Qu’est-ce que la loi d’habilitation ?
23 mars 1933
La loi d’habilitation, ou loi des pleins pouvoirs, est un texte voté par le Reichstag le 23 mars 1933, permettant à Hitler d’obtenir des pouvoirs presque illimités, pour une durée théorique de 4 ans. Si les nazis prétendent mener une “révolution légale”, en respectant les institutions de l’État, les faits montrent pourtant bien le contraire. En réalité, la loi d’habilitation est votée dans un climat intimidant et à l’aide de méthodes non démocratiques.
Avant le vote de la loi d’habilitation, Hitler prononce un discours de deux heures trente face au Reichstag.
Vers le vote de la loi d’habilitation
Le vote pour les pleins pouvoirs s’inscrit dans le contexte de l’accession du nazisme au pouvoir. Nommé Chancelier deux mois plus tôt, Hitler entraîne rapidement l’Allemagne vers une dictature. Après l’incendie du Reichstag, le décret d’urgence pour “la protection du peuple et de l’État” permet déjà l’abolition des libertés fondamentales. A l’issue des élections législatives du 5 mars, et bien qu’il bénéficie d’une majorité stable au Reichstag, le parti nazi souhaite désormais s’assurer d’une totale liberté d’action politique.
Pourquoi Hitler veut les pleins pouvoirs ?
Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, Hitler cherche de manière certaine à établir une dictature au détriment de la République de Weimar. En faisant voter la loi d’habilitation par le Reichstag, il obtiendrait ainsi des pouvoirs presque illimités, lui permettant d’adopter de nouvelles lois fidèles à l’idéologie nazie et qui, surtout, seraient susceptibles d’abolir la démocratie parlementaire et l’État de droit. En somme, elle permettrait à Hitler de gouverner par décret, c’est-à-dire sans aucune procédure parlementaire. Cependant pour l’heure, toutes les barrières démocratiques ne sont pas encore tombées.
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Comment Hitler obtient les pleins pouvoirs ?
En effet et puisque celle-ci modifie la constitution, l’adoption d’une telle loi – naturellement pas sans conséquence – nécessite une majorité des deux tiers de la chambre des députés (le Reichstag), soit 432 votes favorables sur les 647 possibles. En l’état, une issue favorable pour Hitler reste incertaine. Pour déjouer ce pronostique, les nazis utilisent leurs meilleures armes ; intimidations, manipulations et fausses promesses.
Manipulation des chiffres et intimidation de l’opposition
Cependant, les chiffres énoncés ci-dessus ne sont en réalité pas bons. Car depuis l’instauration du décret pour “la protection du peuple et de l’État”, 81 députés communistes sont déjà derrière les barreaux ou tentent de fuir les persécutions. Naturellement absents ce jour, le nombre de voix “pour” à atteindre, tombe à 378.
En revanche, pour le reste de l’opposition de manière générale – l’atmosphère régnante au sein du Reichstag est particulièrement menaçante. Dans le Kroll Opera de Berlin, où se tiennent désormais les séances du Reichstag depuis l’incendie du 27 février, Hitler se présente d’une allure impérieuse, sous les acclamations démesurées des députés nazis, tous en uniforme. Dorénavant, une croix gammée géante domine la chambre parlementaire, elle-même cernée de SA ou de SS en armes. Selon Ian Kershaw, ces hommes doivent alors donner une certaine idée de ce qui peut suivre, dans le cas où le vote pour la loi d’habilitation ne remporterait pas suffisamment de voix.
Discours et fausses promesses
Malgré ces nombreuses formes d’illégalité, les conservateurs centristes présents au Reichstag – essentiellement représentés sous l’étiquette Zentrum – ne font aucune objection. Peut-être sont-ils encore sous le charme du jour de Potsdam mais surtout, des discussions et des accords ont en réalité déjà été établis avec le Chancelier.
Pour s’assurer du soutien de l’Église catholique, Hitler dissimule naturellement les véritables objectifs de la loi. Il prétend que sa finalité n’a que pour buts d’agir sur les leviers économiques du pays. Pour ce qui est du Zentrum, il accepte d’instituer une commission parlementaire, chargée du contrôle des lois à adopter.
Ce 23 mars 1933, Hitler entame un discours, long de deux heures et demie. Dans celui-ci, il promet que le Reichstag et le Reichsrat ne seront pas menacés dans leur existence. Il assure également que la position et les droits de la présidence resteront en l’état et que les droits des églises ne seront pas réduits. Seul Otto Wels, chef de file du SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne), trouve le courage de prendre la parole, rappelant les principes d’humanité, de justice et de liberté, chères au cœur des sociaux-démocrates. En vain.
Toutes les promesses formulées par Hitler ne sont bien entendu que du vent. Sous peu, elles seront vite passées à la trappe. Pour l’heure en revanche, leurs effets sont significatifs. Au bout du compte, les nazis parviennent à s’assurer d’un soutien parlementaire favorable à l’adoption de la loi des pleins pouvoirs.
Résultat du vote de la loi des pleins pouvoirs
Les élections du 5 mars ont apporté la majorité aux partis du gouvernement et leur ont ainsi donné la possibilité de gouverner dans le strict respect de la lettre et de l’esprit de la Constitution.
Cette possibilité, là où elle existe, est aussi une obligation. La critique est salutaire et nécessaire. Jamais encore, depuis qu’un Reichstag allemand existe, le contrôle des affaires publiques n’a été à tel point éliminé par les élus du peuple, comme c’est le cas maintenant, et comme ce le sera plus encore si la nouvelle loi sur les pleins pouvoirs est adoptée.
Pareille omnipotence du gouvernement doit avoir des effets d’autant plus graves que la presse également est privée de toute liberté de mouvement.
Par 441 voix “pour” et 94 “contre”, le Reichstag vient de voter sa mort. Les 94 votes “contre” sont ceux des sociaux-démocrates qui, unanimement, rejettent la loi d’habilitation. Quoi qu’il en soit, le pouvoir ne sera non seulement plus tributaire du Président, mais encore moins de la chambre des députés.
Si Hitler ne peut encore exercer un pouvoir réellement absolu, les dispositions constitutionnelles qui limitaient encore son pouvoir viennent de tomber. Dès lors, la consolidation de sa dictature peut sensiblement accélérer. Dans cette optique, une véritable épuration de la société allemande débute.
La loi des pleins pouvoirs à Hitler sera renouvelée en 1937, puis finalement jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle ne sera abolie par les Alliés qu’après la capitulation de l’Allemagne nazie, en 1945.
En cette heure, nous en appelons au Reichstag allemand et lui demandons de nous accorder ce que nous aurions pu prendre de toute manière.
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