Histoire et Mémoire de la Seconde Guerre mondiale

Le débarquement de Provence – Opération Dragoon

23 Juil 2023

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Le débarquement allié en Provence

Qu’est-ce que le débarquement de Provence ?

Le débarquement de Provence est la dernière et plus importante opération amphibie de la Seconde Guerre mondiale du secteur Méditerranéen. Au départ considérée comme complémentaire au débarquement de Normandie, l’opération « Anvil-Dragoon » joue finalement un rôle déterminant dans la libération de la France. A partir du 15 août 1944, près de 350 000 soldats doivent débarquer dans le sud du pays. Parmi eux se trouvent 230 000 Français de l’armée B du général De Lattre de Tassigny. Bien que majoritaires, leur participation était pourtant loin d’être évidente. En amont, il a fallu fournir un travail monumental ; négocier et s’imposer auprès des Alliés, recruter, former, équiper et unifier des soldats venus d’Afrique, d’Europe, du Pacifique ou encore des Antilles, dont objectifs et idées sont aussi variés que parfois opposés.

Débarquement de Provence - 15 août 1944 - Opération Dragoon

Le débarquement de Provence : Sommaire

Vidéo : Carte animée du Débarquement de Provence

Carte animée du Débarquement allié en Provence. Une vulgarisation des 24 heures de l’opération Dragoon et ses principaux événements, à travers une vidéo originale. Retour sur cet historique Jour-J, heure par heure, minute après minute…

Contexte du secteur méditerranéen pendant la Seconde Guerre mondiale

En 1943, et même si de nombreuses difficultés persistent et persisteront encore, la victoire vient définitivement de changer de camp en faveur des Alliés et au détriment inévitable des forces de l’Axe. Victorieux à Stalingrad, en Tunisie et dans le Pacifique, les armées alliées peuvent désormais envisager une victoire totale sur l’Allemagne nazie et le Japon.

Ça s’est passé en région

PACA

Opération Torch : le allié débarquement en Afrique du Nord

Le 8 novembre 1942, quelques jours après la définitive victoire des Britanniques et des Français libres contre l’Afrikakorps du général Rommel, en Egypte, près de 100 000 soldats alliés débarquent en Algérie et au Maroc. Territoires administrés par le régime de Vichy, le commandement militaire est assuré par le général Juin.

Grâce à la Résistance locale, Alger est prise en l’espace d’une journée. Mais à Oran, au Maroc, les troupes vichystes accueillent les forces anglo-américaines à coups de canon. Le maréchal Pétain avait d’ailleurs prévenu le président Roosevelt :

J’ai toujours déclaré que nous défendrions notre Empire s’il était attaqué. Nous sommes attaqués, nous nous défendrons.

Maréchal Philippe Pétain

Chef de l'État français

Mais le lendemain, et après avoir accepté la proposition américaine de prendre en charge les forces françaises présentes en Afrique du Nord, le général Giraud – qui incarne certes les valeurs prônées par Vichy et refuse de reconnaître la légitimité du général de Gaulle, mais dont la position est rigoureusement antiallemande – fait diffuser une proclamation sur Radio-Alger :

“Depuis deux ans vous avez scrupuleusement appliqué les conventions d’armistice malgré les violations répétées de nos adversaires. Aujourd’hui, l’Allemagne et l’Italie veulent occuper l’Afrique du Nord. L’Amérique les prévient de nous assurer de son appui loyal et désintéressé. […] Je reprends ma place parmi vous au combat. […] L’armée d’Afrique tient entre ses mains le destin de la France”.  Premier revers pour Vichy.

Au Maroc et après avoir résisté pendant trois jours – malgré une écrasante infériorité numérique – les troupes vichystes déposent enfin les armes, avant la signature d’un armistice franco-allié. Second revers pour Vichy. Plus de 1 300 soldats français ont été tués, 2 000 autres blessés et une dizaine de navires ont été coulés.

Désormais, le général Juin donne l’ordre – bien tardif – de se préparer à résister aux Allemands. Le Maroc et l’Algérie viennent officiellement de basculer dans le camp allié.

L’occupation du sud de la France et la livraison de la Tunisie par Vichy

Essuyant le refus de Pierre Laval – chef du gouvernement de l’Etat français (Vichy) – d’entrer en guerre contre les « envahisseurs », Hitler décide de l’occupation totale de la France et de l’entrée de ses forces armées en Tunisie. En effet, si Vichy refuse d’entrer en guerre contre la grande alliance, il vient tout de même de livrer son territoire tunisien à l’Allemagne, afin de lui permettre de combattre les armées alliées. C’est le début de la campagne de Tunisie.

Le 11 novembre 1942, peu avant 7h00 du matin, les postes frontaliers annoncent le franchissement de la ligne de démarcation par les troupes allemandes. Si l’armée d’armistice, présente en métropole et dotée d’environ 100 000 hommes, avait dans un premier temps reçu l’ordre de résister, celui-ci fut finalement annulé. Pendant que se saborde la flotte de Toulon, seul le commandant de la division de Montpellier – De Lattre de Tassigny – refuse d’obéir, tentant de rejoindre avec quelques éléments le plateau des Corbières. En vain.

En Afrique du Nord et après s’être rendu aux Américains, l’amiral Darlan prend le pouvoir politique sous le titre de haut-commissaire. Le général Giraud passe lui commandant en chef et le général Juin commandant des forces terrestres. Dans ce même temps, l’Afrique-Occidentale-française vient s’ajouter aux pertes de Vichy. En parfaite coopération avec les Alliés, et en opposition au gouvernement français, l’Empire tout entier reprend ainsi la lutte contre l’Allemagne nazie. Une première depuis la défaite de 1940.

Après son assassinat à Alger, le 24 décembre suivant, l’amiral Darlan est remplacé par le général Giraud. Nommé « commandant en chef civil et militaire » en Afrique du Nord, Giraud cumule ainsi deux fonctions ; une première d’ordre politique, et une seconde d’ordre militaire.

Occupation de la France par l'Allemagne nazie

A l’aube du débarquement de Provence et du lancement de l’opération Dragoon, la France est entièrement occupée par les troupes allemandes. En réaction au débarquement allié en Afrique du Nord, Hitler a décidé d’envahir la zone libre.

Le débarquement de Sicile

Depuis le succès de l’opération Torch, Tunis est devenue le dernier bastion aux mains des forces nazies et italiennes. Mais le 13 mai 1943 et après une ultime tentative de résistance, ces mêmes troupes déposent définitivement les armes. C’est la fin de la campagne de Tunisie.

L’Afrikakorps n’existe plus, 130 000 soldats sont capturés. L’Afrique du Nord est entièrement aux mains des Alliés, qui peuvent dorénavant tourner leur regard en direction du continent européen.

Le 10 juillet 1943, 160 000 soldats Américains, Canadiens, Britanniques et Français libres débarquent en Sicile. L’armée italienne – sur son propre territoire – est certes en grande difficulté, mais parvient tout de même à très nettement compliquer la tâche des forces alliées.

Lien de cause à effet, sur le front de l’Est, Hitler donne l’ordre de stopper l’offensive menée en Russie dans le cadre de l’opération Citadelle, pour envoyer des renforts à Mussolini. A proximité de Koursk, les Allemands avaient pourtant l’opportunité inespérée d’encercler et d’anéantir le plus gros des forces soviétiques.

Désormais, l’Armée rouge peut se lancer dans une contre-offensive, qui se généralisera sur l’ensemble du front de l’Est à partir du printemps 1944 et qui ne s’arrêtera plus jusqu’à Berlin. Car désormais, et après cette héroïque victoire soviétique dans laquelle les Allemands perdent 863 300 hommes, 1 064 chars et presque autant d’avions, le Troisième Reich est incontestablement placé en position défensive.

Deux semaines après le débarquement en Italie, le régime fasciste s’effondre. Benito Mussolini est arrêté et assigné à résidence par le roi Victor-Emmanuel III. Dès le lendemain, la maréchal Pietro Badoglio forme un nouveau gouvernement tout en préparant secrètement un armistice avec les Alliés, qui est signé le 8 septembre suivant. Le 13 octobre 1943, les Italiens se rangent officiellement aux côtés des Alliés en déclarant la guerre à l’Allemagne nazie, qui vient à son tour d’envahir l’Italie.

L’organisation de l’opération “Anvil-Dragoon

Afin de soulager les efforts de l’Armée rouge sur le front de l’Est, Staline réclame avec insistance l’ouverture d’un second front à l’Ouest par les Alliés. Ainsi et au cours du mois de mai 1943, Américains et Britanniques évoquent pour la première fois la possibilité d’un débarquement dans le sud de la France, baptisé opération Anvil, qui doit intervenir en soutien du débarquement de Normandie ; l’opération Overlord. Pour autant, la mise en œuvre de ce débarquement reste très incertaine.

Pourquoi un débarquement dans le sud de la France ?

Pour mettre un terme à cette seconde guerre mondiale, les Alliés souhaitent frapper le cœur industriel de l’Allemagne le plus rapidement possible. Selon les Américains, la France est alors le principal lieu qui peut potentiellement permettre l’accomplissement d’un tel objectif. Il est ainsi décidé de débarquer dans le Nord-Ouest du pays, en Normandie.

En soutien de l’opération Overlord, les Alliés se hâtent aussi à l’organisation d’un second débarquement qui doit avoir lieu dans le sud de la France et de manière simultanée avec le premier. Avec celui-ci, les forces libératrices espèrent fixer les troupes ennemies, soulager le front de Normandie et protéger le flanc droit des armées débarquées dans la Manche, qui devraient rapidement faire route en direction de l’Allemagne.

C’est donc le général britannique Wilson, commandant en chef des forces alliées sur le théâtre méditerranéen, qui reçoit l’ordre de préparer les plans de l’opération. Le choix du lieu géographique de ce débarquement se porte sur la Provence, plus exactement entre Saint-Raphaël et Le Lavandou.

Car malgré ses reliefs, cette région présente bien des avantages stratégiques ; l’accès vers la vallée du Rhône y est facilité par l’existence de nombreuses routes. Surtout, les ports en eau profonde de Toulon et de Marseille – indispensables à la logistique nécessaire pour la libération de la France et de l’Europe – sont proches du lieu d’attaque initial de l’opération Anvil, bientôt rebaptisée Dragoon du fait de fuites.

De plus, la profondeur des fonds de ce secteur doit permettre à la puissance navale de se rapprocher au maximum du littorale pour couvrir les troupes débarquées. Aussi, et en attendant la prise de Toulon, les petits ports de Saint-Tropez, Saint-Raphaël et Sainte-Maxime pourront permettre de soulager les plages du débarquement.

Globalement, l’objectif ultime de ces deux débarquements combinés est bien d’acheminer le plus rapidement possible le grand nombre d’hommes et de matériels par voie maritime que ne peuvent le faire les Allemands par voie terrestre.

Conflits politiques interalliés

Outre les problèmes logistiques qui s’imposent au fur et à mesure de sa préparation, les désaccords politiques mettent en péril l’existence même de l’opération Dragoon.

En effet, Churchill n’y est pas vraiment favorable. Selon lui, il est préférable de lancer une grande offensive directement vers l’Europe centrale à partir des positions acquises en Italie ou bien en débarquant en Yougoslavie. En réalité, le Premier ministre craint que Staline ne profite de la situation pour conquérir un véritable empire en Europe.

A ce propos et lors de la conférence de Téhéran tenue en novembre 1943, le dictateur soviétique s’était d’ailleurs montré très intéressé pour cette opération « capitale » menée en Provence. Selon l’historien Pierre Dufour, l’intérêt de Staline est probablement avant tout politique ; « les forces alliées seront concentrées en France où elles feront face à une résistance acharnée ».

Mais même au sein de l’organisation alliée, les rapports de force ont changés. Pour le président Roosevelt, l’Union Soviétique est désormais son principal allié, et non plus la Grande-Bretagne. Il est vrai que si les Etats-Unis fournissent le plus gros du matériel militaire nécessaire à la victoire finale, c’est bien l’URSS qui subit le plus gros poids de la guerre, et notamment en vies humaines.

En tant qu’arsenal du monde libre, les USA savent qu’ils peuvent imposer leur stratégie. Et ils le feront. Malgré les nombreuses oppositions qui éclatent entre Roosevelt et Churchill, le débarquement de Provence aura bien lieu. Reste à savoir quand.

La planification du Débarquement de Provence

Avec tous les moyens déployés sur les différents théâtres de la guerre, le commandement allié en Méditerranée se rend rapidement compte qu’il sera compliqué – voire impossible – de procéder à deux débarquements simultanés et de grande ampleur sur le territoire métropolitain. Faute de moyens amphibies, le débarquement de Provence est finalement repoussé au mois de juillet.

Au-delà des moyens matériels et des problèmes de logistique, le manque de soldats se fait aussi ressentir. Ainsi, l’opération Dragoon a été modifiée maintes fois. A plusieurs reprises, elles n’étaient pas loin d’être purement et définitivement annulée. Mais après le débarquement de Normandie, les Américains s’aperçoivent que le port en eau profonde de Cherbourg ne pourra fonctionner à son plein régime. En essayant de le détruire, les Allemands ont causé de lourds dégâts aux différentes infrastructures.

Ainsi, les ports de Toulon et de Marseille gagnent en importance pour le bon déroulement de la libération de la France et de l’Europe. De plus et dans ce même temps, les forces alliées déployées dans le Nord-Ouest de la France s’enlisent dans la terrible bataille des haies.

Le débarquement de Provence aura donc bien lieu. Le 11 août, Wilson reçoit l’ordre officiel d’exécuter le plan Dragoon et la date définitive de son lancement est fixée au 15 août 1944.

Les forces alliés pour le débarquement de Provence

Appartenant à la 7e armée américaine – elle-même placée sous le commandement du général Patch – les forces alliées qui s’apprêtent à s’engager dans le débarquement de Provence représentent près de 450 000 hommes. Parmi eux, quelques 250 000 Français de l’armée B du général de Lattre de Tassigny. Environ la moitié sont des tirailleurs sénégalais et algériens, des goumiers et des tabors marocains, des pieds-noirs, et des marsouins du Pacifique et des Antilles.

Forces alliées rassemblées au large de Naples à quelques jours du débarquement de Provence.

Les forces navales

Commandée par le vice-amiral Hewitt, la Western Naval Task Force représente l’ensemble de la force navale déployé dans le cadre du débarquement de Provence. Après le succès de l’opération Overlord en Normandie, celle-ci bénéficie de renforts considérables avec l’arrivée des cuirassés américains Nevada, Texas, Arkonsas ainsi que du HMS Ramillies, des croiseurs lourds Augusta, Quincy, Tuscaloosa et de nombreux autres destroyers et bâtiments amphibies libérés de la Manche. A cela, il faut également ajouter neuf porte-avions (7 britanniques et 2 américains) qui sont affectés à l’opération.

Au total, l’armada alliée est forte 818 bâtiments de combat et amphibies majeurs et de 1370 barges et engins qui doivent participer à l’assaut des côtes provençales.

Dans cette grande armada, la Marine nationale apporte 32 navires dont – entre autres – le cuirassé Lorraine, les croiseurs Emile-Bertin, Duguay-Trouin, Jeanne d’Arc, Montcalm, Gloire, ou encore le Terrible, le Malin et le Fantasque.

Les forces aériennes

Du début de l’année 1944 jusqu’au lancement de l’opération Dragoon, la Mediterranean Allied Air Force, dotée d’environ 2000 avions, opère dans le sud de la France pour détruire les lignes de communications ennemies et différents objectifs stratégiques. Ainsi, Salon-de-Provence, Istres, les installations industrielles de l’étang de Berre en mars, Avignon, Saint-Laurent-du-Var, Orange ou encore bien entendu Marseille et Toulon, subissent de plein fouet les raids aériens alliés.

Dix jours avant le lancement du débarquement de Provence, les bombardements s’intensifient dans les secteurs de Béziers et de Cannes afin d’isoler les troupes ennemies des futurs champs de bataille.

Les forces terrestres

Au total, pas moins de 10 divisions doivent prendre part au débarquement de Provence : 3 américaines et 7 françaises.

Durant la nuit du 14 au 15 août, des troupes d’élite américaines et canadiennes et des commandos français doivent s’emparer du cap Nègre et des îles de Port-Cros et du Levant. Dans l’arrière-pays, une force aéroportée doit être parachutée pour couper l’arrivée d’éventuels renforts. Le jour J, les 3 divisions américaines du 6e corps d’armée du général Truscott doivent prendre pied avant un Combat Command (CC) de la 1er DB française, placée sous les ordres du général Sudre.

Ce n’est que le lendemain 16 août que 3 divisions françaises doivent fouler le sol, puis de la 9e DIC venue de Corse, 9 jours après. Enfin, le deuxième corps d’armée français (CA), ne doit lui arriver que 40 jours plus tard.
Au bout du compte, 33 000 hommes sont prévus pour la seule journée du 15 août. A ceux-là, il faut également ajouter la Résistance française, présente sur un large périmètre qui s’étend du Tarn-et-Garonne à la Haute-Savoie.

Selon les renseignements américains, près de 76 000 hommes pourraient prendre part aux combats. Un chiffre qui, selon eux toujours, pourrait être gonflé à 230 000 combattants après le débarquement.
En effet, les maquis doivent et vont jouer un rôle important dans la réussite des opérations en entravant les mouvements de l’ennemi, en attaquant les lignes de communication et en menant des opérations de guérilla et de diversion.

Les forces allemandes en Provence

A l’aube du 15 août 1944, près de 210 000 soldats allemands sont cantonnés dans le sud de la France. Placées sous le commandement du général von Wiese, 7 divisions d’infanterie – nettement affaiblies par le front de Normandie – vont devoir faire face à ce nouveau débarquement allié.

Missak Manouchian - FTP-MOI de la région parisienne

Du côté de la calanque d’Anthéor, en Provence, certains bunkers allemands sont encore visibles.

Une armée affaiblie par le débarquement de Normandie

N’ayant aucune connaissance du lieu exact du débarquement, les forces allemandes sont ainsi positionnées de manières espacée le long des côtes. D’ailleurs, l’une des 7 divisions d’infanterie est affectée au secteur des Pyrénées, très loin donc du secteur géographique des opérations à venir.

De plus et après le 6 juin 1944, de nombreux renforts piochés dans ces divisions ont été envoyés dans le Nord-Ouest de la France pour tenter de contenir et de repousser l’opération Overlord. Certaines d’entre elles – de retour dans le sud du pays – sont quasiment décimées.

Pour ce qu’il reste, la qualité des troupes laisse très franchement à désirer. La plupart des soldats sont relativement âgés ou au contraire très jeunes et ne possèdent pas de grandes expériences au combat.

S’il ne dispose pas de division blindée pour protéger le flanc sud de la France, la général Wiese obtient tout de même le transfert de la 11e Panzerdivision. Seulement, ce transfert n’est obtenu que le 14 août, veille du débarquement de Provence, et son déplacement est presque constamment perturbé par les attaques de la Résistance.

Le cas de la Kriegsmarine et de la Luftwaffe

Ainsi, les armées terrestres sont clairement en infériorité matérielle et numérique, ce n’est pourtant encore pas comparable à l’aviation et à la marine allemande.

Pour cause, la Luftflotte 3, l’aviation allemande pour le sud de la France, est réduite à seulement 230 appareils, dont seulement 150 sont en état de combattre. Comme les divisions d’infanterie, elle a également subi de très lourdes pertes sur le front normand et dans le nord de la France, et elle sera fort logiquement dans l’incapacité d’obtenir de meilleurs résultats en Provence.

Enfin et du côté de la Kriegsmarine, celle-ci n’est en possession que de 36 bâtiments. De plus, elle vient de perdre 4 de ses 8 sous-marins dans le bombardement de Toulon du 29 avril 1944. Si elle dispose encore de six torpilleurs, quelques vedettes lance-torpilles et 15 patrouilles, les quelques sorties qu’elle entreprendra à partir du 15 août resteront anecdotiques. En revanche, elle possède certaines troupes à terre qui vont se montrer redoutables pour la défense de Toulon et de Marseille, en plus d’une vingtaine de batteries positionnées le long des côtes, de Marseille jusqu’à Hyères.

Le Mur de la Méditerranée

Après le retrait des troupes italiennes en septembre 1943, le front sud que doit défendre l’armée allemande s’étire sur environ 500 kilomètres. A la fin de cette même année, il est donc décidé de la fortification de la côte sud française à travers la création du Südwall ; une organisation défensive qui, par sa faiblesse, n’est en rien comparable au Mur de l’Atlantique.

Car en réalité, les efforts fournis pour la construction de ce mur de la Méditerranée sont insuffisants : les travaux avancent trop lentement, les matériaux utilisés sont de mauvaise qualité et les sabotages de la Résistance se multiplient, gênant ainsi la progression des constructions.

Pour la mois d’août 1944, il était ainsi prévu que près de 1000 ouvrages soient élevés et en état de combattre. Ils devaient constituer la colonne vertébrale de cette défense côtière. Au final, seuls 300 seront achevés au moment de l’assaut des plages provençales, dont seulement 80 sont en béton armé. Contrairement à la côte atlantique, la profondeur des défenses allemandes en Méditerranée est quasiment nulle.

A l’inverse, un effort significatif est accordé pour la défense de Marseille et de Toulon. Plus particulièrement encore pour leurs ports en eau profonde. Tout en périphérie de la cité phocéenne, l’organisation Todt débute la construction de 220 ouvrages fortifiés ; 153 sont opérationnels au cours du mois d’août. A ceux-là, il faut également ajouter les 37 autres qui sont édifiés entre la ville de Marseille et de Bandol.

Dès l’occupation de la zone sud par les forces allemandes, les ports de Toulon et de Marseille sont déclarés « zone défense » et sont investis par plus de 10 000 hommes. En effet, ils sont les seuls à disposer d’installations de manutention nécessaires à la logistique de troupes mécanisées. La grande majorité des batteries navales sont ainsi employés à leur défense. Cependant, celles-ci sont équipées de matériel provenant des quatre coins de l’Europe ; des armes déjà fatiguées et usées par la guerre à qui, en plus, les munitions feront rapidement défaut.

L’avant-garde du débarquement en Provence

Le 9 août 1944, à 9h30, le vice-amiral Hewitt, commandant de la Western Naval Task Force, annonce à ses forces l’application de l’opération Dragoon et que le jour J du débarquement de Provence est fixé au 15 août, à 8 heures. Le 14 août, la BBC intensifie ses messages à destination de la Résistance du Var pour lui signifier l’imminence de l’opération : « Nancy a le torticolis, le chasseur à faim et froid, le chef est affamé ».

Carte interactive du débarquement de Provence

Pour accompagner votre lecture, vous pouvez ouvrir cette carte interactive dans une seconde fenêtre. Elle vous permet de découvrir une vingtaine de points différents à travers des textes explicatifs pour comprendre le déroulé de cette journée décisive pour la libération de la France et plus tard de l’Europe.

Opération Ferdinand

C’est en réalité dans la nuit du 14 au 15 août que débute réellement le débarquement de Provence. Le 15, peu avant 2h00 du matin, près de 500 parachutes s’ouvrent dans le ciel de La Ciotat que 5 C47 Dakota viennent de larguer.

Immédiatement, les premières détonations se font entendre, les Allemands ouvrent le feu. Pour eux, cela ne fait aucun doute, c’est le début du tant attendu débarquement allié. Seulement et pour l’heure, c’est sur des mannequins qu’ils ouvrent le feu. Au même moment, les batteries côtières de la région de Cannes – éloignées de 150 kilomètres – sont attaquées.

L’opération Ferdinand est une opération de diversion qui remporte le succès escompté. A l’aube du jour J, les forces occupantes attendent les troupes libératrices de pied ferme, mais elles sont cependant dans l’incertitude et dans l’incapacité la plus totale de prévoir le ou les lieux exactes de la réelle attaque. Au final, aucun renfort ne seront envoyés en directions des réels secteurs de débarquement.

Dans ce même temps, au large, l’amiral Hewitt lance deux autres opérations de diversion ; l’une à l’est et l’autre à l’ouest de la zone d’assaut. A proximité de côtes de la Ciotat, une vingtaine de navires naviguent à portée des radars ennemis afin de leur donner l’impression de l’arrivée de l’armada alliée.

A l’autre extrémité, une autre division navigue le long des côtes, entre les villes de Cannes et de Nice en direction de Gênes pour là encore, simuler l’arrivée d’une armada. Au préalable, cette flotte a débarqué le groupe naval d’assaut français du capitaine de Frégate Sériot qui bientôt, va pouvoir lancer l’opération Rosie.

La Motte, premier village libéré lors du débarquement de Provence

La Motte est le premier village libéré lors du débarquement de Provence.

Opération aéroportée Rugby

Vers 3h00 du matin, dans l’arrière-pays, les premiers parachutistes américains touchent le sol avec pour objectif de baliser les terrains où doivent très prochainement avoir lieu les largages, bien plus massifs, d’autres parachutistes et les atterrissages de planeurs au petit matin.

Chose faite, les premiers éléments de la 1st Airborne sont parachutés dans la Vallée de l’Argens – au sud-est de Draguignan – et dans la plaine du Muy, autour du petit village de la Motte. La veille, la Résistance à pris soin de retirer les « asperges de Rommel » pour permettre l’atterrissage prochain des deux vagues de planeurs.

L’objectif principal de ces hommes est d’une très haute importance. Ils doivent en effet s’emparer du carrefour du Muy tout en prenant le contrôle de la route nationale 7 et de la zone avant la fin de la matinée, de sorte à empêcher les forces allemandes situées à l’ouest de converger vers les plages du débarquement.

Malheureusement les choses ne vont pas réellement se dérouler comme prévu. Car par cette nuit d’été, un épais et très inhabituel brouillard recouvre la région du Muy. Au final, un seul des 12 commandos d’éclaireurs est largué au bon endroit. De fil en aiguille, près de 25% des parachutistes atterrissent jusqu’à 30 kilomètres de leur objectif ; à Bargemon, à Fayence et dans les environs très proches de Saint-Tropez.

A 6h30, les habitants du minuscule village de La Motte sortent de chez eux et embrassent les libérateurs. Tout autour d’eux, des milliers de parachutistes viennent de prendre position. La Motte est ainsi le premier village de Provence libéré. A proximité, le général Robert Frederick vient d’atteindre la ferme du Mitan et installe le premier PC des forces alliées dans le secteur du Muy.

Plus ou moins simultanément, les Tropéziens eux, découvrent des dizaines de corps de soldats noyés avec leur parachute, tombés dans la mer. Néanmoins et malgré le drame, cette erreur de largage permettra au village d’être libéré dès le 16 août au soir.

Rapidement, et grâce à l’aide des maquisards, les voies d’accès aux différents sites de débarquement son verrouillées. Désormais, les parachutistes marchent en direction de Draguignan qui est justement en train de se soulever contre l’occupant. Dans cette ville, le capitaine FFI et 160 de ses hommes ainsi que le chef d’escadron de gendarmerie Favre et 60 gendarmes, mènent la vie dure aux Allemands, en attendant l’arrivée des paras, le 16 août.

Mémorial du Mitan à La Motte - Débarquement de Provence

A proximité de la commune de La Motte, le mémorial du Mitan rend hommage aux troupes américaines et britanniques parachutées dans la nuit du 15 août 1944, quelques heures seulement avant le début du débarquement de Provence.

Opération Rosie

A bord de deux chasseurs de mines français, des troupes françaises du Bataillon de choc et des Commandos d’Afrique prennent place dans différentes et petites embarcations au beau milieu de la nuit. Placé sous les ordres du commandant Sériot, ce petit groupe de 67 Français navigue désormais dans la plus grande discrétion, en direction des plages du débarquement et à travers les champs de mine immergées.

Ces hommes à qui l’on a donné le nom de « Groupe naval d’assaut de Corse » doivent débarquer entre Le Trayas et Théoule afin d’effectuer de capitales démolitions sur les routes de Cannes-Fréjus et de Cannes-Saint-Raphael, de sorte à protéger le flanc droit du très prochain débarquement. La mission axée pour la route de Fréjus à Cannes est confiée au capitaine de corvette Marche. La seconde, pour la route allant de Cannes à Saint-Raphaël, est commandée par le lieutenant de vaisseau Letonturier.

A 2h00, les Allemands savent qu’une tentative d’intrusion dans leur secteur est en cours. Néanmoins, ils ne parviennent pas à repérer les commandos français qui viennent justement de toucher la terre ferme.

Pendant que Letonturier débarque le matériel de démolition, la tête de la colonne s’élance dans le plus grand silence avec à sa tête le capitaine de corvette Marche. Mais moins d’une heure plus tard, une mine explose sous les pieds des commandos, deux autres surviennent quelques minutes plus tard avant qu’une autre encore ne détonne sous les pas du groupe Letonturier. Une dizaine de blessés ou de tués est déjà à déplorer.

Ils s’en rendent rapidement compte. Les Français évoluent au cœur d’un véritable enfer et traversent une zone minée que la Résistance n’avait pas repérée. Les minutes se poursuivent au rythme des déflagrations qui sortent du sol, des morts et des blessés. Aux alentours de 4h30, Letonturier saute à son tour. Il est blessé mais tente de poursuivre la mission.

Alertés par le bruit des explosions, les Allemands barrent la route de ceux qui sont encore intactes. Les hommes n’ont plus le choix et tentent de rebrousser chemin. En voulant s’échapper, le capitaine Marche saute à son tour sur une mine avant que son corps ne dévale les pentes de la falaise.

Alors que certains des commandos tentent de ramener les blessés vers la mer, Letonturier saute une nouvelle fois sur une mine. Cette fois-ci, sa jambe est fracturée. Peine perdue, les routes resteront intactes. L’opération Rosie est un échec que le Groupe naval d’assaut de Corse paye le prix fort : quatre officiers et six hommes d’équipage sont tués auxquels il faut ajouter 17 blessés et 28 soldats retenus prisonniers par les Allemands.

La force Sitka

A l’ouest, la force Sitka, commandée par le colonel Edwin E.Walker et qui représente à elle seule plus de 2000 soldats américains et canadiens, reçoit pour mission de neutraliser les batteries des îles de Port-Cros et du Levant, géographiquement situées devant la ville de Hyères.

Le débarquement des troupes se passe sans grandes difficultés mais à 4h40 du matin, le destroyer américain Somers détecte deux corvettes allemandes venant de Marseille. Attaquées par ce même destroyer une demi-heure plus tard, la première explose sous les tirs et la seconde – sur laquelle on dénombre 40 impacts – est abandonnée par son équipage.

Sur l’île du Levant, les commandos mettent rapidement la main sur la batterie du Titan qui, en réalité est factice. Détruite lors du sabordage de la flotte française à Toulon, en 1942, les canons n’avaient depuis jamais été remplacés. Peu motivée, la garnison allemande se rendra en cette fin de journée du 15 août.

En revanche, la libération de Port-Cros se révèle plus compliquée. Retranchés dans les forts qui surplombent l’île, ceux-ci ne se rendront que le 17 août suivant, après un violent bombardement naval.

L’assaut du cap Nègre par les volontaires français des Commandos d’Afrique

Embarqués en Corse le 14 août, à Propriano, 600 volontaires français des Commandos d’Afrique placés sous le commandement du lieutenant-colonel Georges-Régis Bouvet font cap en direction de la Provence. A 22h00, les hommes et Bouvet lui-même quittent les navires pour rejoindre leurs embarcations amphibies d’assaut.

Alors que le convoi maritime tient son cap, trois petites embarcations gonflables se détachent des autres. A bord de l’une d’elles se trouve le capitaine Rigaud et l’officier de liaison britannique Johnson. Leurs mission ; débarquer en premier sur la plage du Rayol afin de reconnaître les lieux et dans un second temps de guider, à l’aide de signaux lumineux, les prochains détachements qui doivent débarquer.

Les deux autres emmènent l’adjudant-chef Texier, le sergent-chef du Bellocq et une poignée d’hommes lourdement armés afin de neutraliser les blockhaus de cette même plage – après avoir débarqué – avant l’arrivée plus massive des Commandos d’Afrique.

Si le capitaine Rigaud parvient comme convenu à prendre pied sur la plage du Rayol, une erreur de navigation dérive le groupe de Texier au pied du cap Nègre, qu’ils décident et tentent d’escalader dans le plus grand silence.
Mais alertée par des bruits suspects, une patrouille allemande envoie une pluie de grenades en contrebas. Le corps de Texier dévale la pente et tombe de rocher en rocher. Agonisant un bref moment, l’adjudant-chef devient ainsi le premier mort français sur les plages du débarquement.

Pendant ce temps, plus au large et conformément à leur plan, les 70 hommes du 1er commando du capitaine Ducournau naviguent – eux aussi – en direction du cap Nègre. Leur mission : escalader la falaise, neutraliser les pièces d’artillerie avant de rejoindre le mont Biscarre. Scindé en deux groupes chacun à bord de leur embarcation d’assaut, le premier qui remorque aussi un rubber boat chargé de trois hommes, est commandé par Ducournau lui-même et le second par son adjoint, le sous-lieutenant Jeannerot.

Alors que les trois embarcations font route en direction de la côte, Jeannerot entend et repère trois hommes à la mer. L’embarcation flottante s’est dégonflée. Stoppant son moteur pour les récupérer, il perd inévitablement de vue le groupe de Ducournau qu’il devait suivre.

Naviguant seul et dans l’obscurité la plus totale, Jeannerot aperçoit enfin les terres et la cap Nègre se dessiner à l’horizon. Cependant, il se rend rapidement compte que son embarcation et ses hommes dérivent trop à l’Ouest. Celui-ci le signale au pilote britannique qui refuse de rectifier sa trajectoire prétextant suivre les ordres à la lettre, à savoir : suivre le groupe de Ducournau qu’il ne peut pourtant plus voir depuis plusieurs minutes.

Aux alentours d’une heure du matin, les 35 commandos de Jeannerot sont tout proche de la côte… mais à trois kilomètres de l’objectif initial. Pire encore, les Allemands ont repéré leur présence et ouvrent le feu à la mitrailleuse. Débarquant tant bien que mal, le demi-commando parvient à traverser la plage et à se mettre à l’abris dans un petit bois.

Plus ou moins simultanément, l’autre demi-commando de Ducournau est arrivé au pied du cap Nègre. Le sergent Daboussy, spécialiste de la haute montagne se lance alors seul à l’assaut de la falaise, haute de 80 mètres, corde à son ceinturon. En bas, l’attente est interminable pour les autres commandos mais enfin, la corde solidement attachée au sommet de l’objectif, retombe enfin.

Il faut presque une heure aux 35 commandos lourdement chargés de leurs équipements pour escalader la falaise. Une fois arrivés, les hommes sont prêts à bondir sur les défenseurs. Mais là-haut, le calme règne et pas le moindre uniforme ennemi ne se montre.

En réalité, le plus gros des troupes allemandes est occupé à traquer le groupe de Jeannerot, qui est parvenu à se fondre dans la nature. Alors discrètement, les commandos de Ducournau se faufilent à travers les barbelés et les champs de mines qu’il faut neutraliser.

Plus au large, les navires d’assaut qui transportent le lieutenant-colonel Bouvet et les quelques 600 Commandos d’Afrique s’approchent à leur tour, discrètement des côtes. Mais là encore, une erreur de navigation vient contrarier les plans. Au lieu de se trouver face à la plage du Rayol, sur laquelle le capitaine Rigaud envoie des signaux lumineux, ils se trouvent en fait face à celle du Canadel.

Bouvet se rend bien compte de l’erreur mais il est trop tard. Qu’à cela ne tienne, il faut débarquer. Il est 1h35 lorsque les abattants des embarcations amphibies d’assaut s’abaissent et libèrent les commandos qui pour certains et de manière furtive, ne résistent pas à l’idée d’embrasser le sol français qu’ils retrouvent enfin.

C’est à ce moment précis que les hauteurs du cap Nègre s’illumine dans l’obscurité de la nuit. En hurlant, les soldats de Ducournau se jettent sur les pièces d’artillerie qu’ils doivent détruire. Les rafales et les détonations se font entendre dans le paysage provençale. Surpris, les Allemands tentent de réagir furtivement, et se rendent finalement. Ils viennent de perdre 20 des leurs, quand seulement deux blessés sont recensés du côté des forces du capitaine Ducournau.

Il est 1h45, le premier combat du débarquement de Provence vient de s’achever. Pour l’Histoire, le Commando d’Afrique est l’avant-garde de la libération.

D-Day en Provence : le débarquement

Depuis le 9 août, la gigantesque armada alliés navigue déjà sur la mer Méditerranée. A partir du 10, elle commence à se rassembler entre la Corse et la Sardaigne pour finalement se retrouver au grand complet le 14 août suivant. C’est ce même jour que Radio-Alger peut afin annoncer le débarquement proche qui aura lieu dans le sud de la métropole. Evénement majeur, pour la première fois depuis 1940, la France est capable d’engager une armée entière dans la bataille à venir.

Cimetière Américain de Draguignan - Débarquement de Provence

Le cimetière américain de Draguignan, géré par l’American Battle Monuments Commission, rassemble les corps de 861 soldats américains tués lors du débarquement et de la bataille de Provence.

La blue line

En cette fin d’après-midi du 14 août 1944, pas moins de 1200 navires font cap en direction du sud de la France. Dans la nuit du 15, vers 3h00 du matin, la flotte mouille à un peu moins de 20 kilomètres de la côte. En complément des opérations déjà débutées et en cours sur le sol métropolitain, des milliers d’hommes et de véhicules doivent débarquer à 8h00 avec pour objectif ultime d’établir une ligne de front de 25 kilomètres de profondeur : la Blue Line.

à l’assaut des plages de débarquement

A partir de 4h30 et jusqu’à 6h30du matin, à l’aube de ce 15 août, les dragueurs de mines sont les premiers à entrer en action pour dégager les différentes voies d’accès aux plages du débarquement. Bien que sous le feu ennemi, les navires parviennent à progresser jusqu’à un kilomètre des côtes.

Alors que l’aviation bombarde les plages, des péniches lance-fusées envoient près de 30 000 roquettes supplémentaires afin de désorganiser les systèmes défensifs allemands.

A la grande différence du débarquement de Normandie, les conditions météorologiques sont très bonnes. Le temps s’annonce très beau et la mer est très calme. Le débarquement des troupes va pouvoir débuter.

Le débarquement en secteur Alpha

A l’exception de deux péniches de débarquement qui sautent sur des mines terrestres, le débarquement des Américains sur les plages de Cavalaire et de Pampelonne se déroule sans réel accroc. Mais si les soldats parviennent à surmonter les quelques difficultés rencontrées, notamment sur la première plages où ils doivent progresser à travers un champ de mines, la progression se veut plus pénible.

Fort heureusement, l’arrivée des chars débloque rapidement la situation ; les barbelés sont écrasés et les troupes débarquées peuvent enfin sortir des plages qui pouvaient – comme ce fut le cas en Normandie – trop vite se transformer en un piège mortel.

Après de durs combats, les Américains parviennent à s’emparer du cap de la Vigie, où résistait encore il y a un peu un point d’appui allemand. Une heure après cette première vague d’assaut, sept autres se succèdent. De nombreux défenseurs allemands sont déjà faits prisonniers. En début d’après-midi, Cavalaire est entièrement contrôlée par les Américains et la liaison est établie avec les Français des Commandos d’Afrique installés au cap Nègre.

Le débarquement en secteur Delta

Sur les plages de La Nartelle, le débarquement des forces américaines ne rencontre qu’une très faible opposition qui se limite à quelques tirs de mortiers et à l’arme automatique. Pour cause, une heure avant le début des opérations, les Allemands ont subi les foudres de la flotte navale alliée.

En raison de la puissance des défenses installées dans ce secteur, plus de 6 000 roquettes avaient, au préalable, été lancées sur les nombreux obstacles des plages. Ainsi et dès 11h00, un poste de commandement est déjà établi et le déchargement des véhicules et des armements lourds a déjà débuté.

Cependant à l’arrière des plages, persistent quelques points de résistance qui vont une nouvelle fois nécessité l’utilisation de l’artillerie navale à différentes reprises. Parmi les navires qui entrent en action ; le croiseur américain Philadelphia et les croiseurs français Georges-Leygues et Montcalm.

Le débarquement en secteur Camel

Si les plages de la calanque d’Anthéor et du Dramont ne rencontrent guère plus de difficultés que sur les précédents secteurs et sont conquises aux heures prévues, la situation est nettement plus confuse à Saint-Raphaël.

En raison de la présence de nombreuses mines et de batteries côtières, l’assaut a été repoussé à 14h00 en attendant que ne reprennent les préparations aéronavales. A 11h00, les dragueurs débutent les opérations de déminages, mais ils doivent finalement se replier devant la puissance de feu des défenseurs allemands. De 12h20 à 13h00, les bombardiers américains B 24 écrasent les positions allemandes. Trente minutes plus tard, les croiseurs américains Tuscaloosa et Brooklyn, le britannique HMS Argonaut et les français Emile-Bertin et Duguay-Trouin reprennent leurs tirs.

Quand arrive enfin 14h00, l’heure nouvellement prévue pour lancer le débarquement des troupes, il est encore décidé de retarder celle-ci de trente minutes. Mais face à l’incertitude concernant les résultats des bombardements, celui-ci est finalement purement et simplement annulé.

A la place, les troupes sont dirigées dans le secteur de Dramont où elles vont pouvoir prendre pied sur la plage sans difficulté. Concernant la plage initiale, elle sera prise à revers au cours de la nuit suivante.

Les Français de la première vague : le CC1 et la 1er DB

Dans la nuit du 15 au 16 août, le CC1 (Combat Command 1) de la Première Division Blindée débarque sur la plage de La Nartelle, en secteur Delta, et s’engage immédiatement en direction de Gonfaron. Le 17, il s’empare de Luc avant de progresser du côté de Cabasse et de Carcès tout en couvrant le 6e corps d’armée américain pour la prise de Bignoles. Enfin le 19 août, le CC1 est à Saint-Maximin, permettant ainsi aux Américains de progresser seuls en direction d’Aix-en-Provence.

Constituant de ce CC1, le 3e bataillon de zouaves débarque lui aussi sur la plage de La Nartelle. Le 16, il s’empare de Gonfaron, le lendemain il s’élance à travers les routes des Maures et, après quelques accrochages, prend la direction de Marseille.

Au grand regret du commandement français qui espérait être massivement représenté lors de la première vague d’assaut, il s’agira ainsi de la seule force tricolore déployée sur les plages au cours de cette première journée.

Bilan du Débarquement de Provence

A la fin de cette journée du 15 août 1944, il apparait très clairement que le débarquement de Provence est un véritable succès militaire. Le soir même, deux têtes de ponts sont établies de chaque côté de la vallée de l’Argens et les liaisons sont établies avec les troupes de couverture, positionnées à l’ouest et au nord. A l’est, les liaisons seront effectives dès le lendemain après-midi. Au niveau des pertes, 818 hommes ont été tués.

Au total, 94 000 soldats et 11 000 véhicules ont déjà débarqués en Provence rien qu’au cours de cette première journée. Bien plus que prévu. La Blue Line sera atteinte dès le 16 août, et même dépassée le lendemain. Au soir du 17 août, un nouveau bilan fait état de 3546 tués, blessés ou disparus sur les quelques 130 000 hommes débarqués.

A partir de ce même jour et conformément aux ordres de Hitler, les Allemands battent en retraite en direction de Nord-Est. L’idée première est de ne pas se retrouver enfermés entre la progressions des alliés débarqués en Normandie, et ceux qui débarquent dans le sud de la France, mais aussi d’établir une nouvelle ligne de défense dans les secteurs Sens – Dijon – frontière Suisse.

En Provence, il ne reste ainsi que deux divisions renforcées. Celles-ci sont chargées de défendre coûte que coûte les villes de Toulon et de Marseille.

L’armée française dans le débarquement et la bataille de Provence

C’est un fait, le débarquement de Provence est une grande réussite. A tel point que même les prévisions les plus optimistes sont pulvérisées. Déjà Brignoles et Aix ont été libérées par la 3e Division d’Infanterie américaine. La 45e fonce désormais vers la Durance et Apt. La Task Force Butler, constituée de 5000 soldats US et de 2000 maquisards ouvre la route de la 36e qui peut alors se diriger vers Grenoble et Sisteron dont la libération de cette dernière est effective le 19 août, en même temps que Digne. Toutes ces grandes réussites vont alors davantage favoriser l’engagement de l’armée B du général De Lattre de Tassigny dans la bataille de Provence.

Nécropole nationale de Boulouris - Débarquement de Provence

Située à Saint-Raphaël, la nécropole nationale de Boulouris regroupe les corps de 464 combattants tués lors du débarquement de Provence. De toutes origines et de toutes confessions, ces soldats appartenaient à l’armée B du général De Lattre de Tassigny.

Le débarquement de l’Armée B

Depuis le 16 août, 20h00, la 1re DFL a débuté son débarquement à la Croix-Valmer et à Sylvabelle. Il se poursuit toute la nuit suivante à la lumière des lampes électriques. Pendant ce temps, la 3e DIA, l’état-major de l’armée, et le CC2 de la 1re DB posent pieds à terre à la Foux et dans la région de Cogolin. En Provence, le débarquement de l’armée française se poursuivra jusqu’à la fin du mois de septembre.

Pour nombre de ces soldats, l’émotion est immense. Ici et là résonne la Marseillaise, des hommes se mettent à genoux pour toucher la terre de France, d’autre chantent ironiquement « Maréchal nous voilà ». Le 17 août, Sainte-Maxime est traversée par les chars du CC2, sous les vives acclamations de la population. La 1re DFL poursuit son regroupement autour de Gassin.

Bon nombre de ces soldats n’avaient jusqu’à présent encore mis les pieds en France. La découverte des villages français est une forme de grande aventure. René Jousset, sergent au 2e GTM se souvient : « Sur ces routes de Provence, l’accueil que nous réserva la population fut extraordinaire. Mes frères d’armes marocains en étaient très fiers. »

Pour l’heure, il est vrai, la progression de l’armée B ressemble davantage à une manœuvre qu’à une véritable guerre. Les combats se font encore rares. Mais chargée de libérer Toulon et Marseille, le véritable baptême du feu n’allait pas tarder à débuter.

Le plan du général De Lattre de Tassigny pour la libération de Toulon

Dans la nuit du 16 au 17, dans son poste de commandement établi à Cogolin, le général de Lattre de Tassigny reçoit un message de la plus haute importance, l’informant que l’ennemi concentre ses forces entre Toulon et Hyères, devinant de fait les intentions alliées. La zone défendue, principalement investie par du personnel de la Kriegsmarine, a été renforcée par la 242e Infanteriedivision. Elle est tenue par environ 18 000 hommes, une trentaine de forts et de très nombreuses casemates.

En revanche, de Lattre apprend également que la région Nord de Toulon, elle, est délaissée par les forces allemandes. Pour l’heure, le général français ne dispose que de 16 000 hommes de son premier échelon, de 30 chars de 80 canons. Attaquer dès maintenant représente un risque indéniable, d’autant plus que le deuxième échelon de l’armée B n’est pas attendu avant 8 jours. Mais de Lattre a bien conscience que le temps qui passe peut être bénéfique aux Allemands, leur offrant ainsi la possibilité de s’organiser davantage.

Sa décision est prise et sans tarder, il se rend au poste de commandement du général Patch pour lui exposer son plan d’attaque ; attaquer l’ennemi de face, le long du littoral, pour bénéficier de la puissance de feu de la flotte navale et de l’aviation. Simultanément, d’autres forces doivent s’élever vers le nord à travers les Maures, pour déborder les résistances côtières allemandes. Le général américain accepte ce plan audacieux qui est cependant à double tranchant. Le risque évident étant de considérablement affaiblir les forces françaises alors qu’elles ne sont pas encore au complet.

Alors que le débarquement du deuxième échelon de l’armée B débute avec deux jours d’avance, c’est dorénavant une certitude ; la bataille de Provence pour la libération de Toulon et de Marseille est sur le point de débuter.

La libération de Toulon

Dès le 20 août, les tirailleurs de la 9e DIC attaquent Toulon en passant par l’est, pendant que la 1er DFL longe le littorale, libérant Hyères au passage. Alors que des combats éclatent déjà à l’intérieur de la cité entre la Résistance et les forces occupantes, la 3e DIA se présente par le côté nord de la ville, après s’être faufilée aux abords du mont Faron.

Le lendemain, les Français sont aux portes de la ville. Mais les 18 000 Allemands chargés de la défendre sont solidement retranchés – notamment dans les forts Vauban et Sainte-Catherine ainsi qu’au cap Sicié, et se défendent durant plusieurs jours, causant de sérieuses pertes aux libérateurs.

Les combats se poursuivent finalement jusqu’au 26 août suivant, avant que les défenseurs ne déposent les armes. La libération de Toulon aura fait 2 700 tués, blessés ou disparus des côté des forces françaises. A elle seule, la 9e DIC comptabilise au moins 180 tués, 26 disparus et 732 blessés. Les forces allemandes déplorent elles la perte d’environ 1 000 hommes. Les 17 000 autres sont faits prisonniers.

La libération de Marseille

C’est une nouvelle qui réjouit les autorités militaires. Depuis le petit matin du 21 août, Marseille se soulève. Des affrontements éclatent et certains des habitants se joignent aux FFI. Mais la Résistance n’est ni équipée en armes lourdes, et encore moins en chars. L’arrivée de l’armée B, réclamée par les résistants, doit donc se faire sans tarder.

Les faubourgs de Marseille sont atteints deux jours plus tard. Mais retranchés sur la colline de Notre-Dame-de-la-Garde et dans une partie du Vieux-Port, les combats sont particulièrement rudes, surtout aux abords de la Canebière. Pendant près d’une semaine, les habitants vivent calfeutrés chez eux. Malgré cela, environ 200 trouvent la mort et 500 sont blessés.

A Marseille, les derniers Allemands capitulent le 28 août. C’est une nouvelle victoire, 11 000 soldats adverses sont capturés. Mais là encore, cette victoire se gagne au prix de lourdes pertes ; l’armée française perd encore 1 825 hommes.

Vers la Libération de la France

En soutien de l’armée B, la Résistance a joué un rôle important durant toute la bataille de Provence. Selon le général De Lattre, elle a joué un rôle décisif pour la libération de Toulon et de son port en eau profonde. Les Américains eux-mêmes saluent un « travail considérable » qui a largement contribué à l’avancée rapide des troupes. Selon le général Wilson, cette force supplémentaire engagée dans la bataille aurait permis de réduire l’efficacité combattante de l’armée allemande à hauteur de 40%.

A la fin du mois d’août 1944, les deux ports de Marseille et de Toulon, certes partiellement détruits, sont libres. Au cours de ces 15 premiers jours, 58 000 soldats allemands ont été capturés, dont près de 35 000 par l’armée française ou la Résistance. Du côtés des forces alliées, on déplore la perte d’environ 10 000 hommes, tués, blessés ou disparus. La moitié se trouvent au sein des rangs de l’armée B.

Les libérateurs peuvent désormais avancer en direction de la vallée du Rhône, dans laquelle ils rencontrent finalement peu de résistance. En effet, les Allemands accélèrent leur retraite. Le 12 septembre, les Alliés poursuivent leur progression en France depuis la Normandie et la Provence. A Montbard, près de Dijon – ville libérée le 11 septembre – une patrouille de la 2e division blindée du général Leclerc, débarquée en Normandie, fait jonction avec d’autres soldats français de la 1er division motorisée d’infanterie, débarquée en Provence. Trois jours plus tard, les premiers navires chargés de matériels et d’équipements entrent dans le port de Marseille, puis de Toulon le 20 septembre suivant.

A la fin du mois de mars 1945, les armées alliées entreront en Allemagne et ne la quitteront plus jusqu’à la fin de la guerre. Le 8 mai suivant, l’Allemagne nazie signera sa capitulation sans condition. Au cours de cette journée, la France, hissée au rang des puissances victorieuses, est représentée par un homme ; le général De Lattre de Tassigny débarqué en Provence avec son armée B qu’il a emmené jusque sur les terres du Troisième Reich.

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Sources et références

Cet article, rédigé en juillet 2023, a été réalisé à l’aide des informations recueillies sur place, après lecture des ouvrages Le débarquement de Provence de Pierre Dufour et La Première armée française de Claire Miot et consultation de différentes cartes dont essentiellement celle de la carte Michelin 103 Battle of Provence. D’autres informations ont également été recueillies dans le livret La route du débarquement de Provence de VarTourisme.

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