Auschwitz-Birkenau

Auschwitz-Birkenau a été le plus grand camp de concentration nazi et le plus important centre de mise à mort des Juifs d’Europe. Ouvert en 1940, au moins 1,3 millions de personnes y ont été déportées en l’espace de cinq ans. Environ 1,1 million d’entre elles y ont été assassinées. Près de 1,1 million de ces déportés étaient Juifs ; 960 000 ne sont pas revenus.

Sommaire

Ce web-documentaire, agrémenté de cartes et de plans interactifs, de photographies et d’extraits de témoignages, vous permet de découvrir une partie de l’histoire du camp de concentration et de mise à mort d’Auschwitz.

Auschwitz et

l’Allemagne nazie

Pour comprendre l’existence même d’un camp comme celui d’Auschwitz-Birkenau, il faut avant tout comprendre l’idéologie nazie. Car les camps de concentration et de mise à mort sont justement l’un des fruits de cette idéologie extrême. Auschwitz, comme tous les autres camps érigés par le Troisième Reich, est le résultat d’une politique avant tout raciale.

L’idéologie nazie

L’idéologie nazie peut se caractériser selon plusieurs points. Néanmoins, tous se rassemblent sous une seule et même dénomination : la haine. La haine à l’encontre des démocraties, la haine à l’encontre des communistes et des Juifs, tout en ayant la certitude de la supériorité de la nation allemande à toutes les autres. De fait, le Troisième Reich affirme l’inégalité biologique des Hommes et met en avant le droit des nations “supérieures” germaniques à contrôler, à dominer et à décider du sort des peuples jugés “inférieurs”.

Rapidement, l’Allemagne élabore et entame une politique d’expansion de son territoire. Politique qui est à l’origine même de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, cette expansion de l’Allemagne n’a pas pour unique objectif de lui garantir la domination de l’Europe et du monde. Elle prévoit aussi l’instauration d’une nouvelle démographie dans les territoires de l’Europe centrale, lieux considérés par Hitler comme “l’espace vital à l’Allemagne”, en parfaite conformité avec la doctrine raciale du régime nazi.

L’origine des camps de concentration

En Allemagne, les premiers camps de concentration ouvrent en 1933, soit dès l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler et de son Parti NSDAP (Parti nazi). Le premier à voir le jour est celui de Dachau, alors installé sur le site d’une ancienne fabrique de munitions, à quelques kilomètres seulement de la ville de Munich. Dachau est le premier d’une triste et longue série : celui de Sachsenhausen ouvre en 1936, Buchenwald en 1937, et en Autriche, celui de Mauthausen est créé en 1938, juste après l’annexion du pays.

Au début, les autorités du Troisième Reich y enferment des personnes qu’elles considèrent comme “indésirables” : opposants politiques au régime nazi, homosexuels, criminels, Témoins de Jéhovah, Juifs… Après le début de la guerre et les premières conquêtes territoriales, les Allemands ouvrent des camps dans les différents pays qu’ils occupent.

De manière systématique, les camps nazis sont des institutions d’État, gérés par les autorités centrales de l’État allemand et dont les activités sont supervisées et conduites par l’Office central SS d’administration de l’économie.

Camps de travail

Ghettos Juifs

Camps de concentration

Camps d'extermination

L’occupation de la Pologne

Le 1er septembre 1939, Hitler lance une offensive militaire contre la Pologne, événement déclencheur des hostilités en Europe puisqu’en réponse à cette agression, le Royaume-Uni et la France lui déclarent la guerre. Suivant le pacte Molotov-Ribbentrop (pacte germano-soviétique), l’Union Soviétique attaque à son tour ce même pays le 17 septembre suivant. En quelques semaines seulement, le pays s’effondre et son territoire est alors partagé entre les deux belligérants. Ainsi, les territoires orientaux sont incorporés à l’URSS, la partie centrale de la Pologne devient le “Gouvernement général”, dépendant de l’Allemagne, dirigé par l’appareil administratif et policier nazi. La région comprenant la ville d’Oswiecim, rebaptisée Auschwitz par les nazis dont le KL (Konzentrationslager – camp de concentration) porte le même nom, est ainsi incorporée au Troisième Reich.

Auschwitz dans l’Europe occupée

Au printemps 1940, l’Allemagne poursuit sa politique d’expansion de son territoire en attaquant et en envahissant la Norvège, le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et enfin la France. Un an plus tard, au cours du mois d’avril 1941, Hitler lance cette fois-ci son armée à l’assaut de la Yougoslavie et de la Grèce puis, le 22 juin suivant, l’Allemagne se retourne finalement contre son allié en mobilisant plus de trois millions de soldats, soutenus pas 600 000 chars et autres véhicules pour envahir l’Union soviétique, sur un front large d’environ 3 000 kilomètres.

De fait, à l’automne suivant, la très grande majeur partie de l’Europe se retrouve sous l’emprise du nazisme : soit par l’occupation militaire, soit par les pays “satellites” du Troisième Reich. Auschwitz devient alors un lieu stratégique dans cette Europe occupée : géographiquement, le camp occupe désormais une place centrale.

Carte de l’occupation de l’Europe par les nazis en 1941 (Frontières de 1937).

La création du

KL Auschwitz

Le création du camp de concentration (KL) va durablement et profondément bouleverser le paysage de cette région polonaise. Auschwitz devient très rapidement un gigantesque complexe centré autour du travail, dans lequel les détenus doivent trouver la mort par épuisement.

Pourquoi la ville d’Auschwitz ?

Auschwitz n’a pas uniquement été choisi en fonction de son avantageuse position géographique. En effet, la petite ville polonaise présente bien d’autres ressources : elle possède déjà d’importantes infrastructures ferroviaires et son industrie y est déjà bien développée. Dès leur arrivée, les Allemands repèrent une caserne de l’armée polonaise d’avant-guerre et décident de la transformer en camp de concentration. De fait, ces éléments incitent donc les Allemands à faire d’Auschwitz un immense complexe : les détenus peuvent y être acheminés facilement, la structure d’internement est déjà existante et les déportés peuvent être utilisés comme main d’œuvre dans les usines environnantes, mises au service des efforts de guerre du Reich.

Le camp d’Auschwitz I depuis les rues d’Oswiecim. Dans les environs, les rails sont encore présents. © Matthieu Mugneret

L’organisation du camp

Le camp de concentration et de travail d’Auschwitz, ainsi que ses nombreux bâtiments environnants, forment une véritable et gigantesque entreprise, au sein même d’une ville remodelée à ses fins. Son fonctionnement demande donc une organisation minutieuse et réfléchie, comprenant tous les services et hiérarchies nécessaires. En bref, Auschwitz est aussi une gigantesque machine administrative. 

La responsabilité des SS

L’activité des camps de concentration est sous la responsabilité des SS (Schutzstaffel). À l’origine, cet “échelon de protection” était une sorte de police privée, destinée à la protection personnelle de Hitler et du parti nazi. Elle est surtout composée d’hommes et de femmes totalement endoctrinés, incontestablement antisémites à l’extrême.

Après la prise du pouvoir en 1933, cette unité devient plus importante, sans jamais dépasser pour autant un effectif d’environ 250 000 hommes ou femmes. Progressivement, et placée sous le commandement de Heinrich Himmler, cette unité s’est transformée en une sorte d’État au sein même de l’État allemand. Capables et coupables des pires atrocités, les SS sont non seulement chargés des camps de concentration, mais aussi de l’élimination des Juifs. Pourtant, et malgré l’ampleur de la tâche confiée, au sein des camps, les SS ne sont pas obligatoirement ni systématiquement au contact des détenus ; ils peuvent se reposer sur les détenus d’encadrement.

La zone d’intérêt

Pour littéralement couper Auschwitz du reste du monde, une “zone d’intérêt” du camp est définie. Elle se traduit par un espace entièrement isolée, d’une superficie de 40 km² autour de l’enceinte du complexe. Par la force des choses et pour les détenus, tout contact avec l’extérieur est non seulement rigoureusement interdit, mais surtout quasiment impossible. De la même manière, toute personne étant située à l’extérieur de ce périmètre ne peut y pénétrer et de fait, prendre connaissance de ce qu’il s’y passe à l’intérieur.

Malgré l’incroyable énergie dépensée par les SS à maintenir ce lieu secret, la résistance polonaise investit secrètement le camp, avertissant les Alliés dans la foulée. Mais c’est une réalité, les renseignements ne sont pas considérés. A cette période le la guerre, l’Angleterre est seule et subit la foudre des bombardiers allemands.

En évolution constante

Tout au long de son existence, le KL est en évolution permanente ; jamais il ne cesse de s’agrandir et les constructions, réalisées par les détenus, sont ainsi donc quotidiennes. Lors de la libération du camp, de nombreuses constructions ne sont pas achevées. A l’origine, le camp n’est certes composé que d’Auschwitz I, lui-même est d’ailleurs très largement agrandit, mais par la suite, il prend une tout autre dimension.

Très vite, d’autres camps dit “principaux” sont construits pour répondre aux nouvelles ambitions funestes de l’Allemagne nazie : Birkenau et Monowitz. Plus encore, Auschwitz est une véritable entité administrative centralisée, c’est à dire qu’au-delà de ces trois principaux camps, une cinquantaine de sous-camps de différentes tailles sont aussi construits sur les territoires de Haute-Silésie, de la Petite Pologne occidentale et de Tchéquie.

Carte interactive du complexe d’Auschwitz

Plan du territoire Auschwitz
Auschwitz III Monowitz Auschwitz II Birkenau La Judenrampe Union-Werke Auschwitz I Deutsche Aursüstungswerke IG Farben Babitz Raïsko Harmense Budy Jawischowitz

Union-Werke

Plan du territoire d’Auschwitz en 1944. (Survolez la carte à l’aide de votre curseur)

Les sous-camps

Pour répondre à des besoins spécifiques ou tout simplement pour employer des détenus dans les usines d’armement, dans les lieux d’extraction ou d’agriculture, les SS vont créer une cinquantaine de sous-camps durant toute la période de fonctionnement d’Auschwitz. Ces derniers peuvent aussi porter les noms de “camp de travail”, “kommando extérieur” ou bien “exploitation agricole”.

Si les noms diffèrent, les conditions de vie tout comme l’organisation générale sont – de manière générale – strictement identiques à celles des camps principaux, à la seule différence que les détenus y logent à l’extérieur. S’ils sont effectivement plus petits, certains sont tout de même équipés de morgues et même de petits crématoires.

A l’automne 1943, la grande majorité de ces sous-camps sont unifiés et sont placés sous le commandement d’Auschwitz III-Monowitz, à l’exception des exploitations agricoles qui dépendent d’Auschwitz II-Birkenau. Au tout début de l’année 1945, les sous-camps atteignent une telle ampleur qu’ils concentrent plus de détenus (environ 35 000 hommes et femmes) que les camps d’Auschwitz I et II qui en réunissent environ 31 000.

L’expulsion des populations

Bien entendu, une telle élaboration ne peut se faire que dans la plus grande discrétion et déjà Auschwitz se retrouve coupé du monde extérieur. Les habitants vivant dans un périmètre trop proche sont systématiquement expulsés et huit villages situés à proximité sont détruits. Sur les 12 000 locaux de la ville, 7 000 Juifs sont envoyés dans les ghettos et bien d’autres Polonais sont déportés en Allemagne pour y travailler sous la contrainte.

Ainsi, près de 1 200 maisons sont détruites. Certaines cependant sont conservées et attribuées aux officiers et sous-officiers SS qui s’y installent souvent en famille. Aux abords du camp, certains bâtiments sont eux aussi récupérés afin d’y loger d’autres personnels SS mais aussi des services techniques, des ateliers de travail ou encore des bureaux.

Située quelques centaines de mètres du camp principal, la première rampe depuis laquelle les déportés descendaient des trains en 1940. Le bâtiment au second plan avait été récupéré par les SS et était utilisé comme entrepôts. © Matthieu Mugneret

Les catégories de prisonniers

A Auschwitz, et comme dans l’ensemble des camps de concentration nazis, les détenus (hommes ou femmes) sont classés en différentes catégories, reconnaissables à des écussons triangulaires brodés sur leurs tenues. Certaines de ces catégories peuvent permettre à des détenus d’accéder à des fonctions d’encadrement et de profiter des avantages non négligeables qui vont avec.

Les détenus politiques

A Auschwitz, les personnes accusées d’appartenir à la Résistance ou à divers organisations lutant contre le nazisme, sont internées sous la catégorie du triangle rouge des détenus politiques.

Au début du fonctionnement du camp, ils occupent des postes au plus bas de la hiérarchie des prisonniers. Avec le temps cependant, et pour ceux maîtrisant la langue allemande – les détenus politiques, majoritaires à Auschwitz-Birkenau, occupent des postes plus qualifiés comme secrétaire (Schreiber), magasinier, et même kapo dans certains cas. A l’été 1944, ils représentent 95% des effectifs du camp, dont 65% d’entre eux sont Juifs.

Les détenus asociaux

Catégorie de détenus dont les tenues des prisonniers sont marquées d’un triangle noir. Arrêtés puis internés dans des camps de concentration par les organes de la police criminelle allemande, ces captifs sont accusés de divers délits ou attitudes – souvent librement interprétés par les autorités nazie – comme le vagabondage, la prostitution, l’alcoolisme ou encore même le simple refus de travailler.

Les détenus homosexuels

En Allemagne nazie, les homosexuels sont considérés comme des “parasites sociaux”, menaçant la pureté de la “race allemande”. Avant-guerre, très rapidement après l’arrivée de Hitler au pouvoir, des milliers d’homosexuels sont déjà arrêtés et internés dans plusieurs camps comme Sachsenhausen, Dachau ou encore Flossenbürg. Ils sont finalement peu nombreux à entrer à Auschwitz, moins d’une centaine selon les estimations historiques.

Les détenus de droit commun

Les détenus de droit commun, porteurs d’un triangle vert, sont rassemblés sous deux groupes de prisonniers : ceux internés pour une durée déterminée, et ceux arrêtés à titre préventif. En somme, il y a bien des prisonniers – libérés par les SS – qui sortent donc d’Auschwitz. Nombre de ceux-là sont de réels criminels et accèdent à des fonctions d’encadrement.

Dès le début du fonctionnement d’Auschwitz, ils bénéficient d’une grande bienveillance de la part des SS et obtiennent les plus importantes fonctions comme celles de kapo ou de chef de block. Généralement, les détenus de droit commun allemands ne sont pas affectés à des travaux physiques difficiles.

Les détenus de rééducation

La catégorie des détenus de rééducation rassemble les personnes arrêtées pour refus de travail ou qui sont considérées par les nazis comme des individus paresseux, dont l’attitude équivaut à du sabotage. Ces prisonniers, théoriquement internés pour une durée maximale de 56 jours, sont soumis à un travail intensif et épuisant, tout en bénéficiant de rations plus misérables encore que les autres.

Les premiers détenus de rééducation arrivent en 1942 et sont logés dans le camp d’Auschwitz I. En janvier 1943, ils sont déplacés à Monowitz et certains autres nouveaux arrivants intègrent le camp B1a de Birkenau. Au total, 9 200 détenus de rééducation sont internés à Auschwitz, ils sont principalement Polonais, mais aussi Français, Russes, Ukrainiens ou Italiens. Près de 1 400 d’entre eux y trouvent la mort.

Les détenus d’encadrement

Dans la hiérarchie du camp, certains détenus sont responsables d’un certain nombre d’autres prisonniers. Ils ont par exemple pour rôles d’assurer le maintien de l’ordre, la discipline ou l’efficacité au travail, grâce à des droits qui leurs sont accordés. En échange, ils bénéficient d’avantages importants.

Les kapos

Il existe une hiérarchie au sein même des détenus et de cause à effets, au sein des kommandos également. Chacun d’eux sont placés sous la direction d’un SS : le Kommandofürhrer (le commandant le Kommando). Celui-ci délègue certaines tâches et désigne alors un surveillant de kommando parmi les détenus du groupe : le kapo.

Le kapo est pour ainsi dire le chef du groupe. Il est donc responsable de la discipline des détenus mais aussi de leur efficacité au travail. Contrairement au Kommandofürhrer, il est toujours présent. Bénéficiant de plusieurs pouvoirs comme le droit de punir, de frapper mais aussi de tuer en toute impunité, beaucoup de kapos se comportent de façon cruelle et inhumaine avec les autres détenus. En premier lieu parce qu’ils répondent aux exigences SS qui exigent que les détenus soient terrorisés, mais aussi parce qu’ils sont d’une certaine façon galvanisés par ces pouvoirs accordés.

Ainsi, la gestion quotidienne du camp est davantage assurée par les Kapos que par les SS eux-mêmes. Pour faire régner l’ordre parmi les autres détenus, ils bénéficient en échange d’un supplément de nourriture et d’une dispense de travail.

Les kapos, qui sont généralement des prisonniers de droit commun, ont obligation de jouer d’une brutalité et d’une cruauté constante. Selon le chef de la SS, Heinrich Himmler, “Le jour où il ne donne plus satisfaction, il cesse d’être kapo et retourne auprès de ses camarades”. A la première occasion, celui-ci sera très probablement battu à mort par les autres prisonniers. De fait, même si tous ne le font pas, les kapos ont finalement intérêt à appliquer les consignes SS pour ne pas perdre ce statut de privilégié.

Les chefs de block

Comme les kapos, le chef de block bénéficie d’un pouvoir presque illimité. Au sein de son block, il est le garant du maintien de l’ordre, de la discipline et de la distribution de la nourriture, bien que cette dernière tâche soit souvent déléguée au Schreiber. Certains chefs de block, réputés pour leur cruauté, infligent les pires punitions aux autres prisonniers pour des faits réels, supposés ou bien totalement imaginaires. Punitions qui parfois, se transforment en assassinats.

Logés dans une pièce nettement mieux aménagée, à part des autres prisonniers, les chefs de blocks sont, au début du fonctionnement du camp, souvent issus de la catégorie des détenus de droit commun. Plus tard, principalement à Birkenau et dans les sous-camps, cette fonction est davantage attribuée à des déportés polonais ou juifs. Réputés plus justes et plus bienveillants, ceux-ci essayent généralement de protéger les autres détenus.

Les secrétaires

Faisant également partie des détenus d’encadrement, le secrétaire (Schreiber) est l’adjoint du chef de block ou du kapo d’un kommando. Il a pour principal rôle de tenir le registre des détenus du block ou du kommando duquel il appartient, mais aussi de commander les outils et matériaux nécessaires aux diverses missions de travail.

Plusieurs secrétaires travaillent également dans des cellules administratives du camp. Au début, ces postes sont attribués à des captifs allemands ou polonais mais à partir de 1942, ils s’ouvrent aussi aux détenus juifs, essentiellement aux femmes. Ces derniers doivent obligatoirement comprendre l’allemand, avoir une belle écriture et savoir taper correctement à la machine.

On vivait sous la loi des kapos, des polonaises prisonnières de droit commun dont l’âme était endurcie. Qui pourra dire leur sadisme ? Il y avait un seau dans la baraque, pour pisser la nuit. Les kapos tendaient l’oreille. Si on faisait un pet, si elles entendaient un écoulement de diarrhée, elles nous envoyaient le vider aux tinettes dans la nuit glaciale, trébuchantes dans nos sabots. On souffrait toutes de dysenterie, la vie s’écoulait de nous. Une des kapos, qui était laide et mauvaise, je sais que les copines l’ont eue, vers la fin des marches de la mort. Elles l’ont découpée en morceaux.

Témoignage de Julia Wallach

Dieu était en vacances

Depuis 1939-1940, elles n’avaient connu que les ghettos ou les camps. Elles avaient vu mourir des quantité de gens, disparaître leur famille. Tout cela les avait terriblement endurcies. Non seulement elles nous frappaient, mais elles se réservaient le fond du baquet de soupe, plus épais et plus nourrissant, ainsi que les restes du pain. Elles pouvaient, certains jours, exempter de travail telle ou telle déportée. Elles se faisaient même rémunérer pour cela. Au début, leur pouvoir nous apparaissait exorbitant, mais nous n’avons pas tardé à comprendre qu’à Birkenau le seul vrai pouvoir émanait des SS.

Témoignage de Simone Veil

L'aube à Birkenau

Le camp

Auschwitz I

Auschwitz I, reconnaissable à ces tristement célèbres bâtiments en briques rouges, est ouvert dès le mois de juin 1940. Il est le premier en Pologne. A son origine, il est un camp de concentration parmi tant d’autres, servant uniquement à interner les nombreux Polonais indésirables, arrêtés par la police allemande.

Un camp de concentration

Lorsque les Allemands arrivent à Auschwitz et découvrent cette caserne polonaise, l’idée de départ est d’en faire un camp de transit, comme le sont par exemple les camps du Loiret, en France. Cette idée laissera finalement sa place à une autre : un camp de concentration. Presque immédiatement, les premières transformations s’opèrent.

En l’état, la caserne est composée de 20 bâtiments, dont 14 sans étage, et de deux blocks d’administration. En 1941, et sur ordre de Himmler, les nazis font agrandir Auschwitz en surélevant les bâtiments sans étage et en faisant construire 8 blocks supplémentaires à étage. Dans un futur rapproché, des baraques en bois sont également élevées pour y accueillir les douches ou des laveries.

En dehors des barbelés, un block d’administration supplémentaire est aussi ajouté, de même qu’un complexe de garage et d’ateliers, un bâtiment d’accueil, un entrepôt de matériaux de construction alors que l’ancien dépôt de munitions est transformé en chambre à gaz.

Au cours de l’année 1944, 20 bâtiments supplémentaires sont construits à proximité du camp, abritant de nouveaux blocks d’habitation pour les détenus, des ateliers, une caserne SS provisoire et plusieurs entrepôts d’emmagasinage des valeurs spoliées aux Juifs, assassinés dans les chambres à gaz.

Vers l’extermination de masse

Durant toute la période d’activité du camp (1940 à 1945), Auschwitz remplit la fonction de camp de concentration. Au départ, les autorités allemandes y internent principalement des détenus polonais comme des membres de la résistance, certains officiers, mais surtout les élites intellectuelles. L’idée est en fait d’imposer la soumission du peuple polonais au nazisme. Lorsque l’Allemagne se retourne contre l’Union Soviétique, en juin 1941, le camp reçoit de nombreux prisonniers de guerre soviétiques et bien d’autres ressortissants des territoires occupés.

L’année 1942 représente un tournant tragique dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et inévitablement dans celle du camp. Après la conférence de Wanssee et l’élaboration de la “Solution Finale”, le KL accueille désormais les convois de la mort des Juifs déportés. Ainsi, Auschwitz devient aussi un camp d’extermination, ou plutôt, un centre de mise à mort. Il continue cependant en parallèle d’exercer sa fonction de camp de concentration. Cette nouvelle activité morbide mène directement au développement du camp de Birkenau, bien que ce dernier est initialement conçu en prévision de l’accueil des milliers de soldats soviétiques, que les Allemands espèrent capturer sur le front de l’est.

On ne savait pas encore ce que pourrait être Auschwitz. On imaginait quelque chose de comparable aux travaux forcés d’autrefois, avec quelques sévérités supplémentaires, du moment que nous étions des ennemis à punir et pour la plupart des Juifs. Notre imagination n’allait pas plus loin.

La propagande hitlérienne avait, de longue date, accrédité la notion de “rééducation”. Les internés ne devaient pas être maltraités, encore moins tués, mais remis dans le bon chemin par des méthodes convenables. Le travail, le sport, la vie rude et saine en pleine nature devaient permettre à la longue de désintoxiquer les esprits. On s’y laissait prendre aisément, en dépit des informations, chaque jour plus nombreuses et plus précises. Aussi bien l’idée du génocide ne pouvait normalement trouver place dans l’univers mental d’un Européen civilisé. On comprend qu’il se trouve encore aujourd’hui des consciences effarées, déconcertées, incrédules, ou qui, sans refuser de croire, refusent simplement de penser ce qui est impensable.

Nous étions des Européens civilisés. Nous savions que nous étions condamnés aux travaux forcés. Nous admettions que quelques-uns d’entre nous pourraient être fusillés. Mais nous étions loin de penser à l’extermination systématique.

Témoignage de Sim Kessel

Pendu à Auschwitz

Le zyklon B

A l’origine, le Zyklon-B est un pesticide utilisé comme insecticide dans les entrepôts, dans les espaces d’habitation du camp, ou bien encore pour nettoyer les tenues des prisonniers infectées de poux. A la fin de l’année 1941, les nazis commencent à utiliser le Zyklon-B pour assassiner des détenus du camp d’Auschwitz I ainsi que des prisonniers de guerre soviétiques. Son utilisation ne devient massive qu’à partir de 1942, pour la mise à mort des Juifs dans les chambres à gaz de Birkenau. Pour l’acheminer jusqu’aux divers lieux d’exécution, les SS maquillent leurs camions en ceux de la Croix-Rouge afin de “rassurer” les prisonniers condamnés à mourir.

Présenté sous forme de granules de silicone imbibés de cyanure d’hydrogène, cette dernière composition s’évapore et se volatilise dans l’air à une température d’environ 27 °C. Provoquant une mort longue (de 10 à 15 minutes minimum) par étouffement, 5 à 7 kilogrammes de Zyklon-B suffisent, selon les mémoires de Rudolf Höss, le commandant du camp, à tuer 1 500 personnes. Pour les nazis, il représente de fait l’avantage d’être peu coûteux.

Quelques lieux d’Auschwitz 1

Par son histoire tragique, Auschwitz est désormais mondialement connu comme lieu de mémoire et symbole de la shoah. A l’intérieur même de ce premier camp, certains endroits, certains lieux, prouvent et témoignent encore de la souffrance des déportés et de la torture physique et morale que les SS leur infligèrent.

Plan interactif du camp Auschwitz I

Pour accompagner votre lecture, vous pouvez ouvrir ce plan interactif dans une seconde fenêtre. Il vous permet de découvrir le camp d’Auschwitz I de manière ludique à travers d’autres explications et informations, ainsi que des photographies des lieux.

Plan du camp principal d’Auschwitz 1 en 1944.

Le portail – entrée principale du camp

Le portail, au-dessus duquel est écrit “Arbeit macht frei” (“Le travail rend libre”), est l’entrée principale du camp d’Auschwitz I. A l’origine, cette expression est un slogan – répandu en Allemagne au début des années 1930 – utilisé pour protester contre le chômage de masse qui frappe le pays. Après l’arrivée des nazis au pouvoir, cette phrase est récupérée et inscrite sur les portails de différents camps de concentration qu’ouvre le Troisième Reich.

A Auschwitz, les détenus passent ce portail deux fois par jour ; le matin pour aller travailler, et le soir pour en revenir. Son passage se fait obligatoirement en marche militaire et au rythme imposé par l’orchestre du camp.

Le porttail, entrée principale du camp d’Auschwitz I © Matthieu Mugneret

L’orchestre du camp

Aussi étonnant que cela puisse paraître, la musique fait partie du quotidien d’Auschwitz. L’orchestre, situé juste à l’arrière du portail d’entrée du camp, a pour mission de jouer des marches afin de donner de l’entrain aux détenus qui partent travailler ou qui en reviennent. Lui-même est composé de 30 à un peu plus de 40 détenus, hommes et femmes. Le premier orchestre est créé au cours du mois de mars 1941. D’autres sont aussi créés à Birkenau puis à Monowitz ainsi que dans certains sous-camps.

Le répertoire joué reprend majoritairement des œuvres classiques, des marches allemandes ou autrichiennes, des extraits d’opéra ou plus simplement des extraits à la mode du moment. Le dimanche, l’orchestre donne généralement des concerts pour les SS et plus rarement pour les autres détenus, sous condition de l’accord des autorités du camp. Chose étonnante encore, il arrive que certains SS demandent au musiciens de jouer du jazz. Style de musique pourtant jugé “dégénéré” par les nazis.

La plupart des instruments sont récupérés dans les entrepôts du Canada (Kanada). Certains cependant, sont achetés avec l’argent des détenus, plus rarement encore, d’autres ont été envoyés par les familles.

Le soir, pour rejoindre nos baraques, nous défilons devant une rangée d’officiers, la tête tournée vers eux mais les yeux baissés. C’est la partie dangereuse. Ils sont à droite et, sur la gauche, se tient l’orchestre de femmes qui joue des airs entraînants pour le départ et le retour du travail. La musique militaire nous force à garder la cadence, même épuisées, à rester impeccablement alignées. Si l’une d’entre nous défaille ou sort du rang, du rythme, elle est frappée.

Témoignage de Ginette Kolinka

Retour à Birkenau

Jamais les SS n’ont manqué l’une de ces parades d’entrée et de sortie. Qui pourrait leur refuser le droit d’assister à la chorégraphie qu’ils ont eux-mêmes élaborée, à la danse de ces hommes morts qui laissent, équipe par équipe, le brouillard pour le brouillard ? Quelle preuve plus tangible de leur victoire ? […] Aujourd’hui encore, quand une de ces innocentes chansonnettes nous revient en mémoire, nous sentons notre sang se glacer dans nos veines et nous prenons conscience qu’être revenu d’Auschwitz tient du miracle.

Témoignage de Primo Levi

Si c'est un homme

Emplacement où se tenait l’orchestre d’Auschwitz I, placé juste derrière le portail d’entrée du camp. © Matthieu Mugneret

La place d’appel

Située face au bâtiment des cuisines du camp et à la potence collective (voir plan interactif), c’est sur cette place que sont rassemblés les détenus, matin et soir, avant et après le travail. Du fait du trop grand nombre de prisonniers, le comptage des captifs se fait également dans les rues du camp. L’appel, pouvant se prolonger de longues heures et dans des conditions particulièrement pénibles, une guérite permet au responsable SS de rester à l’abri des intempéries.

La place d’appel d’Auschwitz – Une guérite permet au responsable SS de rester à l’abri des intempéries. © Matthieu Mugneret 

L’hôpital du camp

Dans le camp principal qu’est Auschwitz I, plusieurs blocks sont destinés à servir d’hôpital aux détenus. Il n’y a cependant – généralement – aucun traitement médicale. Les malades ou les individus épuisés par les conditions de détention et de travail, sont condamnés à y guérir par eux-mêmes ou à y mourir dans le plus grand silence.

Dans l’organisation de l’hôpital du camp, aussi appelé Revier, le block 28 est réservé à la pratique de la médecine interne. Le block 21 est lui dédié à la chirurgie, le block 20 aux maladies contagieuses, bien qu’il soit aussi celui dans lequel les médecins SS procèdent aux assassinats par injection de phénol, et enfin le block 19 est réservé à la convalescence des malades.

A l’extérieur des barbelés, le block situé entre la chambre à gaz et le block 22 est un hôpital réservé aux SS. Les conditions y sont bien évidemment nettement meilleures. A Birkenau, l’hôpital des détenus est le camp B2e. Dans tous les cas, et dans l’ensemble des hôpitaux pour détenus présents dans les camps et les sous-camps d’Auschwitz, les sélections y sont très régulières et les prisonniers jugés inguérissables par les SS sont envoyés dans les chambres à gaz.

Le block 28 du camp d’Auschwitz I était réservé à la pratique de la médecine interne. © Matthieu Mugneret

Le block 10 – les expérimentations médicales

Le laboratoire d’expérimentations du gynécologue Carl Clauberg est installé dans le block de détention numéro 10 du camp d’Auschwitz I, à partir du mois d’avril 1943. Il est lui aussi considéré comme un block-hôpital. A l’intérieur de celui-ci, plusieurs femmes juives, inscrites dans les registres du camp sous l’appellation “détenues soumises à expérimentations” y subissent des très douloureuses expériences de stérilisation.

Certaines ne survivent pas alors que d’autres sont volontairement tuées pour des pratiques d’autopsie, avant que les corps ne soient envoyés au crématoire.

L’entrée du block 10 d’Auschwitz. A l’intérieur, le médecin SS Carl Clauberg y pratiquait de très douloureuses “expérimentations médicales” sur des femmes juives. © Matthieu Mugneret

Le block 11 – la prison du camp

A différentes périodes de l’existence du camp, le block 11 est utilisé pour la mise en quarantaine des nouveaux arrivants. Celle-ci est officiellement réalisée dans l’objectif d’éviter les transmissions de maladies depuis l’extérieur. Dans la réalité des faits, elle sert aussi et surtout à imposer le rythme concentrationnaire d’Auschwitz aux déportés qui entrent dans le camp.

Le sous-sol lui, fait office de prison du camp. A l’intérieur, les SS y enferment des hommes ou des femmes suspectés d’appartenir à la résistance du camp, ou encore par exemple d’avoir été complice d’une évasion ou de l’avoir juste envisagée. Sans lumière ni aération, certains détenus sont enfermés et condamnés à mourir de faim ou de soif, d’autres sont obligés de se maintenir en position debout pendant plusieurs jours et plusieurs nuits dans des cellules de moins d’un mètre carré.

Au début du mois de septembre 1941, les murs du block 11 deviennent les témoins du tournant extrême qui s’amorce à Auschwitz. Au beau milieu de la nuit – probablement celle du 3 septembre – quelques 600 prisonniers de guerre soviétiques et 250 malades sélectionnés dans l’hôpital du camp, sont gazés au Zyklon B dans le sous-sol du block, entièrement évacué pour l’occasion. Atteignant un degré d’horreur encore jamais vu, les SS viennent de réaliser une première expérience de meurtre massif au gaz. Celle-ci est renouvelée une seconde fois, trois jours plus tard.

Ces opérations se poursuivent ensuite dans la morgue du camp, alors transformée en chambre en gaz ; plus facile à ventiler pour évacuer les résidus de Zyklon B, mais aussi incontestablement bien plus proche du crématoire.

Le mur de la mort

Situé et construit entre les blocks 10 et 11 tout en reliant les deux bâtiments entre eux, le “Mur de la mort”, aussi appelé le “Mur noir”, ou “Mur des exécutions”, est le lieu où les SS procèdent aux exécutions par fusillade de l’automne 1941 à l’automne 1943.

A cet endroit, les détenus condamnés à mort, sont généralement assassinés deux par deux, d’une balle de petit calibre dans la nuque, avant que les corps ne soient emmenés au crématoire. Dans la cour où se tient ce même mur, les détenus reçoivent aussi des punitions infligées par les SS, comme le supplice du poteau ou les bastonnades.

Le “Mur de la mort” est démonté au début de l’année 1944. Il est cependant reconstruit après la libération du camp par des anciens déportés et avec l’aide d’employés du mémorial.

A plusieurs reprises, les SS sont venus inspecter nos fenêtres ou plutôt nos planches pour vérifier s’il n’y avait pas de fissures nous permettant de regarder dehors. Mais quelques fentes ont échappé à leurs inspections et nous voulons savoir, tout savoir. Qui sait ? Peut-être que malgré les apparences, il y aura des survivants parmi nous. Il faut que le monde sache ce qui s’est passé ici.

Les condamnés, nus, sont amenés encadrés de deux détenus, la face tournée vers le mur. Trois ou quatre peuvent s’y aligner à la fois. Un déclic régulier charge, décharge. […]

On achève les mourants. Il y a aussi des enfants qui en font partie. Je vois encore cette fillette dont les nattes sombres pendent dans le dos.

Témoignage d'Adélaïde Hautval

Médecines et crimes contre l'humanité

Le mur de la mort où les SS exécutaient de nombreux détenus d’une balle dans la nuque. © Matthieu Mugneret

La chambre à gaz et le crématoire I

Avant-guerre, ce bâtiment situé à l’extérieur des barbelés du camp, sert d’entrepôt à l’armée polonaise. En 1940, lorsque les Allemands prennent possession de l’ancienne caserne, la plus grande pièce de ce dernier est utilisée comme morgue, où les corps des détenus assassinés s’entassent déjà très rapidement.

A l’automne 1941, cette même pièce de 78m² est transformée en chambre à gaz – après plusieurs expériences menées au sous-sol du block 11 – dans laquelle les plafonds sont désormais munis de quatre ouvertures, servant à déverser le Zyklon-B depuis l’extérieur du bâtiment. Dès lors, plusieurs groupes de prisonniers de guerre soviétiques, ainsi que des détenus jugés inaptes au travail, y sont gazés.

Au début du mois de mai 1942, un convoi de 600 Juifs descend du train depuis la voie ferrée, proche du camp principal. Au lieu de se diriger vers Birkenau, celui-ci passe le portail d’Auschwitz I, qui se referme derrière son passage.

Dans le camp, un couvre-feu exceptionnel est imposé aux détenus, qui doivent demeurer allongés au sein de leurs blocks, de telle sorte qu’ils ne puissent voir ce qu’il se passe à l’extérieur. Malgré tout, certains prennent le risque d’entraver les consignes imposées.

Les Juifs – des hommes, des femmes, et pour la première fois des enfants – sont emmenés par familles entières devant la chambre à gaz. Dressé sur le toit, le SS Maximilian Grabner, chef de la Gestapo du camp, informe le groupe en contrebas que celui-ci va être désinfecté : “Nous ne voulons pas d’épidémie dans le camps. Ensuite, vous serez conduits à vos baraquements, et on vous donnera de la soupe chaude. Puis on vous fera travailler en fonction de vos compétences professionnelles.” Tous sont gazés. Déshabillés par le Sonderkommando, les corps sont ensuite transportés dans la salle des fours – pièce voisine de la chambre à gaz équipée de trois fours – pour y être incinérés.

Les gazages se poursuivent ainsi, marquant le début de l’extermination massive et systématique des Juifs à Auschwitz, bien que l’organisation évolue encore quelque peu. Désormais, les condamnés doivent intégralement se déshabiller sur la petite place située à l’entrée de la chambre, avant d’entrer là où plusieurs milliers de personnes y seront encore assassinées. Après la construction des chambres à gaz et des crématoires de Birkenau, les autorités du camps décident de démonter les fours crématoires de la pièce adjacente, avant que le bâtiment ne serve finalement de salle d’opération et d’abri antiaérien aux SS.

Le bâtiment, dominé par la cheminée des fours crématoires, est entouré d’un remblai de terre.

La chambre à gaz d’Auschwitz I, qui servira ensuite d’abri antiaérien aux SS du camp.

Les fours crématoires du camp d’Auschwitz I, reconstruits à partir de matériaux originaux.

Le camp

Auschwitz II Birkenau

Eloigné d’à peine trois kilomètres d’Auschwitz I, Auschwitz II-Birkenau est situé à proximité du village de Brzezinka (Birkenau en Allemand). Sa construction débute dès l’automne 1941. Initialement conçu pour être un camp de prisonniers de guerre soviétiques, il devient finalement le plus grand centre de mise à mort des Juifs, ainsi que le plus grand camp de concentration nazi de la Seconde Guerre mondiale.

Quelques lieux d’Auschwitz II Birkenau

Au milieu de l’année 1942, et dans le cadre de la “solution finale à la question juive” élaborée par les nazis à Wannsee, Birkenau devient progressivement le plus grand centre de mise à mort immédiate des Juifs d’Europe. Dès cette année, deux premières chambres à gaz, dites provisoires, fonctionnent dans le voisinage du camp ; les bunkers I et II.

Un an plus tard, en 1943, les nazis mettent en service quatre chambres à gaz à l’intérieur même du camp. Beaucoup plus importantes par leur taille, elles sont aussi équipées de crématoires. Avec ces chambres situées au bout de la rampe ferroviaire, le crime prend alors incontestablement une forme industrielle.

Plan interactif du camp de Birkenau

Pour accompagner votre lecture, vous pouvez ouvrir ce plan interactif dans une seconde fenêtre. Il vous permet de découvrir le camp de Birkenau de manière ludique à travers d’autres explications et informations, ainsi que des photographies des lieux.

Plan du camp d’Auschwitz II Birkenau en 1944.

Le mirador principal et les barbelés

Le camp de Birkenau compte une trentaine de miradors. Mais le mirador principal – situé au-dessus de l’entrée et de la voie ferrée – est le point culminant pour la surveillance du camp. Depuis son sommet, les SS peuvent observer l’ensemble du site, ses différents secteurs et même au-delà du Bunker I.

Auschwitz II Birkenau compte environ 16 kilomètres de clôture de barbelés, s’élevant à trois mètres de hauteur et équipées d’éclairages électriques. Les barbelés sont principalement électrifiés la nuit – comme à Auschwitz I – par un courant d’interphase de 400 volts. Beaucoup de détenus se jettent contre pour “en finir”. 

Mirador principal du camp de Birkenau. Depuis son sommet, les SS peuvent observer l’ensemble du site. © Matthieu Mugneret

Les chambres à gaz

L’extermination massive des Juifs commence au cours de la première moitié de l’année 1942. Dans cet objectif, deux maisons de familles polonaises expulsées et situées à proximité de Birkenau, sont transformées en chambre à gaz ; les bunkers I et II. Dans un premier temps, les nazis enterrent leurs victimes dans des fausses communes. Polluant les cours d’eau de la région – questionnant de fait la population environnante – les corps sont finalement déterrés par des kommandos et incinérés sur des bûchers avec d’autres nouveaux déportés.

Pendant ce temps, à l’intérieur même du camp de Birkenau, quatre chambres a gaz de 210 m² sont en construction. Elles sont regroupées par deux au sein de deux bâtiments élevés à quelques mètres de la rampe ferroviaire. Ces dernières entrent en service au printemps 1943. Équipées de vestiaires et de crématoires, elles sont les plus grandes de tout le complexe d’Auschwitz.

Une fois la sélection passée, les futures victimes sont dirigées dans les salles de déshabillage (vestiaires), construits sous terre, avant d’être transférées dans les chambres à gaz, accolées et elles aussi souterraines. Le Zyclon-B déversé et ses longs effets accomplis, les corps sont transportés à l’aide d’un monte-charge au niveau supérieure, à l’emplacement même des fours crématoires.

Le Bunker I

Aussi appelé “Maison rouge”, le Bunker I est une ancienne ferme – aux murs rouges -, que les SS transforment et équipent de deux chambres à gaz. A l’entrée, les déportés condamnés à l’extermination peuvent lire “Zur desinfektion“.

Le Bunker I entre en service au cours du printemps 1942. Les gazages y ont lieu le soir, pour que l’édifice puisse être aéré la nuit. Transportés dans des wagonnets, poussés par des membres du Sonderkommando, les corps des victimes sont ensuite ensevelis ou brûlés, à quelques centaines de mètres à l’ouest du bâtiment.

Le Bunker II

Aussi appelé “Maison blanche”, le Bunker II est lui aussi une ferme – aux murs blancs – que les SS transforment en lieu d’extermination au cours du mois de juin 1942. A l’intérieur, se tiennent quatre chambres à gaz de 105 m².

Un système de chemin de fer permet ensuite aux membres du Sonderkommando de transporter les corps des victimes jusqu’aux bûchers, eux-mêmes situés près du lieu d’assassinat. A proximité également, deux baraques en bois sont dressées dans lesquelles les futures victimes doivent se déshabiller, avant d’entrer dans les chambres à gaz.

Les gazages au Bunker II s’interrompent après la mise en service des crématoires II et III de Birkenau, au printemps 1943. L’activité reprend cependant au début de l’été 1944, pour l’extermination des Juifs de Hongrie. Au cours de cette seconde période d’activité, certains enfants auraient été jetés vivants dans les brasiers.

Les crématoires

Dès le mois d’août 1940, le premier crématoire entre en service dans le camp d’Auschwitz I afin d’y incinérer les cadavres des détenus. Équipé de trois fours, sa capacité d’incinération est de 340 corps par jours.

A Birkenau, plusieurs crématoires sont successivement construits, jusqu’en 1943 où trois crématoires à grande capacité sont associés aux nouvelles chambres à gaz. Les deux plus petits ont une capacité d’incinération de 768 corps quotidiens, alors que les deux plus grands voient leur capacité s’élever à 1 440 cadavres par jour.

Pourtant en 1944, les limites de fonctionnement des crématoires, bien que très élevées, sont finalement dépassées. Les SS décident alors de reprendre les crémations à l’air libre, en plus des crématoires, qui subissent néanmoins de nombreuses pannes, nécessitant par moment un arrêt total des funestes activités.

Les ruines du crématoire II de Birkenau. L’édifice a été dynamité par les SS afin de faire disparaître les traces de leurs crimes. © Matthieu Mugneret

Les crématoires II et III

Officiellement mis en service le 31 mars 1943, le crématoire II de Birkenau fonctionne jusqu’en mai de la même année. Son utilisation – trop intensive – engendre de sérieux dégâts, nécessitant des réparations. Sa funeste activité reprend alors au début du mois de septembre jusqu’en novembre 1944.

Le crématoire III, entre lui en service le 25 juin 1943, il est une réplique du crématoire II, avec néanmoins quelques légères différences peu notables.

Ces deux crématoires ont été conçus pour une véritable industrialisation du crime. Les déportés descendent un escalier, menant à la salle de déshabillage, puis sont dirigés dans la chambre à gaz pour y être gazés. Les corps des victimes sont ensuite transportés par un monte-charge, du sous-sol jusqu’au rez-de-chaussée, où sont installés les fours crématoires. Les cendres humaines étant ensuite déversées dans les étangs situés juste à proximité.

A partir du mois de juin 1944, les membres du Sonderkommando, chargés de l’extermination des victimes, sont logés dans les combles de ces deux crématoires. Le 20 janvier 1945, au moment de l’évacuation du camp, les SS dynamitent les crématoires II et III dans l’objectif de faire disparaître les traces de leurs crimes.

Les crématoires IV et V

Mis en service le 22 mars 1943, le crématoire IV de Birkenau est équipé d’un four comportant huit creusets incinérateurs. A elles seules, deux grandes chambres à gaz, ainsi que deux plus petites, représentent une surface totale de 240 m².

Le 7 octobre 1944, le Sonderkommando se révolte, endommageant sérieusement le four qui fut finalement démonté, avant que le bâtiment ne soit à son tour démoli sur ordre des SS.

Entré en service le 5 avril 1943, le crématoire V de Birkenau est une réplique du crématoire IV. Son activité s’arrête en septembre 1943, avant de reprendre en mai 1944 pour l’extermination des Juifs de Hongrie. En novembre de la même année – après l’arrêt des gazages à Birkenau – le crématoire V continue cependant de fonctionner pour brûler les corps des détenus morts de faim, d’épuisement ou de maladie.

Avant d’évacuer le camp, les SS dynamitent le crématoire IV, probablement dans la nuit du 21 janvier 1945, en plaçant les charges explosives à l’intérieur même du four.

Les rampes ferroviaires

Même si certains détenus peuvent être déportés jusqu’à Auschwitz par bus ou par camions, le train est très largement le mode de transport le plus utilisé par les nazis. Principalement du fait des infrastructures ferroviaires déjà présentes avant l’occupation de la ville par les Allemands. Les rampes sont donc les lieux où les détenus descendent des trains et découvrent le complexe pour la première fois. Dans la mémoire collective, il est principalement retenu que les déportés arrivent directement sur la rampe située au cœur même de Birkenau. Elle n’est pourtant mise en service que très tardivement dans l’histoire d’Auschwitz.

La Judenrampe

De 1940 à 1941, les convois de détenus, principalement constitués de Polonais, s’arrêtent sur une voie d’embranchement située à côté de l’entrée du camp numéro un. Mais à partir du printemps 1942 et jusqu’à la mi-mai 1944, les convois représentant un total de plus de 500 000 personnes – principalement juives – s’arrêtent sur une seconde voie d’embranchement la Judenrampe (la rampe juive). Située à mi-distance entre Auschwitz I et Birkenau, c’est sur cette même rampe que les médecins SS procèdent aux sélections.

Reconstitution de la “Judenrampe”, à l’emplacement même où ont été déportés 500 000 Juifs entre juin 1942 et mai 1944. © Matthieu Mugneret

La rampe de Birkenau

Elle est probablement la plus connue, elle n’est cependant utilisée pour l’arrivée des convois qu’à partir du mois de mai 1944, soit environ huit mois avant la libération du camp. Dans une mise en scène très travaillée, c’est ensuite ici, sur ce terre-plein, que les nouveaux prisonniers descendent du train, où ils sont attendus par les détenus du kommando du Canada et où les médecins SS procèdent aux sélections.

A partir de mai 1944, les convois de déportés arrivent directement à l’intérieur du camp de Birkenau. © Matthieu Mugneret

Le plus grand camp de concentration nazi

Situé à trois kilomètres d’Auschwitz I, Birkenau devient rapidement le plus grand camp de concentration du système nazi. Les premiers détenus s’y installent au milieu de l’année 1942, et les premières femmes détenues, en début du mois d’août. A l’été 1944, Birkenau compte 90 000 internés : 69 000 Juifs, 13 000 Polonais non juifs et 8 000 personnes de diverses nationalités. Conçu pour accueillir 97 000 détenus, les SS tentent d’élargir sa capacité à 200 000 places, grâce à la création de quatre secteurs, comprenant différents camps. Seuls trois des quatre secteurs souhaités sont finalement – et en partie – créés :

Le secteur BI

A l’automne 1941, 30 premières baraques en dur sont construites par des prisonniers de guerre soviétiques, ainsi que plusieurs en bois. Les premiers détenus hommes s’y installent au cours du mois de mars, dans le camp B1b de ce même secteur, et les premières femmes, au début du mois d’août, dans le camp B1a. A partir de juillet 1943, le secteur B1 de Birkenau devient un camp exclusivement réservé aux femmes.

Le camp BIa de Birkenau (le camp des femmes), aménagé de plusieurs baraques en briques. © Matthieu Mugneret

Le camp BIa : le camp des femmes

Le camp des femmes ; Frauenlager en allemand, est créé à la mi-août 1942, après le transfert de détenues en provenance d’Auschwitz I. La majorité des baraques sont occupées par des femmes employées dans des kommandos extérieurs, ou qui subissent la quarantaine d’entrée.

Les effectifs du camp des femmes sont extrêmement variables ; au début, 13 000 femmes – en majorité juives – y sont présentes avant de redescendre à 8 000 en décembre 1942. En avril 1943, elles sont plus de 18 000 a y être internées ; 27 000 en janvier 1944 ; 39 000 au cours du mois d’août suivant.

A l’automne 1944, le camp des femmes est progressivement liquidé par les SS. Certaines détenues sont tout de même transférées au sein de différents secteurs de Birkenau. Celles jugées aptes au travail s’installent dans l’ancien camp des familles de Theresienstadt (BIIb), d’autres au Lagererweiterung, dans les blocks 22 et 23 (voir plan) d’Auschwitz I.

Le camp BIb

Le camp B1b, est le premier camp construit à Birkenau. Plusieurs milliers de prisonniers de guerre soviétiques y trouvent la mort au cours de sa construction, débutée en octobre 1941. Il est composé d’une trentaine de baraques, dont près de la moitié sont en briques. Les autres sont faites de bois : récupéré sur les maisons polonaises des villages environnants, dont les habitants ont été expulsés. Beaucoup plus rapide à élever et surtout moins coûteux, ce type de construction se généralisera par le suite.

Jusqu’en avril 1942, et de par les conditions de vie et de travail extrêmes, la mortalité de ce camp frappe près de 90% des détenus hommes qui y sont internés. Ainsi, l’effectif du B1b varie dramatiquement. De 18 000 détenus en mars 1943, il passe à 5 800 trois semaines plus tard, avant d’atteindre à nouveau progressivement la barre des 10 000 hommes.

En juillet 1943, tous les hommes qui y sont présents partent pour le nouveau camp B2d, laissant leur place aux femmes du camp B1a. Le secteur B1 de Birkenau devient ainsi exclusivement réservé aux femmes.

Le secteur BII

Le secteur de B2, aménagé par plus de 150 baraques, est le plus vaste de Birkenau (voir plan). Il comprend sept camps différents, qui sont progressivement ouvert de 1943 à 1944. Parmi ceux-là, le camp des familles pour les Juifs du ghetto de Theresienstadt, le camp des familles tziganes, ou encore le Canada, où sont entreposées les biens appartenant aux Juifs déportés.

Le camp BIIa : le camp de quarantaine pour hommes

Ouvert en août 1943, le camp B2a est l’un des trois camps pour hommes que compte Birkenau. Composé de 19 baraques en bois, il a pour fonction d’accueillir les détenus nouvellement entrés à Auschwitz et qui doivent respecter une mise en quarantaine de deux à trois semaines.

De par cette fonction, l’effectif du camp de quarantaine fluctue de manière régulière. D’environ 7 000 à ses débuts, le nombre de détenus présents se stabilise néanmoins entre 2 000 et 3 000 hommes par la suite, avant d’être liquidé en novembre 1944. Les déportés aptes au travail sont alors transférés dans le camp B2d, et les malades dans le camp-hôpital B2f.

Le camp B2a d’Auschwitz II Birkenau dans lequel les nouveaux arrivants hommes passaient plusieurs semaines. © Matthieu Mugneret

Le camp BIIb : le camp des familles pour les juifs du ghetto de Theresienstadt

En septembre 1943, deux premiers convois transportant 5 000 Juifs du ghetto de Theresienstadt arrivent à Auschwitz et sont internés dans le camp B2b de Birkenau. En décembre suivant, des familles entière (les hommes sont néanmoins séparés des femmes et des enfants), de la même provenance, s’y installent après l’arrivée de deux nouveaux convois, élevant ainsi la capacité du camp à 9 000 détenus.

Après une première sélection, survenue en mars 1944, 3 791 hommes, femmes et enfants sont gazés par les SS alors que les convois continuent d’affluer, portant malgré tout l’effectif du camp à près de 10 000 Juifs de Theresienstadt. Le camp est liquidé en juillet 1944 : 3 000 hommes et femmes sont transférés dans divers camps, 7 000 autres sont envoyés dans les chambres à gaz.

Libéré, le camp B2b est ensuite occupé par des femmes polonaises – pour la plupart – déportées après l’échec de l’insurrection de Varsovie.

Le camp B2b des familles juives du Ghetto de Theresienstadt. En second plan, derrière les clotures, le camp B2c de Bikenau. © Matthieu Mugneret

Le camp BIIc

Ouvert au cours du mois de mai 1944, le camp B2c de Birkenau sert de transit pour les femmes juives de Hongrie. Jusqu’en 1944, mois au cours duquel le camp est liquidé, des milliers de détenues y attendent d’être transférées vers d’autres camps de concentration allemands, sous la menace perpétuelle des sélections. Les déportées restantes sont quant à elles incorporées dans le camp de femmes.

Le camp BIId

Autre camp pour hommes, son fonctionnement débute en juillet 1943, après le transfert de détenus du camp B1b. Il est exclusivement réservé aux internés jugés aptes au travail. L’effectif du camp B2d varie ainsi entre 8 000 et 12 000 hommes, répartis dans 25 des quarante baraques en bois présentes. Les autres servent de cuisines, de sanitaires, de bureaux, d’ateliers, ou encore d’entrepôts pour nourritures ou matériels. Ces dernières sont également présentes dans la plupart des autres camps.

Isolé des autres et sécurisés d’une clôture supplémentaire, le block numéro 13 du camp B2d abrite pendant un temps le Sonderkommando.

Le camp BIIe

En février 1943, 6 600 Roms – hommes, femmes et enfants – intègrent le camp B2e de Birkenau. Jusqu’au mois de mai suivant, de nombreuses arrivées de convois font augmenter l’effectif du Zigeunerlager à plus de 14 000 internés. Au total et selon les registres presque intégralement conservés, 21 000 Roms y ont été enregistrés, dont 378 bébés nés au sein même du camp.

Comme partout ailleurs, les conditions de vie sont catastrophiques. Même si peu de Roms sont employés dans les kommandos, leur épargnant au moins ainsi l’épuisement au travail, près de 60% de ces familles déportées meurent de cette situation inhumaine. Le camp est liquidé dans le nuit du 2 au 3 août 1944 où plus de 3 000 hommes, femmes et enfants sont envoyés dans les chambres à gaz.

Le camp BIIf : le camp-hôpital

Ouvert en juillet 1943, le camp B2f est le camp-hôpital de Birkenau. Les SS y internent les détenus malades au sein des différents services qu’il comporte : chirurgie, maladies internes, maladies cutanées et maladies infectieuses. Tout au long de son fonctionnement – jusqu’à l’évacuation du camp en 1945 – il accueille en moyenne 1 500 à 2 000 malades qui se renouvellent continuellement.

Si le camp-hôpital est supervisé par des médecins SS, le travail est lui assuré – comme dans les blocks-hôpitaux d’Auschwitz I – par des infirmiers et autres médecins déportés, travaillant avec des moyens extrêmement limités et presque sans aucun médicaments. Ainsi, les sélections sont quasi quotidiennes, notamment dans le block 12 où les SS y placent les détenus malades ne présentant aucun espoir de guérison.

Dans ce même camp, le médecin SS Josef Mengele pratique – en totale trahison de l’éthique médicale – différentes “expériences et études” sur des jumeaux. Dans le cadre de certaines d’elles, il infecte volontairement certains enfants du typhus afin de réaliser des études, après les avoir tués.

A Auschwitz, chacun des camps principaux bénéficient d’un hôpital, de même que certains sous-camps.

Le camp BIIg : le Canada

Le camp B2g – Canada (Kanada) dans le jargon du camp – est un complexe d’entrepôts dans lesquels sont stockés les valeurs ayant appartenu aux victimes de l’extermination dans les chambres à gaz. En décembre 1943, trente baraques sont mises en service à proximité de la chambre à gaz et du crématoire IV, créant ainsi le “Canada II”, après le “Canada I”, créé en 1942 dans les environs proches d’Auschwitz I.

Sur les rampes – à l’arrivée des convois – un kommando est chargé de récupérer les bagages et autres objets que les déportés ont obligation d’abandonner. Dans les deux “Canada”, jusqu’à 2 000 détenus hommes et femmes procèdent aux déchargements des camions et au tri des nombreuses valeurs volées par les SS.

Malgré les efforts des SS pour ne pas laisser trace de leurs crimes, des milliers d’objets appartenant aux victimes ont été retrouvés à Birkenau. Ici, des chaussures que les détenus devaient abandonner à leur arrivée.

J’ai donc été choisie pour aller travailler au Canada et cela m’a sauvé la vie. […] Un matin, dans une couture de robe, j’ai trouvé une pièce d’or. Je l’ai rapportée clandestinement dans mon block et l’ai cachée dans mes frusques. C’était mon trésor.

Au Canada, nous travaillions sous un toit et c’était cela le plus important. Nous n’étions plus exposées aux intempéries. Nous arrivions à voler quelques petits vêtements, parfois une brosse à dents ou une cuillère. […]

Chaque soir, à la sortie du Canada, les SS nous fouillaient. Les premières à sortir étaient souvent les plus contrôlées. J’essayais de me faufiler parmi les dernières. Mes chaussures trop grandes me servaient à cacher des affaires. Un jour, la cheffe de block m’a dit : “Alors, tu travailles au Canada et tu ne m’as rien rapporté ?” Je n’avais pas le choix, le lendemain je lui ai rapporté une nappe dissimulée sous mes vêtements. Elle a servi à décorer sa petite chambre, cette pièce à l’entrée, minuscule, qui nous semblait paradisiaque.

Témoignage de Marceline Loridan-Ivens

C'était génial de vivre

Le secteur BIII

En construction à partir de l’année 1943 avec pour projet de créer 60 000 places supplémentaires, les travaux sont finalement abandonnés au printemps 1944. Néanmoins, dans ce camp inachevé, surnommé “Mexique”, plusieurs femmes juives de Hongrie y sont internées dans les pires conditions, le plus souvent sans toit au-dessus de la tête. Le secteur B3 est liquidé en octobre 1944, et les quelques survivantes sont transférées dans le camp des femmes.

Le camp

Auschwitz III Monowitz

A l’origine considéré comme sous-camp, Monowitz devient, à partir de novembre 1943, le troisième camp principal après Auschwitz I et Auschwitz II Birkenau. La plupart des sous-camps dit “industriels” en dépendent. Géré par les autorités civiles et SS, il est en réalité le territoire de plusieurs usines allemandes. Il n’en reste quasiment plus rien aujourd’hui.

Un camp de travail

Construit à la place du village de Monowice, détruit après l’expulsion des populations locales, Monowitz – en Allemand – est prévu pour accueillir l’un des dix camps de travail forcé de l’usine IG Farben. A la fin du mois d’octobre 1942, 2 000 détenus du camp d’Auschwitz I y sont transférés, puis 6 000 en 1943 et près de 11 000 à la fin de l’été 1944.

Même si Monowitz est un camp de travail, les conditions sont telles que beaucoup de détenus y meurent ; 1 670 sont assassinés sur le chantier de l’usine IG Farben ou dans l’hôpital du camp. Enfin, près de 11 000 autres, épuisés par le travail, sont transférés à Auschwitz I et à Birkenau où la grande majorité d’entre eux seront envoyés dans les chambres à gaz.

Le plan de Monowitz

Plan reconstitué à partir d’une photographie aérienne du camp de Monowitz, prise le 26 juin 1944. Au nord du camp, de l’autre côté de la route, se trouve le territoire du complexe industriel de l’IG Farben (non représenté sur le plan). A l’extérieur du camp, du côté ouest, se trouvent les casernes SS et l’administration du camp (non représentées également).

Au sein même du camp de Monowitz, la partie nord-ouest regroupe la majorité des baraques des détenus, à l’est, il s’agit du secteur hôpital. Celui-ci contient – selon Primo Levi – en permanence un dixième de la population totale du camp.

Plan du camp Auschwitz III Monowitz en 1944.

La déportation vers

Auschwitz

Si certains des déportés sont arrivés à Auschwitz en bus ou en camion, la très grande majorité y ont été emmenés par le train, notamment grâce au réseau ferré déjà développé avant l’arrivée des nazis. Selon les provenances, le voyage peut durer plusieurs jours. Les conditions sont telles, que certains des prisonniers n’y survivent pas.

Un voyage mortel

Dans la plupart des cas, les Juifs ou non-Juifs déportés n’ont aucune connaissance du lieu de leur destination. Généralement, avant le départ, les SS leur font croire qu’ils partent pour travailler dans des camps de travail, des champs ou des usines, dont les conditions seraient acceptables, permettant même de vivre normalement.

Cependant, les Juifs polonais se font peu d’illusions, même si certains veulent continuer de croire qu’ils seront épargnés. De fait, à l’est de l’Europe, les rumeurs à propos des camps d’extermination sont déjà présentes et circulent en abondance. En revanche, pour les Juifs d’Europe occidentale qui ne subissent pas l’Occupation aussi durement, ces rumeurs sont rapidement considérées comme fausses ou au maximum exagérées.

Les wagons de marchandises

Il est néanmoins probable que le doute naisse chez certains des détenus, au moment où ils découvrent les conditions dans lesquelles ils s’apprêtent à voyager. Un convoi se compose de plusieurs dizaines de wagons de marchandises ou à bestiaux. Entassés et enfermés par dizaines, une seule minuscule lucarne, barrée par du grillage ou du barbelé, offre une vue sur l’extérieur. Au sol, le plancher est recouvert de paille. Le seul aménagement se traduit par la présence d’un seau pour les besoins naturels, qui rapidement déborde et se déverse dans le wagon.

Dès le départ, hommes, femmes et enfants – lorsque le convoi est mixte – sont entassés avec leurs valises dans les wagons de bois sur lesquelles figurent parfois l’inscription “Hommes 40 – chevaux en long 8”. En l’occurrence, il y sont souvent 80, parfois une centaine. S’assoir devient presque impossible, et lorsque certains parviennent à le faire, se relever s’avère être une épreuve tout aussi coriace. On ne sait où placer ses jambes, circuler – notamment pour atteindre la tinette – est presque impossible sans marcher sur les jambes ou le corps d’un autre.

Inexorablement, la fatigue s’installe, prenant la place de toutes formes de politesse entre les uns et les autres. Pour conquérir un peu d’espace, ou pour le conserver, il faut déjà opposer une certaine forme de résistance. Parfois les esprits s’échauffent, des bousculades éclatent et les coups partent. Davantage encore lorsque certains audacieux réfléchissent déjà un moyen de s’évader. Idée rarement partagée par crainte des représailles collectives.

Les jours et les nuits qui passent ne sont qu’agonies inlassablement prolongées. L’étouffante moiteur du wagon, mêlée aux odeurs de plus en plus prenantes de sueur, de crasse, de vomissements et de déjections terminent d’asphyxier les esprits. Pour tenir, certains mangent les faibles rations distribuées avant le départ, ou des restes de gâteau que les détenus avaient en poche, avant de partir. Mais l’eau elle, manque toujours.

Sans connaissance de la destination finale, l’arrivée au camp s’annonce déjà comme la délivrance d’un interminable supplice. Les traits tirés, les yeux rouges, les hommes ont désormais une barbe de plusieurs jours, les femmes les cheveux en broussaille.

Wagon de marchandises : enfermés de l’extérieur, jusqu’à 100 déportés y étaient entassés durant plusieurs jours. © Matthieu Mugneret

J’ai encore en mémoire l’image de ce couple de vieilles gens qui ont passé tout le voyage assis sur la tinette, à marmonner des prières, les yeux plongés dans leur livre. Car au milieu de la voiture trônait le fameux récipient, un seau de métal de la taille d’un baril d’essence, fermé par un couvercle. Rien n’est plus humiliant que de faire ses besoins au vu et au su de tous ; et il n’était pas difficile de se rendre compte que tel était le but recherché par les Allemands.

Témoignage de Madeleine Goldstein

On se retrouvera

Les conditions de voyage étaient épouvantables. Nous étions soixante par wagon. Il y avait une espèce de tinette pour y faire ses besoins au vu de tout le monde. C’était l’horreur. On mourait de froid, de chaud, de soif. Très vite, j’ai pris des coups. Je disais tout le temps que j’avais soif. Une jeune homme, déporté comme moi, m’a répondu : “Tu vas te taire, parce que tout le monde à soif.” Il m’a donné une paire de gifles retentissantes. Mon père n’a pas réagi. Il a eu raison.

Témoignage de Marceline Loridan-Ivens

C'était génial de vivre

Une provenance européenne

A Auschwitz-Birkenau, les arrivées des convois sont fréquentes. Hommes, femmes, enfants, pratiquement tous viennent des pays occupés par l’Allemagne ou des pays avec qui elle est alliée. Ainsi, du début de l’année 1942 jusqu’à la fin de l’été 1944, environ 426 000 Juifs de Hongrie y sont déportés, 300 000 de Pologne, 60 000 des Pays-Bas, 55 000 de Grèce, 46 000 de Bohême et Moravie, 27 000 de Slovaquie, 25 000 de Belgique, 10 000 de Yougoslavie, 7 500 d’Italie, 690 de Norvège et près de 34 000 d’autres pays encore.

Depuis la France

De 1942 à 1944, 75 000 Juifs – dont 11 400 enfants – ont été déportés depuis la France par quelque 75 convois. Près de 69 000 d’entre eux ont été envoyés à Auschwitz-Birkenau. Le premier convoi à en prendre sa direction fut celui du 27 mars 1942, composé de 1 112 personnes dont 550 d’elles ont été arrêtées le 12 décembre 1941, lors de la rafle des notables.

En France et durant toute la période d’occupation, tous les départements métropolitains sont touchés par les arrestations et les déportations de Français, Français israélites ou des étrangers juifs. Une commune sur dix est ainsi touchée.

L’arrivée des déportés

Durant les premiers mois de fonctionnement d’Auschwitz, les SS réalisent les sélections – procédé qui consistent à envoyer les détenus jugés inaptes au travail à la mort – au sein même du camp. Cependant, à partir du printemps 1942, et pour faire face à l’afflux désormais massif de Juifs déportés, les SS modifient leur organisation, en appliquant les sélections directement à la descente des trains.

La descente du train

Lorsque s’ouvrent simultanément les portes du convoi dans le plus grand des fracas, une véritable mises en scène, minutieusement orchestrée par les SS, débute. Elle n’a que pour but de propager la peur dans les esprits des nouveaux arrivants, de sorte à maintenir l’ordre par la terreur.

Schnell, schnell !” Les soldats hurlent, les coups pleuvent gratuitement, les chiens aboient et les projecteurs éblouissent quand le froid – en période hivernale – saisit les corps et plus encore les esprits. Descendre du train est une épreuve pour les corps épuisés par un voyage qui peut durer 4 jours et autant de nuits : les wagons sont à une hauteur élevée de la rampes.

Ordre est donné d’abandonner les bagages que bon nombre ont protégé tout au long du trajet de leur déportation. Des hommes en “uniforme rayé” entrent en scène. Ils ne parlent pas ou alors très peu. Leur regard est fuyant. Ils ne sont là que pour une mission bien précise : rassembler les valises pour les transporter par camions jusqu’au “Canada” et retirer les corps des wagons de ceux qui n’ont pas supporté le terrible voyage de la déportation.

Le “discours de bienvenue”

L’ordre et l’emplacement des événements peut varier selon la période de fonctionnement d’Auschwitz. Mais à ses débuts, le chef du camp, Karl Fritzsch, avait pour habitude de prononcer un “discours de bienvenue”. Avec le temps, il est ensuite prononcé par d’autres SS ou chefs de blocks, dans d’autres versions, mais qui seront néanmoins sensiblement similaires à la première : “Vous n’êtes pas arrivés au sanatorium, mais dans le camp de concentration allemand d’Auschwitz. L’espérance de vie est de deux semaines pour les Juifs, d’un mois pour les prêtres et de trois mois pour les autres. On ne peut sortir d’ici que par la cheminée. Ceux à qui cela ne plaît pas peuvent d’ores et déjà se jeter sur les barbelés.

En revanche, les Juifs déportés et immédiatement condamnés à l’extermination ont le droit à une approche nettement différente : “Maintenant, vous serez lavés et désinfectés pour éviter les épidémies. Puis vous vous rendrez dans vos chambres où vous attend une soupe chaude. On vous affectera ensuite à des postes de travail correspondant à vos métiers. Déshabillez-vous dans la cour et déposez vos affaires au sol.” Maintenir le calme, pour maintenir l’ordre dans cet environnement inconnu où partout, plane cette étrange odeur qui sort des cheminées – visibles au loin – des fours crématoires.

La sélection

Dès la descente du train, les femmes sont séparées des hommes en deux groupes distincts. Depuis la “Judenrampe“, alors située à l’extérieur du camp : “On va vous emmener à pied au camp, mais le camp est loin. Il y a des camions pour les plus fatigués“. Epuisés, ou souhaitant naturellement épargner de supplémentaires efforts à leurs progénitures, bon nombre de vieillards, femmes et enfants montent à bord de ces camions. Voilà donc une sélection de faite. Mais il arrive aussi que les Allemands choisissent par eux-mêmes.

Pour les SS, la sélection est une étape qui doit immédiatement permettre un “tri” entre les déportés qu’ils jugent aptes ou non à travailler. Mais de par l’ampleur de la “Solution finale“, celle-ci ne peut être que rapide, expéditive. La place pour un examen médical digne de ce nom est ainsi proscrite. De simples et courtes questions à propos de l’âge ou de l’état de forme général suffisent à un indiquer telle ou telle direction – il n’y en a que deux – aux individus désemparés.

L’organisation est telle que les déportés ne peuvent se rendre compte de ce qu’il se passe, peut-être aussi n’ont-ils pas le temps d’y penser. De manière générale, un convoi peut être “détruit” à 80%, parfois jusqu’à 95%, ou bien même totalement.

 

Sur la rampe de Birkenau – après la sélection – un groupe de femmes et d’enfants si dirigent en direction des chambres à gaz. Au second plan, le camp des femmes (secteur B1b). Photographie probablement prise par les photographes SS E.  Hoffmann & B. Walter, le 27 mai 1944, lors de l’extermination des Juifs de Hongrie.

Sur le quai, les chiens aboient. Je ne comprends rien. Quelqu’un me traduit : “On va nous emmener à pied au camp, mais le camp est loin. Il y a des camions pour les plus fatigués.” Dans ma naïveté, cette naïveté qui m’a peut-être sauvée et qui les a condamnés, je pense à mon père, amaigri par ces dernières semaines, exténué par le voyage, je pense à Gilbert, mon petit frère, qui n’a que 12 ans, à sa petite tête ébouriffée. Et je m’entends leur crier : “Papa, Gilbert, prenez le camion !” […] Je ne les embrasse pas. Ils disparaissent. Ils disparaissent.

Témoignage de Ginette Kolinka

Retour à Birkenau

C’était à la fois déconcertant et désarmant. Quelqu’un osa s’inquiéter des bagages : ils lui dirent “bagages, après” ; un autre ne voulait pas quitter sa femme : ils lui dirent “après, de nouveau ensemble” ; beaucoup de mères refusaient de se séparer de leurs enfants : ils leur dirent “bon, bon, rester avec enfants”. […] En moins de dix minutes, je me trouvai faire partie du groupe des hommes valides. Ce qu’il advint des autres, femmes, enfants, vieillards, il nous fut impossible alors de le savoir : la nuit les engloutit, purement et simplement.

Témoignage de Primo Levi

Si c'est un homme

L’accueil des déportés

Ceux qui ont passé la sélection sont emmenés dans les différents camps du complexe que représente Auschwitz. A pied – hommes et femmes définitivement séparés – au cours d’une marche de deux à trois kilomètres, ou en camion lorsqu’il faut aller jusqu’à Monowitz, dont le trajet dure une vingtaine de minutes. Assez de temps pour permettre à certains SS de quémander argent, montres ou bijoux aux nouveaux détenus.

A nouveau, les événements et l’emplacement exact des lieux dans lesquels ils se produisent peuvent différer d’une période à l’autre, d’un camp à l’autre. Mais en généralisant d’une certaine manière les faits, les détenus sont dirigés dans des bâtiments dit d’accueil. A Auschwitz I, ce bâtiment existe toujours, il est aujourd’hui chargé d’accueillir les visiteurs du camp et du mémorial.

Déshabillez-vous ! Il ne s’agit pas seulement d’enlever son manteau mais bien de retirer l’ensemble des vêtements portés. Tout doit être retiré, jusqu’aux alliances même. Parfois, on recommande aux détenus de bien retenir l’emplacement où ils abandonnent leurs biens pour, soi-disant, ne pas les perdre ou se les faire voler. Ils ne les retrouveront jamais. Cette injonction marque ainsi le départ d’une traversée de différentes salles (ou blocks), dont chacune d’elles comportent des étapes toujours plus humiliantes.

Dans la salle suivante, les corps, totalement nus, sont tondus et rasés à la vue de tous par d’autres “pyjamas rayés“, tête et sexe compris, obligeant des postures ô combien rabaissantes. Les événements s’enchaînent. La pièce suivante est celle de la douche. Elle ne dure pas plus de cinq minutes et il faut bien souvent se partager une arrivée d’eau pour cinq à six personnes. L’eau peut être bouillante, ou bien glaciale. Pas le temps de se sécher, salle suivante, sous les coups des kapos armés de gourdins.

A Auschwitz I, l’accueil des déportés se faisait dans ce bâtiment. Aujourd’hui, il sert d’accueil aux visiteurs du Musée. © Matthieu Mugneret

La tenue rayée

Grelottant et encore mouillés de cette douche expéditive, il faut désormais se vêtir des vêtements distribués à la hâte : chemises, calots, uniformes rayés et sabots de bois. Le plus souvent, ces tenues sont en mauvais état et dégagent une odeur désagréable. De fait, elles ont déjà été portées par d’autres déportés avant eux.

Au début du fonctionnement du camp, les hommes reçoivent une vareuse, une chemise, un pantalon, et caleçon et un calot. Les femmes, une vareuse, un chemisier, un jupe ou une robe ainsi qu’un foulard à porter sur la tête. Durant l’hiver, les détenus ont le droit à un manteau dont l’épaisseur ne protège guère du froid.

Comme si c’était une évidence, au cœur de toute cette organisation humiliante, les tailles des accoutrements ne correspondent pas forcément aux différentes corpulences qui composent le groupe. Certains ont des pantalons trop long, d’autres des chemises trop courtes ou des pieds trop grands pour les insérer dans les sabots. Il faut – plus tard – procéder à des échanges et ainsi compter sur la chance.

A partir de février 1943, les uniformes rayés viennent à manquer. Il sont prioritairement gardés pour les détenus qui partent travailler dans des kommandos dit extérieurs ; c’est à dire en contact avec des ouvriers du monde civil. Progressivement donc, les tenues rayées sont remplacées par des tenues qui proviennent des entrepôts du Canada. En d’autres termes, ils récupèrent les vêtements de ceux qui ont pris la direction des chambres à gaz et des crématoires.

Uniforme rayé de déporté, exposé au Musée D-Day Omaha. © Matthieu Mugneret

Les filles nous jettent des haillons à la figure. Les Juives n’ont pas le droit aux robes rayées, c’est trop beau pour elles, les robes rayées, c’est pour les prisonnières politiques, et lorsque je nous vois, encore aujourd’hui, représentées ainsi, ça me rend malade. Peu importe que l’on soit mince, grosse, petite ou grande, nous attrapons ce qu’on veut bien nous jeter. Je tombe sur une espèce de combinaison, un pull-over et une jupe en tricot. […] En revanche, pas de chaussettes, pas de bas, pas de soutien-gorge et pas de culotte. J’ai les jambes nues, les fesses nues, je ne sens que ça, le contact obscène de la peau contre le tissu.

Témoignage de Ginette Kolinka

Retour à Birkenau

La chemise est en loques, la calot – ou la casquette – revêt de des formes variées, les galoches à semelles de bois nous blessent les pied et le pyjama, naturellement, n’est pas à notre taille. On tâche de réaliser les plus judicieux échanges pour que les vêtements s’ajustent, mais il y manque des boutons. Il faudra trouver le moyen de réparer, vaille que vaille, avec des bouts de ficelle ou autre chose. Pas sans peine et pas tout de suite. On n’a rien, on ne retrouve rien, on n’a aucun moyen. On est rassemblé pour l’instant dans un block absolument nu où il faudra coucher par terre car c’est encore, nous dit-on, la quarantaine.

Témoignage de Sim Kessel

Pendu à Auschwitz

Le tatouage

Après s’être fait retirer leur dignité et le peu de biens qu’ils possédaient encore, c’est désormais leur identité qu’ils se font voler. Alignés par ordre alphabétique, les détenus se font tatouer un numéro sur l’avant-bras : leur matricule. Ce chiffre sera désormais leur nouveau nom. Il est aussi celui qui, sur présentation, permettra l’obtention du pain et de la soupe. Il faudra l’apprendre par cœur et en allemand, sous peine de recevoir de lourdes sanctions.

Le tatouage est une spécificité du camp d’Auschwitz. De tous les camps de concentration allemand, il est le seul dans lequel les détenus se font tatouer un numéro d’identité sur la peau. Cette décision est prise en 1941 et se généralise en 1942 en faisant évoluer la méthode du procédé. Hormis certaines rares exceptions, tous les détenus passés par Auschwitz-Birkenau sont tatoués.

La quarantaine

Cette première et interminable journée terminée, les nouveaux détenus sont ensuite placés en quarantaine durant quelques jours à plusieurs semaines. Officiellement, cette isolation temporaire des autres détenus, doit permettre d’identifier et d’isoler les malades susceptibles de transmettre et propager des maladies contagieuses au sein du camp.

Dans la réalité des faits, la quarantaine est avant tout un moyen d’enseigner et d’imposer aux nouveaux arrivants la discipline et les nombreuses règles mises en place à Auschwitz-Birkenau. Sous la violence inouïe des kapos et des SS, les détenus apprennent – entre autres – à former les rangs pour les différents appels de la journée, à marcher, à saluer les supérieurs ou encore à chanter différents chants allemands.

Après cette éducation forcée, ceux qui ont survécu aux nombreux exercices, aux coups et diverses punitions, sont envoyés dans l’un des différents camps que comporte Auschwitz, afin de rejoindre un kommando et de commencer à travailler.

Au lendemain de notre arrivée à Birkenau, on vint chaque jour nous endoctriner. Il convenait de nous préparer à l’existence concentrationnaire. Un Kapo, assisté d’un secrétaire, s’en chargea. Je devais apprendre à les désigner par leur titre exact de Blockältester et de Blockschreiber. Le kapo était un Allemand condamné bien avant la guerre, non comme opposant au régime, mais comme assassin. Il ne parlait qu’allemand. Son assistant, le Schreiber, traduisait à mesure. Hélas ! cet assistant était français.

Le premier jour, alors que j’écoutais, figé au garde-à-vous, la voix monotone du Schreiber, j’eus le malheur de remuer un peu pour me dégourdir les jambes. Le kapo se rua sur moi et me porta un formidable coup de poing à la face. Le coup m’ébranla si fort que je flottai un moment dans l’inconscience. Je savais désormais quel sens il fallait donner au garde-à-vous.

Témoignage de Sim Kessel

Pendu à Auschwitz

Les conditions de vie

des détenus

De Auschwitz I jusqu’à Monowitz, en passant par Birkenau et tous les sous-camps qui composent ce géant complexe concentrationnaire, la survie est une question quotidienne. Chaque mois, la faim, le froid, le criant manque d’hygiène, la violence quotidienne et les sélections, font des milliers de morts.

Le règlement du camp

Le règlement du camp d’Auschwitz-Birkenau est inspiré du premier règlement rédigé pour le camp de Dachau, en 1933. Celui-ci est généralement enseigné par les kapos au cours de la période de quarantaine, après quoi les détenus n’auront jamais l’occasion de le consulter.

Rapidement, les nouveaux arrivants comprennent les incohérences – de fait stupides – qu’il comporte. Par exemple, bien que l’eau propre et le savon soient quasiment inexistants au camp, les captifs ont obligation de se laver et de garder leurs vêtements propres. Théoriquement, ils ont le droit de se plaindre d’un traitement incorrecte de la part d’un kapo ou d’un SS. Dans la réalité, la moindre plainte est souvent punie d’une sévère bastonnade.

Nous connaissons déjà en grande partie le règlement du camp, qui est incroyablement compliqué ; les interdictions sont innombrables : interdiction de s’approcher à plus de deux mètres des barbelés ; de dormir avec sa veste, ou sans caleçons, ou le calot sur la tête. […] De ne pas aller à la douche les jours prescrits, et d’y aller les jours qui ne le sont pas ; de sortir de la baraque la veste déboutonnée ou le col relevé ; de mettre du papier ou de la paille sous ses habits pour se défendre du froid ; de se laver autrement que torse nu.

Les rites à accomplir sont infinis et insensés : tous les matins, il faut faire son “lit” de manière qu’il soit parfaitement lisse et plat […]. Le soir, il faut passer au contrôle des poux et au contrôle du lavage des pieds. […] Quand les ongles poussent, il faut les couper, et nous ne pouvons le faire qu’avec les dents. […]

Ici, tout le monde travaille, sauf les malades. Tous les matins, pour aller aller à la Buna, nous sortons du camp en bataillons, et tous les soirs nous y rentrons de la même façon.

Témoignage de Primo Levi

Si c'est un homme

Terreurs et crimes

A Auschwitz, de par la violence qui règne dans le camp, l’immense majorité des détenus subissent un changement de personnalité. Pour survivre, les prisonniers se concentrent davantage sur eux-mêmes, devenant méfiants, parfois voleurs ou violents. Pour se protéger et pour éventuellement espérer obtenir un maigre – mais vital – avantage, certains peuvent aller jusqu’à en dénoncer d’autres, auprès des kapos et des SS, pour des faits réels ou bien imaginaires si nécessaire. Telle est l’atmosphère générale qui s’impose aux détenus.

Les bastonnades

La bastonnade est l’une des peines les plus souvent infligées. Elle peut ainsi aussi bien sanctionner un travail effectué trop lentement, un manque supposé de respect envers un supérieur, une mauvaise posture lors de l’appel ou bien au cours d’une marche, une tenue jugée non réglementaire, le vol de pain, la possession d’objets interdits…

Debout ou allongés, les captifs sont frappés sur l’ensemble de leur corps – de la tête jusqu’aux pieds – à l’aide d’un gourdin, d’un fouet, d’une manche d’outil, d’une cravache en cuire, ou bien même d’une barre de fer. Dans bien des cas, la bastonnade se termine en meurtre.

Un châtiment corporel spécifique peut aussi être appliqué dans certains cas. Le condamné doit présenter ses fesses dénudées et tendre les bras en avant pendant qu’un SS ou un Kapo le frappe de toutes ses forces avec une cravache ou un gourdin. En même temps, le détenu doit compter à haute voix et en allemand le nombre de coups infligés. S’il se trompe, le châtiment reprend du début.

Le retard au rassemblement était une faute inexpiable. Un jour, j’ai vu un détenu arriver après les autres sur les rangs et tenter de s’y glisser sans éveiller l’attention. C’était un retard de quelques secondes. Le kapo s’en aperçut. Il fit de l’index le sinistre petit geste d’appel, en direction de la victime : “Komm hier, komm hier”. L’homme pâlit, hésita, bégaya une excuse. “Komm !” Il sortit des rangs, avança vers la brute qui souriait. Au moment où il se découvrait d’un geste mécanique, le gummi s’abattit sur sa tête rasée. Il chancela. Un deuxième coup le jeta à terre. Le bourreau se baissa, le releva, attendit que l’homme, à demi inconscient, eût retrouvé son équilibre, puis il frappa de nouveau à coups redoublés. Quand l’homme fut à terre, étendu de tout son long, les bras en croix, inerte, le kapo appela son collègue du groupe voisin, plaça le gummi sur la gorge de la victime et tous deux montèrent dessus. Deux pieds pesèrent de chaque côté de la matraque. On entendit un craquement.

Témoignage de Sim Kessel

Pendu à Auschwitz

Les exercices punitifs

Surnommés “sport” par les SS et les Kapos, ces exercices ont pour but unique de terroriser et de sanctionner. Ils sont néanmoins obligatoires pour tous les nouveaux arrivants – pour leur imposer la discipline du camp – au cours de leur période de quarantaine.

Parmi les plus fréquents, les détenus doivent exercer des accroupissements répétés, maintenir une position accroupie pendant une longue durée, sautiller en position accroupie sur un dizaine de mètres ou encore tourner sur eux-mêmes. Généralement, cette séance de sport dure plusieurs heures et se pratique sur la place de l’appel ou à proximité des blocks concernés. Les détenus incapables de la pratiquer correctement sont battus jusqu’à l’évanouissement.

Ils nous faisaient faire une gymnastique dans la chaleur folle. On répétait les mouvements, des mouches sur les yeux, des taches noires sur notre rétine, on faisait tourner nos bras, essayant de ne pas s’évanouir, les pieds martelant la terre brûlée, sèche. Celles qui étaient plus jeunes que moi n’ont pas duré. C’était trop dur. il y en avait deux, des petites, adolescentes, presque enfants encore. On a essayé de les protéger. Elles n’ont pas duré. Personne ne durait. […]

L’automne est arrivé, le temps a fraîchi, la pluie a commencé à tomber. On faisait à présent la gymnastique dans nos robes trempées, dérapant dans la boue, glissant, tombant, grotesques, épuisées.

La première neige à recouvert le sol. Alors les anciennes, avec leurs yeux de l’autre côté du gouffre, nous on dit : “On va toutes mourir.”

Témoignage de Julia Wallach

Dieu était en vacances

Les exécutions

Le recours à l’exécution est une peine que les SS et les détenus d’encadrement usent régulièrement. En 1941, des détenus sont assassinés par privation de nourriture, enfermés dans les minuscules cellules du block 11 d’Auschwitz I. De 1941 à 1943, la plupart des exécutions ont lieu contre le Mur de la mort. A partir de 1944, elles sont plus généralement pratiquées à proximité des crématoires de Birkenau. Dans les faits cependant, une exécution peut être commise n’importe où et à n’importe quel moment.

De temps à autre et dans l’unique objectif de terroriser les autres détenus, les SS organisent des exécutions publiques par pendaison, notamment au cours des appels, sur la potence collective (voir plan).

C’était un jour où j’avais été désigné de corvée de soupe, avec un autre. Il s’agissait d’aller aux cuisines pour y recevoir la cuve à deux anses, remplie de liquide bouillant. Bonne affaire que cette corvée, car elle pouvait autoriser l’octroi d’un supplément.

Mon compagnon, en butant sur un obstacle, lâcha l’anse qu’il tenait et un peu de soupe se répandit. La valeur d’une ou deux louches. Le destin était là, sous l’apparence d’un SS qui traversait la cour. Il s’approcha, hurlant des injures, enfonça la tête de l’homme dans la cuve. La malheureux se débattit, pas longtemps. Les cris qu’il poussait s’éteignirent. Bientôt, il ne bougea plus. Le SS laissa le corps tomber à terre et s’en alla, en effaçant sur sa manche une éclaboussure avec son mouchoir.

Témoignage de Sim Kessel

Pendu à Auschwitz

Les injections létales

A partir de l’été 1941, les SS commencent à injecter différentes substances létales pour assassiner certains détenus. Après quelques expériences menées, le phénol devient le produit le plus couramment utilisé.

Au rez-de-chaussée du block 20 d’Auschwitz I et à l’aide de détenus d’encadrement, les médecins SS injectent grâce à une longue aiguille, 10 à 15 millilitres de phénol concentré directement dans le cœur des malades jugés inguérissables. Le décès survenant quelques secondes plus tard. Au cours de la seconde moitié de 1942, 2 467 prisonniers sont tués de la sorte, dont certaines des victimes sont des enfants ou des femmes enceintes. Après la mise en service des chambres à gaz de Birkenau, cette pratique est moins régulièrement utilisée, bien qu’elle perdure tout de même dans le temps et dans les différents hôpitaux des camps.

Les sélections dans le camp

Durant les premiers mois du fonctionnement du camp d’Auschwitz, les détenus épuisés et désormais jugés inaptes au travail, sont battus à mort. A partir de 1941, voyant les hôpitaux se remplir de patients dont la mort tarde à venir, les SS décident d’assassiner – après une sélection – les malades par des injections de phénol dans le cœur.

Hors des hôpitaux également, les médecins SS pratiquent des sélections pendant les rares séances de douche ou au cours des appels. Des groupes importants de prisonniers sont ainsi tués au Zyklon-B dans les chambres à gaz. A partir du milieu de l’année 1943, les sélections ne concernent quasiment plus que les déportés juifs.

Les blocks et les baraques

Dans le jargon du camp, un block représente un bâtiment dans lequel sont logés les détenus. Pour chacun d’eux, est désigné un chef de block, dont le rôle consiste à faire respecter les nombreuses règles du camp. Certains de ces blocks néanmoins, sont exclusivement réservés à des activités bien précises. Tous sont numérotés. A Auschwitz I, les détenus dorment dans les grands bâtiments de briques rouges. A Birkenau et à Monowitz cependant, la quasi-totalité des baraques sont des constructions en bois.

Les baraques en briques

Construites au tout début du fonctionnement de Birkenau, les baraques en briques doivent contenir 700 personnes. Chacun des 180 espaces de couchage, répartis sur 60 lits superposés à trois niveaux, sont conçus pour accueillir quatre personnes. Dans la réalité des faits, six à sept détenus se partagent ce minuscule espace, portant la capacité du block à plus de 1 000 hommes ou femmes.

Puis, avec effroi, nous avons découvert les blocks. C’étaient de longues baraques en briques, avec un sol en béton et un vague poêle au milieu.

Il y avait des rangées de châlits qu’on appelait les coyas – sans doute un mot polonais -, sortes de cages sans grillages, garnies d’une paillasse. Nous y étions entassés à cinq ou six par planche, parfois tête-bêche en raison du manque de place. Nous couchions soit au ras du sol, soit au milieu, soit en hauteur. Les planches du haut, plus spacieuses, étaient les plus recherchées. Il y avait deux ou trois couvertures pour tout le monde.

Témoignage de Simone Veil

L'aube à Birkenau

Baraque en briques dans le camp d’Auschwitz II Birkenau. © Matthieu Mugneret

Les baraques en bois

Contrairement à celles en briques, les baraques en bois sont dépourvues de fenêtres et seules les lucarnes de la toiture laissent entrer une très faible lumière. Les lits superposés, répartis en 28 compartiments dont chacun d’eux accueillent le couchage de cinq personnes, permettent de loger environ 400 détenus dans un seul et même block. L’isolation y est – comme pour les baraques en briques – inexistante. L’hiver, lorsque les températures atteignent jusqu’à -25°C, les températures au sein des blocks sont à peine positives. Les systèmes de chauffage ne suffisent pas à chauffer l’ensemble de la structure.

Baraque en bois dans le camp d’Auschwitz II Birkenau. © Matthieu Mugneret

Les conditions de vie et sanitaires

A Auschwitz, et malgré des moyens incontestablement limités, une mauvaise hygiène est un prétexte permettant aux chefs de block, kapos et SS, d’infliger de sévères punitions aux détenus. Ainsi, ils doivent se présenter à l’appel munis de vêtements propres et conformes, qu’ils ne changent pourtant jamais, mais doivent aussi se présenter rasés et le corps propre.

L’appel

L’appel, qui a pour principal objectif de compter les détenus, est obligatoire pour tous les captifs… même les morts. Jusqu’en 1944, la journée est saccadée par trois étapes de ce type : matin, midi et soir. Après cette année, l’appel du midi est supprimé. Avec l’arrivée incessante de nouveaux convois, les divers transferts de détenus, les malades internés à l’hôpital et les morts dissimulés, les effectifs varient constamment et sont bien souvent faux. Ce qui entraîne alors un nouveau comptage qui, pour les prisonniers épuisés, s’avère interminable. A Auschwitz, l’appel le plus long a duré dix-neuf heures.

Qu’importe les conditions climatiques ; sous la pluie, dans le froid polaire ou sous un soleil de plomb, les détenus ont obligation de rester au garde-à-vous – souvent de longues heures – avec interdiction formelle de quitter les rangs. Lorsqu’un individu, à bout de force, vient à s’écrouler, celui est battu par les détenus d’encadrement jusqu’à ce qu’il se relève. Certains ne se relèvent jamais. De fait, les appels font beaucoup de morts. Ayant l’obligation de participer aux comptages, les morts de la journée ou de la nuit sont allongés dans les rangs, à côté des autres détenus, après quoi les corps sont transportés jusqu’aux morgues et crématoires.

Pour les SS, l’appel est un moment privilégié pour procéder aux sélections. Les personnes jugées trop malades ou trop épuisées sont directement envoyée dans les chambres à gaz, mais il arrive aussi qu’elles soient exécutée publiquement par pendaison ou par plusieurs coups mortels.

L’appel du soir est terminé. Pour une raison quelconque, un bloc entier est puni. Il lui faudra rester debout près du fil de fer barbelé presque toute la nuit. Un SS dit à l’une des détenues : “Cours !” et l’abat d’une balle. Un autre bloc est à genoux pour un temps indéterminé. Un jeune SS, un couteau à la main. Il fait aligner un commando de détenues contre le mur. Il utilise cette cible vivante. Le couteau doit pénétrer dans le mur entre deux têtes. C’est un jeu excitant et hautement divertissant.

Témoignage d'Adélaïde Hautval

Médecine et crimes contre l'humanité

Se laver

A Auschwitz I, et durant les premiers temps de fonctionnement du camp, les détenus ne disposent que de deux puits situés à l’extérieur des blocks. Après agrandissement, les rez-de-chaussée de chacun des blocks d’habitation sont finalement équipés de grands lavabos en long, dotés de 42 robinets. Ces équipements, que près de 750 détenus – au minimum – doivent se partager, demeurent cependant bien insuffisants pour assurer une hygiène, ne serait-ce qu’acceptable.

Durant les premiers mois de Birkenau, les détenus n’ont d’autres choix que de se laver et de nettoyer leurs vêtements dans les flaques d’eau boueuses présentes entre les blocks. L’eau courante y est encore presque inexistante. Petit à petit, ces conditions changent après la mise en service de bâtiments équipés de lavabos, mais restant très largement insuffisants par rapport au nombre de détenus présents. L’eau qui s’y écoule est bien souvent crasseuse, elle n’est jamais potable et lorsque les températures glaciales font leur apparition, les tuyaux sont régulièrement gelés, rendant de fait l’eau indisponible.

Satisfaire les besoins naturels

A partir de 1941, les latrines provisoires sont remplacées par des urinoirs et des toilettes assis aux rez-de-chaussée des blocks d’Auschwitz I. Leur nombre reste cependant bien insuffisant par rapport au nombre de captifs. Durant les premiers mois de Birkenau, les détenus doivent satisfaire leurs besoins dans des fossés creusés à l’arrière des baraques. Il arrive que des SS poussent des détenus au fond de ces derniers qui, bien souvent épuisés et incapables de remonter, finissent par s’y noyer.

Au fur et à mesure de l’agrandissement de Birkenau, des baraques équipées de latrines et de lavabos remplacent les fossés. Ici encore, ces aménagements ne sont pas assez présents en nombre et l’hygiène s’en retrouve inévitablement détestable.

Dans l’ensemble des camps d’Auschwitz, l’accès aux sanitaires est réglementé à des périodes bien définies : avant et après le travail et pendant un temps très court. C’est ainsi que ces étapes de la journée se font au pas de course.

Reconstitution de latrines dans une baraque en bois du camp d’Auschwitz II Birkenau. © Matthieu Mugneret

Les repas

Chaque jour, trois repas sont distribués aux détenus. Le matin, ils reçoivent un demi-litre d’une eau teintée appelée “thé” ou “café”. Le midi, un litre de soupe, infecte la plupart du temps car composée de choux et de pommes de terre périmés. Le soir, un breuvage sensiblement similaire à celui du matin accompagne un morceau de pain noir de 200 à 300 grammes, parfois une tranche de saucisson ou une petite cuillère de margarine, seules nourritures consistantes de la journée. Cette dernière ration doit permettre aux détenus de tenir jusqu’au lendemain, mais bien souvent, elle est mangée en quelques secondes, soit pour assouvir une faim que ne le sera jamais, soit par crainte de se la faire voler au cours de la nuit.

Les conditions de vie, ajoutées à celles du travail imposé, rendent évidemment ces rations bien insuffisantes. Inévitablement, les détenus s’épuisent et meurent par milliers. Jusqu’à la libération du camp, la nourriture se fera même encore plus rare à cause des difficultés d’approvisionnement et de la surpopulation des camps. La ration quotidienne d’un déporté est d’environ 1 800 calories, soit à peine les deux tiers de ce qu’il aurait besoin pour supporter les conditions et le rythme des journées. Comme certains kapos prélèvent une part du ravitaillement et que certains prisonniers se volent mutuellement, il n’est pas rare que des détenus se retrouvent avec moins de 1 000 calories par jour.

Les captifs, en quelques jours seulement, n’ont rapidement plus que la peau sur les os, les muscles ont fondu, et ne pèsent en moyenne pas plus que 35 kilos. D’aucuns sont d’une extrême faiblesse, plus que jamais aux portes de la mort. A Auschwitz, dans le jargon du camp, ces détenus sont appelés les “musulmans”, allusion probable à la façon dont, agonisants, ils se balancent d’avant en arrière, comme pour la prière.

Les maladies

La surpopulation des baraques additionnée à l’impossibilité de bénéficier d’une réelle hygiène de vie, favorise la propagation de parasites, de maladies infectieuses, internes ou cutanées. Un tel nombre qu’il est impossible de toutes les énumérer. A certaines périodes, et malgré la présente de camps-hôpitaux – qui ne le sont en réalité que dans le titre – les propagations sont telles que les morts se comptent par milliers.

Les poux

Les invasions de poux – permanentes – donnent lieu à des épouillages ordonnés par les autorités du camp. Avant de se doucher, événement bien rare, les détenus doivent entièrement se déshabiller afin de remettre leurs tenues à la désinfection. Attendant nus à l’extérieur des blocks, peu importe la saison, ces épouillages deviennent finalement une étape mortelle pour nombre de prisonniers dont les organismes sont déjà terriblement affaiblis.

Le Typhus

Le typhus est une maladie contagieuse, directement causée par une bactérie transmise par les poux. Ces symptômes se traduisent par une très forte fièvre et par l’éruption cutanée de plaques rouges. La maladie, qui se répand à très grande vitesse – notamment dans le camp des femmes – attaque ensuite le système nerveux, les vaisseaux sanguins et le cœur.

En l’absence d’antibiotiques, la survie des malades ne peut dépendre que de la résistance de leur propre organisme. De mai à décembre 1942, les SS délivrent 24 000 actes de décès attribués au typhus. Pour éradiquer l’épidémie, le plus simple aurait été d’améliorer les conditions d’hygiène des camps. Au lieu de ça, les SS optent pour des méthodes bien moins efficaces, comme par exemple l’organisation de grandes campagnes d’extermination des poux, en faisant plonger les détenus dans des cuves de solution chlorées.

Inévitablement, l’épidémie continue de circuler et les hôpitaux se remplissent inlassablement de détenus. Pour en diminuer le nombre, une partie du personnel médical nazi injecte aux patients diverses substances, de façon totalement expérimentale, dans l’unique but de les euthanasier.

La dysenterie

Maladie infectieuse et hautement contagieuse, elle se traduit par de violentes et très douloureuses diarrhées. Touchant de nombreux détenus, certains doivent se lever – lorsqu’ils en trouvent la force – jusqu’à vingt, trente, cinquante fois par nuit pour aller se “soulager” jusqu’au seau du block. L’accès aux latrines étant interdit la nuit. De fait, les lits situés au troisième niveau sont fortement disputés entre les prisonniers, les paillasses n’étant pas étanches. Evidemment, cet infernale rythme imposé par la maladie se poursuit au travail, mais il permet néanmoins aux prisonniers, d’une certaine façon, de bénéficier d’un court temps de pause.

Le temps libre

Après une journée de travail, une fois l’appel du soir passé, les détenus peuvent bénéficier d’une période de temps libre. S’ils en trouvent encore la force, ils peuvent aller rencontrer d’autres prisonniers, internés dans d’autres baraques. Certains en revanche, préfèrent se rendre à l’hôpital du camp pour soigner les nombreuses blessures causées par le travail ou par les gourdins des kapos. Rares sont ceux qui y sont admis.

En principe, le dimanche est un jour non travaillé. En principe seulement. Car certains kommandos extérieurs doivent malgré tout aller travailler, pendant que les autres sont chargés de nettoyer les baraques, réparer et laver leurs vêtements, se raser, se tondre les cheveux…

Néanmoins, il y a tout de même bien quelques minutes étant libres au sein des camps. Ainsi, les détenus peuvent se reposer, mais d’autres préfèrent profiter de ce temps si précieux pour “s’organiser“.

“Organiser”

Dans le jargon d’Auschwitz, “organiser” consiste d’une certaine manière à tenter d’améliorer son quotidien grâce au troc et au vol. Ces deux activités étant bien sûr jugées illégales par les autorités du camp, elles ne sont donc pas sans risques. Mais chacun peut en profiter… jusqu’aux SS eux-mêmes.

A vrai dire, il n’y pas de moment prédéfini pour “s’organiser”. Le vol est une question de tous les jours, notamment pour ceux qui travaillent dans certains kommandos, avantageux à cette activité. C’est par exemple le cas du kommando du Canada qui, permettant aux travailleurs de dénicher discrètement nourriture, bijoux, montres, cigarettes, vêtements chauds… dans les bagages abandonnées de force pour les nouveaux arrivants. A ce même titre, le kommando des cuisines présente lui aussi bien des avantages pour voler.

Si certains de ces objets ne peuvent à premier abord présenter aucune utilisé sur le camp ou pour la survie, quelques-uns sont cependant très demandés au marché noir, pouvant atteindre une valeur inestimable.

Les plus débrouillardes s’organisent. Le soir, en rentrant, nous sommes fouillées au hasard, on nous sort du rang, on nous demande de nous déshabiller. Si quelques chose tombe, ils nous battent à mort, pour l’exemple, puis nous changent de commando. Evidemment, ils ne peuvent pas fouiller tout le camp. C’est à nos risques et périls. A mon poste, je ne peux rien organiser. Mais par le “bouche-à-oreille”, j’entends parler d’un marché noir, après l’appel et juste avant le couvre-feu, ce moment où l’on peut faire un peu ce qu’on veut. […]

Mon écuelle, de la décroche contre une tranche de saucisson. La fille, au début, veut aussi ma margarine. Impossible car il me faut aussi une ficelle pour tenir l’écuelle, autrement elle sera “organisée” à son tour. Un instant d’inattention, une fille passe, l’organise.

Témoignage de Ginette Kolinka

Retour à Birkenau

Le marché noir

A Auschwitz, qui sait “s’organiser” peut prétendre à bénéficier des avantages, mais aussi des risques, du marché noir. Il s’agit ainsi de pouvoir accéder à des valeurs que seules les autorités du camp ne peuvent – normalement – profiter, grâce à un troc évidemment clandestin. Au sein des différents camps, de véritables bourses d’échange se mettent en place, permettant aux détenus d’échanger et d’acquérir différentes valeurs précieuses. Certaines comme le pain, le tabac ou l’alcool, jouissent d’une demande si forte qu’elles en deviennent une véritable monnaie d’échange.

De manière furtive, les prisonniers s’échangent ainsi de la nourriture du camp ou de la nourriture dite de contrebande, obtenue sur les kommandos extérieurs. Tout objet ou valeur peut alors faire l’objet d’une transaction, du moment que preneur est trouvé : tabac, vêtements, médicaments, ou même une simple écuelle, fabriquée artisanalement.

Partout, le marché noir n’est un secret pour personne, bien qu’il soit répréhensible. De fait, il profite à toute la population – certes de manière inégale – présente sur le territoire d’Auschwitz : travailleurs civils, prisonniers, kapos et même aux SS eux-mêmes qui y voient là une manière de s’enrichir personnellement.

Le travail et

les usines d’Auschwitz

Au plus profond du système et de l’idéologie nazie, le travail est un instrument sensé permettre la rééducation des détenus. A Auschwitz-Birkenau, comme dans les autres camps de concentration et de mise à mort, le travail est au même titre que les chambres à gaz un moyen d’anéantissement.

L’organisation du travail

Au printemps et en été, une journée débute autour de six heures et se termine entre 18h et 19h00 et entre 16h et 17h00 à l’automne et en hiver. Pour prévenir tout risque d’évasion, les kommandos ne peuvent travailler dans la nuit. Le midi, les détenus ont le droit à un temps de pause de plus ou moins une heure, sans cependant rejoindre leurs baraques. Ainsi la journée, hormis la présence des kommandos travaillant à l’intérieur du camp et ceux qui travaillent dans les équipes de nuit, les camps sont vidés de leurs captifs.

Les kommandos

À Auschwitz, un kommando est un groupe de travailleurs, une unité de détenus affectés à différents travaux. Leurs nombres, comme leurs tailles, varient en fonction de l’évolution exponentielle du camp. Ces groupes se composent ainsi de moins de dix personnes jusqu’à un millier pour les plus gros kommandos et permettent finalement au camp d’être autonome dans bien des domaines.

Au tout début d’Auschwitz, les détenus travaillent principalement à la transformation de la caserne en un véritable camp de concentration – plusieurs nouveaux bâtiments sont construits. Par la suite, ils sont affectés à la démolitions de certains bâtiments des civils expulsés, de la construction d’usines, comme celle de l’IG Farben, de l’agrandissement continuel du camp mais aussi de travaux agricoles et d’élevage comme à Raïsko ou Budy.

Bien entendu, les détenus ne peuvent choisir leur kommando d’affectation. Ils ne peuvent donc compter que sur la “chance”, car à Auschwitz, le sort d’un travailleur, en outre mot, ses chances de survie, dépendent principalement de son groupe de travail. Certains kommandos sont alors plus désirés que d’autres : notamment ceux d’intendance et de services. Les prisonniers eux même les appellent les “bons kommandos”, car le travail est moins pénible ou s’exécute dans de meilleures conditions, c’est le cas de la cuisine, des entrepôts ou des bureaux.

Le Sonderkommando

A Auschwitz-Birkenau, le Sonderkommando est un groupe d’hommes – la plupart du temps composé de détenus juifs – contraint par les SS à travailler dans les crématoires du camp.

Le Sunderkommando est créé dès l’été 1940, dans le camp principal d’Auschwitz I. Au début, il est composé de plusieurs équipes, chargées de transporter les corps des détenus fusillés vers la morgue. En 1941, une fois la morgue transformée en chambre à gaz et après les premiers gazages réalisés, les membres du kommando doivent incinérer les corps dans le crématoire I.

A partir de 1942, le Sonderkommando est transféré à Birkenau. Par différents groupes, certains ont pour mission d’accueillir les nouveaux déportés et de les diriger vers les salles de déshabillage, alors que d’autres participent aussi au tri et au transport des valeurs laissées sur les rampes par les arrivants, jusqu’aux entrepôts du Canada. Une fois les victimes assassinées dans les chambres à gaz, d’autres sont chargés de couper les cheveux des cadavres ou bien d’extraire les potentielles dents en or de leurs mâchoires. Les cheveux sont par la suite revendus à des entreprises allemandes pour la production de tissu, et l’or elle, est refondue en lingots.

Dans les bunkers I et II, d’autres hommes sont chargés de transporter les corps jusqu’aux fosses communes. Cependant, à l’automne 1942, ils reçoivent l’ordre de les déterrer et de les brûler – avec d’autres nouvelles victimes – sur des bûchers.

Après leurs mises en service, des équipes du Sonderkommando sont affectées aux crématoires II et III. Elles ont pour principale mission de placer les corps sur des monte-charges afin de les transporter des chambres à gaz, situées au sous-sol, jusqu’aux fours du rez-de-chaussée.

Régulièrement assassinés par les SS pour qui aucun d’eux ne doit survivre, l’effectif du Sonderkommando est variable ; en juillet 1942, entre 300 et 400 hommes travaillent dans les bunkers I et II. Ce chiffre monte jusqu’à plus de 900 détenus à l’été 1944, au moment de l’extermination des Juifs de Hongrie.

Dans un premier temps, ce kommando spécial est logé dans une baraque isolée du camp B1b, puis dans la baraque 13 du camp B2d, elle aussi séparée des autres par une clôture. Craignant une révolte de leur part, les SS décident, en juin 1944, de les transférer dans les combles des crématoires II et III.

La révolte du Sonderkommando

Le 7 octobre 1944, à midi, les hommes du Sonderkommando affectés au crématoire IV, attaquent et les SS et mettent le feu au bâtiment, grâce à des explosifs volés par des femmes du kommando travaillant à l’usine de l’Union Werke. Cet incendie marque le signal d’un soulèvement général du kommando. Ainsi la révolte gagne le crématoire II, mais celle-ci est rapidement écrasée par les SS qui, dans un même temps, empêchent toute action similaire dans les autres crématoires du camp.

Certains hommes du crématoire IV parviennent tout de même à franchir les clôtures du camp. En fuite, ils atteignent même Raïsko (voir carte), avant de se faire reprendre au cours d’une véritable chasse à l’homme organisée par les SS. Les fours du crématoire IV, trop endommagés par l’attaque, n’entreront plus jamais en service et le bâtiment sera finalement détruit. Si trois SS sont tués au cours de cette révolte, le Sonderkommando déplore la perte de 450 hommes.

Quelques usines et sous-camps d’Auschwitz

Plusieurs milliers de détenus sont exploités par des entreprises allemandes, dans leurs propres usines, désormais implantées à Auschwitz. Le camp de concentration représente une main d’œuvre bon marché et surtout, inépuisable. Souvent, les prisonniers travaillent avec des civils polonais ou allemands, leur permettant ainsi de glâner quelques informations extérieures, comme les actualités de la guerre, ou bien de procéder à du troc pour le marché noir.

IG Farben

IG Farben est un groupe chimique allemand, fondé après la fusion des entreprises Bayer, Agfa et BASF, en 1925. En 1930, le groupe assure un monopole presque total de la production chimique mise au service de l’économie de guerre du Troisième Reich.

Isolée des pays d’outre-mer après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, IG Farben est d’une importance capitale pour l’Allemagne nazie qui ne peut plus importer certaines matières. Ainsi, le groupe chimique doit produire – entre autres – du carburant liquide et du caoutchouc synthétique. Dans cette dernière tâche, elle rencontre cependant de nombreux échecs.

A Monowitz, environ 80 entreprises profitent de la main d’œuvre exploitée que IG Farben met à leur disposition.

L’usine IG Farben, située à proximité du camp de Monowotz (Bundesarchiv_Bild_146-2007-0056,_IG-Farbenwerke_Auschwitz)

Union-Werke

Située à proximité du camp d’Auschwitz I, dont la construction débute en 1943, l’usine d’Union-Werke est spécialisée dans la fabrication de détonateurs d’obus d’artillerie. L’entreprise emploie un grand nombre de kommandos. En décembre 1943, ils sont 717 hommes et 506 femmes.

On “participait à l’effort de guerre” tout en priant pour qu’ils se prennent une raclée. […]

Pendant un temps, à l’usine, j’ai été affectée à l’équipe de nuit. C’était très dur. Les plaies sur mes bras et mes jambes ne se refermaient pas. Nous étions surveillées par des civils. Aucun n’avait la cruauté des soldats allemands. Ce n’est pas qu’ils étaient bons, mais ils n’étaient pas capables d’aller aussi loin dans la brutalité. Ca demande un entraînement, la méchanceté. Une nuit, un surveillant, me voyant vaciller, m’a laissée m’asseoir sur un tabouret. C’est ça, le facteur chance. Une nuit assise pour reprendre des forces et sans laquelle, peut-être, on ne survivrait pas un jour de plus.

Témoignage de Julia Wallach

Dieu était en vacances

Vestiges de l’usine Union Werke, située à quelques centaines de mètres du camp d’Auschwitz I. © Matthieu Mugneret

Deutsche Aursüstungswerke

La Deutsche Aursüstungswerke (DAW), est une entreprise SS fondée en 1939 dans l’objectif d’exploiter en main d’œuvre, les détenus des nombreux camps de concentration allemands. Une usine est ensuite construite à proximité d’Auschwitz I, spécialisée dans la fabrication de pièces de menuiserie et de caisses d’obus d’artillerie. En 1942, près de 700 détenus y sont exploités.

En 1943, des ateliers de textiles sont créés, n’employant presque que des femmes, dont l’activité première consiste à transformer des matériaux de rebut en cordes et ceintures. En octobre 1943, une nouvelle usine est construite à proximité de Birkenau : la Zerlegebetrieb. Placée sous l’administration de la DAW, elle est spécialisée dans le démontage des avions allemands endommagés ou mis hors-service.

Au total, près de 3 000 détenus travaillent dans les locaux de la DAW.

Vestiges de l’usine Deutsche Aursüstungswerke, située à quelques centaines de mètres du camp d’Auschwitz I. © Matthieu Mugneret

Raïsko

Après l‘expulsion de la majorité des habitants du village de Rajsko, les Allemands mettent en service l’un des premiers sous-camp dédiés à l’agriculture, au printemps 1941. Au début de son fonctionnement, les détenus doivent s’y rendre chaque jour à pied depuis Auschwitz I et Monowitz. A partir du mois de juin 1943, deux kommandos de culture et de jardinage, composés de femmes, s’installent dans le sous-camp après la construction de cinq baraques.

La plupart des détenues sont des Polonaises, bien que l’on trouve également des Françaises, des Russes et des Yougoslaves. Beaucoup sont diplômées en biologie, en agronomie ou en chimie. Le premier kommando est dédié à la culture de légumes et de fleurs sous serre et dans les champs environnants. Les SS et leurs familles, ainsi que les ouvriers civils, peuvent s’y rendre pour acheter certaines productions. Enfin, le second kommando est lui dédié à la culture d’une plante asiatique à des fins expérimentales, dont l’objectif est d’obtenir du caoutchouc après diverses manipulations dans le laboratoire construit à cet effet.

Babitz

Créé dans le village de Babice – après expulsion de la population locale – au printemps 1943, près de 400 détenus hommes et femmes sont logés dans le bâtiment de l’ancienne école pour participer à des travaux d’agriculture. Placés sous bonne garde, les femmes sont affectées à la traite des vaches et à la culture des légumes pendant que les hommes se chargent d’entretenir les terrains et de s’occuper des chevaux. Ils doivent néanmoins les remplacer eux-mêmes à partir du printemps 1944, après que ces derniers aient été réquisitionnés par l’armée allemande.

Budy

Budy est un autre sous-camp dédié à l’agriculture. Créé en 1941, l’exploitation s’agrandit au fur et à mesure, permettant de loger sur places les détenus qui, jusqu’à présent, doivent marcher plus de 5 kilomètres depuis les camps principaux pour s’y rendre. En 1944, près de 500 captifs travaillent dans les champs, à l’élevage de porcs, de brebis, de vaches et de chevaux.

Harmense

Situé à deux kilomètres de Birkenau, Harmense est constitué de deux sous-camps, aménagés dans le village du même nom. Le premier entre en service au cours du mois de décembre 1941, dans lequel les détenus sont chargés d’élever des volailles et des lapins et de participer à l’entretien des étangs à poissons. En juin 1942, les travailleurs forcés sont déplacés à l’intérieur même du village et sont remplacés par d’autres détenus sur leur précédent emplacement, formant ainsi le deuxième sous-camp. A l’été 1943, les hommes sont envoyés à Budy et les femmes, seules, doivent assurer l’activité d’Harmense jusqu’en 1945.

Jawischowitz

A l’été 1942, 150 détenus sont affectés à l’extraction de houille, dans deux mines situées à proximité du village de Jawiszowice. En juin 1944, l’effectif du sous-camp s’élève à 2500 hommes, faisant de lui l’un des plus importants d’Auschwitz. Epuisés par le travail, les travailleurs forcés sont régulièrement la cible de nombreuses sélections, avant d’être envoyés dans les chambre à gaz par les médecins SS.

Les conditions de travail

Au sein des différents kommandos, l’efficacité au travail des détenus est assurée et contrôlée par les SS mais aussi par les détenus d’encadrement : les kapos. Répondant aux ordres, mais aussi souvent de manière zélée, ceux-ci imposent un rythme et une cadence infernale – souvent mortelle – sans nourriture et sans eau, les pauses étant proscrites. Il est vrai cependant que certains chefs accordent des pauses inévitablement nécessaires aux captifs touchés par la Dysenterie.

Im Laufschritt” ! (en courant !). Tel est l’ordre le plus fréquemment donné aux détenus, contraints donc à effectuer leurs tâches de manière rapide. Ceux qui, trop lent ou maladroits – de par une vitesse excessivement imposée – reçoivent de sévères coups, dégénérant parfois en bastonnade. En revanche, certains travailleurs appartenant à des kommandos placés sous la responsabilité de travailleurs civils, profitent souvent de conditions meilleures, bien qu’elles restent tout de même très difficiles.

La libération d’Auschwitz

Plusieurs semaines avant la libération d’Auschwitz, les détenus entendent avec un certain enthousiasme – mêlé de craintes – les tirs lointains des canons de l’armée soviétique. Depuis le débarquement allié du 6 juin 1944 en Normandie – ouvrant un nouveau front à l’ouest – et le lancement de l’opération Bagration par l’Armée rouge, à l’est, les nazis vivent une débâcle majeure partout en Europe.

La contre-offensive soviétique

Le 2 février 1943, après six mois de combats acharnés, les forces soviétiques parviennent à repousser l’envahisseur nazi, grâce à une incroyable et étonnante contre-offensive à Stalingrad. Bien que l’Armée rouge déplore la perte de 200 000 soldats, de l’autre côté, 140 000 Allemands sont tués et 95 000 capturés. Ainsi la victoire change de camp.

Après le débarquement de Normandie, en 1944, Staline mobilise près de deux millions d’hommes et lance – après avoir libéré l’Ukraine – l’opération Bagration, dont l’objectif est de chasser l’occupant de Biélorussie, avant d’entamer une marche ininterrompue en direction de Berlin. Face à cette débâcle militaire qui se dessine, les SS commencent à évacuer 65 000 prisonniers vers d’autres camp du Reich, au cours de second semestre de l’année 1944.

Le 12 janvier 1945, les forces soviétiques lancent une nouvelle offensive dévastatrice pour les nazis, enfonçant les défenses allemandes, pendant que la 60e armée reçoit l’ordre de libérer Cracovie ; chose faite le 19 janvier.

L’Armée rouge prend alors la direction d’Auschwitz, signalée comme un objectif important pour ses installations ferroviaires. Si l’existence du camp est déjà connue des Alliés, les soldats qui s’y rendent, eux, ne sont pas informés de la présence d’un tel complexe concentrationnaire et de mise à mort.

L’évacuation du camp

Le 17 janvier 1945, le dernier appel de l’histoire du camp se termine. Au total, 67 012 détenus sont encore présents dans les camps principaux ainsi que dans les sous-camps ; 48 340 hommes et 18 672 femmes.

Face à l’inexorable avancée de l’Armée rouge, les autorités du camp décident – en urgence absolue – d’évacuer les détenus jugés aptes au travail vers d’autres camps de concentration, situés à l’intérieur même des frontières du Troisième Reich. A la hâte, les détenus d’encadrement distribuent d’importantes rations aux détenus, tout en perdant significativement leur sens de la cruauté. L’évacuation de près de 56 000 prisonniers débute dans la nuit du 17 au 18 janvier 1945 et se poursuit jusqu’au 21 suivant.

Derrière eux, les SS laissent 9 000 détenus malades. Certains sont jugés intransportables, d’autres parviennent à se cacher pour attendre l’arrivée des libérateurs. Néanmoins et de façon aléatoire, les nazis reviennent au camp pour liquider les détenus qu’ils trouvent. Au total, 700 prisonniers sont assassinés, dont 300 à Birkenau même. Pour les autres, débutent alors les terribles marches de la mort.

On nous explique qu’il s’agit d’un dégagement total, d’un repli collectif sur un autre camp en Allemagne. On ne nous dit pas dans quelle direction. Les kapos n’en savent rien. Nous avons l’audace de les interroger et nous sommes surpris de leur bienveillance. Voilà que les bourreaux discutent avec leurs victimes ! Eux qui nous rouaient de coups, ils ne lèvent pas leur matraque, ils ne nous insultent pas. Ils condescendent à se laisser questionner et ils s’abaissent à nous répondre. Les brutes ont peur. Peur de tomber aux mains de l’ennemi, dont l’avance est foudroyante, et d’avoir à répondre de leurs crimes. Mais peur aussi, dans cette immense débâcle, de perdre leur situation privilégiée, de se voir subitement désarmés et exposés aux représailles des détenus. Jetés hors des camps où ils régnaient, les kapos risquent de n’être plus rien.

Témoignage de Sim Kessel

Pendu à Auschwitz

Les marches de la mort

Pour éviter toute tentative de rébellion, les détenus sont partagés en plusieurs groupes, sous la garde des SS, et quittent le camp à pied, sous la neige et dans un froid polaire. Bon nombre des prisonniers se dirigent vers l’ouest, sur deux itinéraires principaux, longs d’une soixantaine de kilomètres. La plupart se rendent à Loslau et à Gleiwitz – à environ 60 kilomètres de marche – où ils sont chargés dans des wagons – souvent dépourvus de toits – pour prendre la direction de l’Allemagne. D’autres captifs sont cependant contraints de marcher jusqu’à leur camp de destination, parcourant plus de 250 kilomètres à pied.

Au cours de ce long trajet, près de 14 000 évacués trouvent la mort ; soit par le froid, après une nuit passée à dormir dans la neige ou à l’air libre des wagons, soit par les armes des SS, qui assassinent les détenus épuisés et qui ralentissent la marche ou qui tentent de prendre la fuite.

Les survivants sont alors transférés dans différents autres camps de concentration, dans des conditions inimaginables, au cœur de la désorganisation nazie qui annonce certes la fin prochaine de la guerre, mais qui fait encore des milliers de morts par manque de nourriture et par épuisement au travail.

 

Il fallu avancer durant treize interminables journées dans l’hiver glacial, la faim, l’épuisement et la peur. Il fallut tenir et tenir encore, en économisant les moindres parcelles d’énergie. Et surtout, veiller à ne pas ralentir le rythme, car les soldats abattaient sans pitié celles qui s’attardaient en queue de colonne ou s’arrêtaient pour arracher à la hâte des herbes ou des pissenlits ; et le corps des victimes demeurait abandonné dans un paysage hostile où nul ne graverait leur nom sur aucune sépulture. […]

Un matin, en me réveillant dans la neige, je m’aperçus que j’étais entourée de cadavres. La plupart de mes camarades étaient mortes de froid et d’épuisement au cours de la nuit.

Témoignage de Madeleine Goldstein

On se retrouvera

Puis nous sommes montés dans des trains composés de simples plates-formes sans abri, destinées au transport de bois. Il neigeait, il faisait froid, il n’y avait rien à manger, rien à boire. Beaucoup y sont morts. Nous sommes alors repartis pour un trajet de huit jours, dans des conditions de dénuement absolu. Huit jours quasiment sans nourriture, exposés au froid. Nous sommes arrivés dans les faubourgs de Prague, et lorsque la voie ferrée se rapprochait des immeubles, les gens nous jetaient du pain depuis les balcons… Ce pain échouait le plus souvent sur le ballast, mais il nous arrivait d’en recevoir. Après le passage de la frontière autrichienne, personne ne nous a plus lancé de pain.

Témoignage de Simone Veil

L'aube à Birkenau

L’arrivée des soviétiques à Auschwitz

Le 27 janvier 1945, deux divisions de la 60e armée soviétique du premier front ukrainien – composée d’environ 42 000 soldats russes et de 38 000 soldats ukrainiens – entrent dans la ville d’Oswiecim (Auschwitz). Dans la matinée, les soldats atteignent et occupent le camp de Monowitz et découvrent finalement Auschwitz I et Birkenau dans l’après-midi, après des combats autour de la gare, contre des unités allemandes.

Sur place, 7 000 survivants sont découverts dans les camps principaux et dans divers sous-camps du complexe, par les combattants de l’Armée rouge. Une grande partie se trouvent à Birkenau, dont près de 200 enfants de moins de 15 ans. Soignés sur place par des médecins militaires et par la Croix-Rouge polonaise, ils sont ensuite transférés après quelques semaines dans les block du camp principal. Tout au long de la guerre, près de 232 000 enfants ont été déportés à Auschwitz : 216 000 Juifs, 11 000 Roms, au moins 3 000 Polonais, et bien d’autres nationalités encore.

Soldats soviétiques avec des enfants déportés à Auschwitz, après la libération du camp.

Après la libération du camp

Jusqu’en mars 1946, plusieurs prisonniers allemands sont, à leur tour, internés dans le KL Auschwitz. A ce même moment, le nouveau régime polonais annonce déjà sa volonté d’en faire un mémorial.

Au cours du printemps 1946, des milliers de survivants décident de se rendre – libres – sur leur ancien lieu de captivité. Ils se déplacent obsédés par leurs souvenirs, parfois pour chercher les traces d’êtres chers, pour essayer de trouver – souvent en vain – réponses à leurs questions, ou plus simplement pour rendre hommage aux très nombreux disparus.

Dans cette même période, d’anciens détenus proposent, au cœur des blocks, des visites guidées informelles. Au sous-sol de l’un des blocks d’Auschiwtz I, déjà sont exposés des milliers d’objets récupérés dans les camps, des piles de chaussures d’enfants, un nombre incalculable de prothèses de bras ou de jambes et même des montagnes de cheveux.

A travers ces visites, ces anciens déportés cherchent aussi à faire connaître leur histoire et leurs souffrances. Pourtant, il faudra encore attendre plusieurs dizaines d’années, avant que l’humanité ne soit prête à les écouter.

La première fois que Madame Escoffier, la voisine qui nous avait dénoncés, m’a vue, elle m’a dévisagée comme si j’étais un fantôme puis elle a tourné les talons et elle est partie en courant. D’y repenser, j’en ris encore. Pendant des années, on a vécu dans le même immeuble. On se croisait. Je l’ai surprise en train de dire au concierge que je mentais, qu’il ne fallait pas croire un mot de ce que je racontais. En me voyant, elle s’est tue, et j’ai lancé : “Laissez donc les gens se faire leur idée et décider qui croire.”

Témoignage de Julia Wallach

Dieu était en vacances

A notre arrivée, des centaines de personnes étaient massées devant l’hôtel (Lutetia). Elles montraient des photos et demandaient : “Vous n’avez pas rencontré ma mère avec ses trois enfants ?” “Vous n’avez pas rencontré mon père ?” Nous leur disions : “Tout le monde est mort. Ils sont tous passés au gaz.” C’était la vérité. Ceux qui n’étaient pas revenus étaient morts. Les familles ne voulaient pas nous croire. Elles se montraient aussi imbéciles et innocentes que nous à notre arrivée  à Birkenau.

Témoignage de Marceline Loridan-Ivens

C'était génial de vivre

La grosse porte cochère de l’immeuble n’est pas fermée. Dans la cour, la concierge s’exclame : “Oh, Gilbert !” Ca résonne encore dans ma tête, ce prénom. “Ta mère t’attend !” Elle me prend pour mon petit frère, il aurait 13 ans et demi. J’ai les cheveux rasés à cause des poux. La peau sur les os à cause du typhus. […] C’est ma mère qui ouvre : elle me regarde. Est-ce qu’elle pleure ? Je ne sais pas. Moi, je ne pleure plus. Avant la guerre, oui, ça m’arrivait, en lisant la comtesse de Ségur ou au cinéma… Maintenant, je ne pleure plus, je suis un peu dure.

Témoignage de Ginette Kolinka

Retour à Birkenau

Sources et références littéraires

Cette page a été créée après visite personnelle des camps d’Auschwitz, en avril 2022, et après lecture de plusieurs ouvrages et témoignages dont les extraits présentés ici en sont tirés. Vous trouverez la liste de ces livres ci-dessous.

Qu’on imagine maintenant un homme privé non seulement des êtres qu’il aime, mais de sa maison, de ses habitudes, de ses vêtements, de tout enfin, littéralement de tout ce qu’il possède : ce sera un homme vide, réduit à la souffrance et au besoin, dénué de tout discernement, oublieux de toute dignité : car il n’est pas rare, quand on a tout perdu, de se perdre soi-même ; ce sera un homme dont on pourra décider de la vie ou de la mort le cœur léger ; sans aucune considération d’ordre humain, si ce n’est, tout au plus, le critère d’utilité. On comprendra alors le double sens du terme “camp d’extermination” et ce que nous entendons par l’expression “toucher le fond”.

Primo Levi

Si c'est un homme

Sources et références

A propos de cette page

Cette page, rédigée par mes propres soins et agrémentée de certaines de mes photographies, a été construite avec sérieux et rigueur. Néanmoins et malgré toute ma vigilance, il est possible qu’une potentielle erreur se soit glissée dans l’un des nombreux paragraphes présentés ici. Si tel est le cas, merci de me contacter afin de corriger le plus rapidement possible.

Aussi, le lecteur doit comprendre qu’une seule et unique page internet ne suffira jamais à expliquer l’histoire complète d’Auschwitz. Malgré sa longueur, elle ne traite ici que de façon synthétique l’histoire et le passé du camp et des déportés.

De par sa taille, sa complexité et son évolution constante, l’organisation générale du camp à régulièrement changée, tout comme celle des détenus. Ainsi, certains faits expliqués ici peuvent ne pas correspondre à certains témoignages que vous avez vu ou entendu. Car les vérités d’une période ne sont pas forcément celles d’une autre durant tout le fonctionnement du KL Auschwitz.

Il n’y a pas une histoire d’Auschwitz. Il y a plus d’un million.

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