité de viande par semaine et par adulte était en 1940, fixée à 360 grammes. Elle passe à 250 grammes en 1941, puis à 120 grammes en 1943 et finalement à peine 60 grammes en 1944. Idem pour le pain qui passe de 350 grammes par jour et par adulte à 275 grammes en mars 1941 ou encore pour le beurre dont la ration est quasiment divisée par deux pour atteindre 110 grammes par semaine en septembre 1941.
Qui dit rareté des biens et des denrées dit inévitablement hausse des prix. Et ces hausses tarifaires sont marquantes. Pour citer quelques produits courants, le litre du lait était vendu en moyenne 1,89 francs en 1938, il s’achète à 2,70 francs en 1942. Le kilo de beurre lui, passe de 21,50 francs à 46 francs et jusqu’à 350 francs en 1944. Cette même et dernière année, la douzaine d’œufs se négocie autour des 150 francs. Depuis le début de la guerre, les prix ne font que s’envoler : +120% pour les oignons, +140% pour les haricots verts et même +380% pour les tomates.
« La pénurie de tout augmente. Les appartements sont froids. On ne peut plus se chauffer. Ceux chez lesquels on va en visite vivent, dans leurs appartements plus ou moins vastes, devant un maigre feu. Ils brûlent trop tôt une provision trop mince et s’effrayent avec raison pour janvier. On maigrit parce qu’à la vérité on ne mange jamais à sa faim. Je dois compter le pain à mes enfants qui sortent de table affamés un temps où ils ont ma fringale. Quelle génération cela fera-t-il ?
Autour de moi, je vois les uns et les autres de plus en plus sombres. Personne ne sort plus. On ne voit plus personne. Des amis me disent qu’ils ne travaillent qu’avec dégoût et n’aboutissent à rien. Notre ruine s’accentue et la tristesse étend partout ses voiles.
L’inquiétude se traduit sous des formes curieuses. J’ai passé hier un moment à l’Hôtel des ventes. Les gens y achetaient n’importe quoi à des prix invraisemblables. On ne veut pas garder d’argent. On croit placer en achetant des saletés à des taux insensés. On ne place même pas son argent en objets d’art. Le moindre sucrier en cristal qui valait deux louis il y a un an s’enlève à mille francs. On croit avoir garé ses fonds quand on a transformé ses billets en un objet quelconque. Tout cela crée un invraisemblable déséquilibre. »
Extrait du Journal Maurice Garçon en date du 19 novembre 1941.
L’impact sur la santé de la population
Même si le marché noir se développe et bénéficie à certains, il joue cependant un rôle très limité. Il est d’une part indirectement sous le contrôle de l’Allemagne mais surtout, il ne touche qu’un très faible nombre de personnes.
Les premiers à faire les frais de cette sous-alimentation sont les enfants de 7 à 14 ans, les femmes enceintes et les vieillards. On constate ainsi une diminution du poids des nouveaux nés, une augmentation de la mortalité infantile et même des enfants touchés par un arrêt de croissance. Plus inquiétant encore, un amaigrissement généralisé de la population est aperçu. Les adultes perdent en moyenne entre 7 à 10 kilogrammes, les rendant plus vulnérables aussi aux maladies de telle sorte que la Tuberculose augmente fortement sur l’ensemble du territoire.
De manière générale, le rationnement a un impact majeur sur la santé des Françaises et des Français. Outre la diminution de la résistance physique et morale et de la baisse des capacités de travail de chacun, le rationnement est directement coupable d’une hausse de la mortalité dans l’ensemble du pays. Entre 1938 et 1943, il a été ainsi constaté une hausse des décès de +5,1%. Mais comme le rationnement n’a pas les mêmes conséquences d’une région à l’autre, il n’a donc pas les mêmes incidences et les résultats sont ainsi dissemblables.
En Mayenne, la mortalité baisse d’environ 10% car les habitants y consomment moins d’alcool et qu’il est initialement à l’origine de nombreux décès. Néanmoins, le département des Bouches-du-Rhône, fortement touché par les pénuries voit son taux de mortalité exploser (+57%), de même que le Var (+37%). Au cours de cette guerre, il y a bien des citoyens français qui sont morts de faim.
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