Qu’est-ce que le décret pour “la protection du peuple et de l’État” ?
Le décret pour “la protection du peuple et de l’État” est en quelque sorte un état d’urgence provisoire. Adopté au lendemain de l’incendie du Reichstag, le 28 février 1933, il doit permettre de protéger le peuple allemand et les institutions de l’État d’une supposée révolution communiste. Abolissant les libertés individuelles, il ouvre en réalité les portes à une dictature nazie.
Capture du décret pour “la protection du peuple et de l’État” – Reichsgesetzblatt (RBGl) I 1933 p.33
Contexte de l’adoption du décret
L’adoption du décret pour “la protection du peuple et de l’État” s’inscrit dans une série d’événements directement liés à l’arrivée de Hitler au pouvoir. Nommé Chancelier en janvier 1933, il obtient du Président de la République la dissolution du Reichstag. Au cours d’une virulente campagne politique, menée à l’occasion des élections législatives qui en découlent, la propagande nazie fait courir le bruit d’un probable soulèvement communiste.
L’incendie du Reichstag
A Berlin, dans la nuit du 27 au 28 février 1933, le Reichstag est incendié par un jeune Hollandais de vingt-quatre ans. Pour Hitler et ses plus proches collaborateurs, il ne fait aucun doute que cet acte criminel est un signal marquant le début du supposé soulèvement.
Rapidement arrêté et passant aux aveux, il s’avère que le pyromane a pourtant bien agit seul. Mais pour les nazis, l’occasion n’est que trop belle et l’événement est politiquement exploité. Dans les heures qui suivent, nombre de députés et cadres communistes sont déjà arrêtés.
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Le projet de décret pour “la protection du peuple et de l’État”
Au lendemain même de cet incendie, le ministre de l’Intérieur du Reich, Wilhelm Frick, met sur papier un projet de décret, permettant au gouvernement allemand (dirigé par Hitler) d’appliquer plusieurs mesures d’urgence.
Débattu en fin de matinée lors du conseil des ministres, le décret pour “la protection du peuple et de l’État” contient un bref paragraphe permettant de suspendre les libertés d’expression et d’association, de la presse et du respect du caractère privé des communications postales et téléphoniques. Un autre paragraphe donne le droit au gouvernement du Reich d’intervenir pour rétablir l’ordre dans toute l’Allemagne, bafouant l’autonomie des Länder et constituant une flagrante violation de la constitution allemande.
Pourtant et comme le précise Ian Kershaw dans la biographie qu’il consacre à Hitler, ce décret d’urgence n’est en aucun cas justifié. Le gouvernement n’a pas à se défendre de “violences communistes mettant l’État en danger”. Le véritable danger ne vient que des nazis eux-mêmes. Il n’empêche que ce texte est adopté par le Président de la République de Weimar.
Pourquoi le supposé soulèvement communiste est un mensonge ?
Les historiens sont unanimes, les communistes ne préparent aucune révolution en Allemagne, en cette période. Dans son livre dédié au Troisième Reich, Richard J. Evans précise que le Parti communiste est persuadé que le gouvernement de Hitler est le dernier d’un système capitaliste, qui serait sur le point de tomber de lui-même. De même qu’il n’envisage par ailleurs aucune grève car le taux de chômage approchant des 35%, il sait que les éventuels grèvistes seraient immédiatement remplacés par des chômeurs.
Plus aucune lettre, plus aucune conversation téléphonique, pas un mot dans la rue ne sont à l’abris des dénonciations. Chacun redoute en l’autre le traître et le mouchard.
Les conséquences du décret adopté
Le décret pour la “protection du peuple et de l’État” ouvre grandement la voie à l’établissement d’une dictature nazie. Bien que celui-ci supprime les libertés individuelles, il est – toujours selon Ian Kershaw – pourtant chaleureusement accueilli par une bonne partie de la société allemande. De fait, même les plus modérés s’inquiètent de cette violence grandissante et de cette supposée vague communiste.
Néanmoins, les élections législatives du 5 mars ne permettent pas au Parti nazi d’obtenir une majorité absolue. De plus, signe d’une fracture au sein de la société allemande, les partis de gauche récoltent encore près d’un tiers des scrutins exprimés, malgré la répression et les arrestations arbitraires. Quoi qu’il en soit, les pouvoirs accordés par ce décret sont désormais très largement utilisés par les nazis, afin d’asseoir leur contrôle dans l’ensemble des États (Länder) du Reich qui leur échappent encore.
Par exemple, les élus des Länder sont mis sous pression pour nommer des nazis à la tête des différentes polices de ces mêmes états. Ainsi et pour ne citer qu’eux, Heinrich Himmler prend la tête de la police munichoise. Reinhard Heydrich est nommé chef de la police politique bavaroise. Aussi et sous prétexte de rétablir l’ordre, des commissaires du Reich leur sont également imposés. Plus que jamais, la propagande et la répression s’accentuent encore. Dans les grandes villes d’Allemagne, des troupes intimidantes des SA et de la SS défilent en nombre et, avant même l’obtention des pleins pouvoirs de Hitler, les coups de force se multiplient.
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