Qu’est-ce que la SA (ou Chemises brunes) ?
La SA (abréviation de Sturmabteilung) aussi appelée Section d’Assaut ou encore “Chemises brunes” pour en désigner leurs membres, est la formation paramilitaire du parti nazi. Avant son arrivée au pouvoir, elle est créée afin d’encadrer les meetings de Hitler et perturber ceux de ses opposants politiques. Devenant trop puissante, la SA est finalement “décapitée” dans la nuit du 29 au 30 juin 1934, au cours de la “Nuit des longs couteaux”.
Groupe de SA (Sturmabteilung) d’Essen, en 1936 – Bundesarchiv, Bild 119-0779
La SA dans le mouvement nazi
Créée en 1921, la SA a pour mission première d’assurer la sécurité lors des représentations politiques de Hitler. Formation paramilitaire, elle provoque – en parallèle – des perturbations volontaires lors des meetings des partis politiques adverses. Pour atteindre ce but, son principal moyen d’action est la violence. Dans la prise du pouvoir par les nazis, les Chemises brunes jouent un rôle de premier ordre.
Qu'est-ce qu'une formation paramilitaire ?
Une formation paramilitaire est une organisation constituée de personnes civiles et qui se tient en dehors de toutes structures de l’armée régulière de son pays. Ses membres – ou adhérents – sont en revanche entrainés militairement afin de défendre les causes ou les idées du mouvement duquel la formation paramilitaire se réclame. Dans l’Allemagne de l’après Première Guerre mondiale, de nombreuses armes sont encore en circulation. Lorsque sont prononcés des discours politiques extrêmistes (à l’extreme gauche comme à l’extreme droite), les coups de feu ne sont pas rares. Ainsi, le parti nazi n’est pas le seul à se doter d’une formation paramilitare. C’est pas exemple aussi le cas du parti communiste.
Pourquoi les "Chemises brunes" ?
Les membres de la SA sont surnommés “Chemises brunes” en raison de leurs uniformes bruns, facilement identifiables.
Effectifs et chefs
En décembre 1931, les Chemises brunes comptent environ 170 000 hommes à travers toute l’Allemagne. Au fur et à mesure que le parti nazi gagne des soutiens et de l’importance, ses effectifs se mettent drastiquement à grossir. La SA est composée d’anciens combattants, d’universitaires et de chômeurs. En effet la crise économique de 1929 constitue un élément de réponse dans la hausse des personnes qui s’y engagent. Car en ces temps difficiles, traversés par la population allemande, le couvert offert par la Section d’assaut du parti nazi est un avantage qui en convainc plus d’un. Dans l’Allemagne du début des années 1930, il est important de se rappeler que l’on meurt de faim.
Ainsi, à la fin de l’année 1932, son effectif total grandit à près de 500 000 hommes, puis 700 000 en 1933 jusqu’à au moins 2,5 millions au début de l’année 1934. Cette dernière hausse s’explique aussi par l’intégration d’une importante association d’anciens combattants : les Casques d’acier.
A partir de 1923, l’organisation est dirigée par Göring, pendant un bref moment par Ernst Röhm puis par Franz Pfeffer von Soloman, dès 1925. Celui-ci reçoit une mission de premier ordre : subordonner la SA au NSDAP. En d’autres termes, la soumettre à l’organisation politique du parti nazi. En somme, les Chemises brunes sont fortement invitées à adhérer au parti.
Cependant, la SA s’apparente rapidement bien plus à une bande armée qui ne répond qu’à ses propres supérieurs et ses propres idéaux. De fait, elle refuse toute forme de tutelle et peine à entrer dans les rangs. Entre les chefs des Chemises brunes et la direction du parti – en la personne de Goebbels notamment -, naissent les premières tensions.
Le rôle de Ernst Röhm : principal chef des SA
En 1930, la révolte gronde au sein de l’organisation paramilitaire. Hitler n’étant pas encore au pouvoir, il ne peut se passer – pour l’heure – des services et de la puissance de sa Section d’assaut. Dans la crainte de débordements, il rappelle l’un de ses plus fervents partisans : Ernst Röhm.
Officier de carrière sanguin et autoritaire, plusieurs fois blessé au cours de la Première Guerre mondiale, il rencontre Hitler pour la première fois en 1921. Il est sans doute l’un de ses rares amis. Organisant les SA au cours de cette même année, il participe au putsch manqué de Munich, en 1923. Mais en 1925, sa vision d’une SA politiquement indépendante l’oppose aux projets de Hitler. Il s’engage dans l’armée bolivienne, avant d’être finalement rappelé. Probablement le chef nazi l’imagine comme étant le seul homme véritablement capable de contrôler les Chemises brunes. Surtout, Hitler pense pouvoir contrôler Röhm.
Parvenant à apaiser la situation, Röhm réorganise la Section d’assaut en calquant son organisation sur celle de l’armée régulière. Il accentue incontestablement sa militarisation et sa puissance en la dotant d’unités spécialisées et en la rendant autonome. Désormais, la SA possède sa propre école de chefs, mais aussi ses ateliers, ses cuisines… Bref, en deux ans, Röhm transforme les Chemises brunes en une puissante milice disciplinée à ses ordres, dont les violences et les intimidations à travers toute l’Allemagne jouent un rôle capital dans la prise du pouvoir par Hitler.
Quand les Chemises brunes dérangent Hitler
Dès lors que Hitler parvient à accéder au pouvoir, les Chemises brunes sentent rapidement leur importance devenir secondaire. Car, au-delà des premiers mois du pouvoir nazi, les SA sont privés de leurs rôles initiaux : plus de meetings à protéger, plus d’opposition politique à violenter et donc – théoriquement – plus de combats de rue. Finalement, la SA se retrouvent bientôt sans rôle véritable à jouer.
Après l’arrivée au pouvoir de Hitler
Pour autant, au lendemain de sa nomination à la Chancellerie, Hitler fait de nouveau appel à ses SA. Après l’incendie du Reichstag, les Chemises brunes participent à la forte répression qui découle du décret pour la “Protection du peuple et de l’Etat”, ou encore lors du boycott antisémite ou des élections législatives de novembre 1933. Plus globalement, les SA sont une ressource dans la “mise au pas de la société allemande“.
Cependant, le 6 juillet 1933, à l’occasion d’une réunion avec ses plus proches collaborateurs, Hitler affirme que la “révolution nazie” est désormais gagnée. L’heure de la stabilisation du régime est venu. Les violences répandues à travers toute l’Allemagne doivent désormais cesser. Or, les Chemises brunes ne sont pas du même avis et entendent bien poursuivre leur “révolution”. En effet, si la “révolution politique” nazie est arrivée à son terme, Röhm souhaite désormais une “révolution sociale”, avec des mesures économiques fortes, fidèles aux anciennes idées anticapitalistes du parti nazi.
De manière globale, la SA a été conçue comme un appareil nécessaire à la conquête du pouvoir. En revanche, la question de l’après-conquête, de sa fonction et de ses avantages n’a jamais réellement été tranchée. Evidemment, les Chemises brunes attendent des contreparties et elle a les moyens de se faire entendre. De fait, l’organisation est immensément plus importante que le parti nazi lui-même. Le mettre dans son ombre, voire même le remplacer purement n’est pas une exagération.
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A Berlin, des SA (Chemises brunes) se postent devant les commerces juifs, à l’occasion du boycott antisémite du 1er avril 1933 – Bundesarchiv, Bild 102-14468 / Georg Pahl
Les débordements à répétition en Allemagne
Si Hitler souhaite l’arrêt des violences et des débordements en tous genres, c’est parce qu’ils inquiètent à juste titre une importante partie des Allemands, qu’ils soient d’ailleurs en faveur ou non de la politique nazie. Par exemple, le monde des affaires s’alarme de l’image négative de l’Allemagne à l’étranger, qui pourrait empêcher la reprise économique tant attendue et cruellement nécessaire. Jusque dans les différents ministères du Reich et même dans les milieux bronzais, les agissements des SA indignent. Même le Président de la République de Weimar, Paul von Hindenburg, exige de Hitler le rétablissement de l’ordre.
Démunis d’objectifs et finalement de rôle de premier rang, les Chemises brunes se livrent à une forme d’errance. Le plus souvent sans réels motifs, elles mutiliplent les bagarres et les affrontements à travers tout le pays. Certains hommes s’enivrent à ne plus en finir, rendant les nuits de certaines villes impossibles en bastonnant – notamment – des passants assurément bien inoffensifs.
Le conflit entre la SA et l’armée régulière
Limitée (théoriquement) à 100 000 hommes par le traité de Versailles, l’armée régulière a toutes les raisons de s’inquiéter de la puissance des Chemises brunes. Il est vrai aussi que Röhm ne va en rien arranger la situation. Durant les premiers mois de l’année 1934, il multiplie les discours dans lesquels il attaque – certes – la direction du parti nazi, mais surtout celle de l’armée allemande.
Le haut-commandement de l’armée s’en émeut davantage lorsque ce dernier fait savoir qu’il souhaite que ses hommes constituent la base d’une milice nationale. Ainsi, les SA contourneraient l’armée, avant de – peut-être – purement la remplacer. De fait, la Section d’assaut devient une menace très sérieuse, aussi bien pour l’armée comme pour Hitler. Car sachant que les jours du président Hindenburg sont comptés, le chef nazi ne peut se passer du soutien de l’armée pour lui succéder, comme chef de l’État.
Vers la “Nuit des longs couteaux”
Au-delà de cette rivalité avec l’armée et en plus des violences qui ne cessent pas, ce sont les ambitions révolutionnaires de Röhm ainsi que ses attaques répétées contre le mouvement nazi qui agacent Hitler. Il sait aussi que celui-ci a commencé à développer au sein des SA un véritable culte du chef autour de sa propre personne. Pour toutes ces raisons, Hitler est décidé à “décapiter” les Chemises brunes.
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Des ambitions révolutionnaires ?
Cependant, les ambitions révolutionnaires de Röhm et de la SA sont-elles réellement fondées ? S’il est vrai que certains chefs locaux et régionaux des Chemises brunes prophétisent la création d’un “État SA” ou d’une purge, ces déclarations restent néanmoins à une portée locale. En outre, elles sont très isolées et en aucun cas coordonnées.
Ernst Röhm lui-même n’a jamais envisagé un tel plan. Il n’a aucune intention – tout du moins dans l’immédiat – de lancer un putsch contre Hitler et le gouvernement en place. Mais ses discours radicaux, additionnés à la puissance de sa SA, conditionnent sa mort prochaine.
La sanglante purge et l’assassinat de Röhm
Au cours du mois de juin 1934, Göring, Himmler ou encore Heydrich commencent à fabriquer les supposées preuves d’un soulèvement, qui serait organisé par Röhm et ses Chemises brunes. Parallèlement, les dirigeants SS des différentes régions du pays reçoivent des listes de personnes à arrêter ou à abattre le jour de l’action prévu : 30 juin.
La purge orchestrée par Hitler démarre dans la nuit du 29 au 30 juin 1934. Elle se poursuit même jusqu’au 1er juillet et les SA ne sont finalement pas les seules cibles. Quoi qu’il en soit, de nombreux chefs des Chemises brunes sont arrêtés par les SS à travers tout le pays. Nombre d’entre eux sont aussi assassinés. C’est le cas de Ernst Röhm.
Selon plusieurs historiens – comme par exemple Richard J. Evans dans son livre dédié au Troisième Reich – Hitler est répugné à l’idée de devoir mettre à mort l’un de ses plus anciens partisans. Mais la décision est prise. Dans sa cellule, deux SS fournissent à Röhm un révolver chargé, afin qu’il se suicide. Comme il ne le fait pas, les deux SS reviennent et l’abattent à bout portant.
Le rôle désormais secondaire des Chemises brunes
Durant les deux mois qui suivent la “Nuit des longs couteaux”, les Chemises brunes commencent à quitter l’organisation en masse. Plus de 100 000 entre août et septembre 1934. D’environ 2,9 millions de membres, les effectifs baissent à 1,6 million en octobre 1935, puis finalement jusqu’à 1,2 million en avril 1938.
Si la SA reste tout de même une organisation violente et encore à l’origine de nombreux débordements, elle devient tout de même plus que secondaire dans le paysage nazi. Désormais, elle est placée sous la tutelle de sa principale rivale et ancienne subordonnée : la SS. De manière générale et jusqu’à la chute du Troisième Reich, les activités des Chemises brunes sont réduites à des fonctions sportives ou de bienfaisance.
Quelle est la différence entre la SA et la SS ?
La SA (abréviation de Sturmabteilung) est la formation paramilitaire du parti nazi. Créée en 1921, son rôle d’origine est d’encadrer les meetings de Hitler. La SS (abréviation de Schutzstaffel) est la police militarisée du parti nazi. Créée en 1925, elle est à l’origine une branche de l’organisation SA, dont le rôle est de constituer la garde personnelle de Hitler. Milice subordonnée de la SA, elle devient cependant toute-puissante après la Nuit des longs couteaux.
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