Histoire et Mémoire de la Seconde Guerre mondiale

Édouard Daladier

Soutenez Fortitude

Et intégrez la Brigade de la Mémoire !

Soutenir Fortitude

Qui est Édouard Daladier ?

Édouard Daladier est un homme d’État français dont la carrière s’est essentiellement jouée sous la Troisième République, entre 1930 et 1940. Président du Conseil et ministre de la Guerre à plusieurs reprises, il est certes l’un des signataires des Accords de Munich, mais il est aussi et surtout celui qui a préparé le réarmement et l’économie de la France à la guerre.

Edouard Daladier

Édouard Daladier saluant le ministre des Affaires étrangères allemand, Joachim von Ribbentrop, après la signature des Accords de Munich. Bundesarchiv, Bild 183-H13007 / CC-BY-SA 3.0

De la naissance d’Édouard Daladier à la Première Guerre mondiale

Édouard Daladier est né le 18 juin 1884 à Carpentras, dans le Vaucluse. Fils de boulanger, il s’intéresse très tôt à la politique, notamment à travers l’affaire Dreyfus qui secoue les actualités françaises, à partir de 1894. Étudiant à Lyon, il est pendant un temps l’élève d’un certain Édouard Herriot et poursuit ses études jusqu’à l’obtention de l’agrégation en histoire-géographie.

Les premiers pas de Daladier en politique

Enseignant l’Histoire à des lycéens de Nîmes puis de Marseille, il est élu maire de Carpentras – sa ville natale – puis se présente – et échoue – pour la première fois aux législatives de 1914.

Mobilisé dès l’automne suivant lorsque éclate la Première Guerre mondiale, Daladier prend (entre autres) courageusement part aux combats de Verdun, d’où il repart avec trois citations. La guerre terminée, il est sollicité par le Parti radical pour les législatives de 1919. Parvenant à se faire élire député du Vaucluse, il siège désormais au sein de groupe radical et radical-socialiste.

Daladier entre au Gouvernement

Après les élections législatives de 1924 et bien que l’expérience demeure brève, Édouard Daladier entre pour la première fois dans un gouvernement – celui du cartel des gauches – dirigé par Herriot. En 1927, il devient le Président du Parti radical, avant de retrouver un poste au sein de l’exécutif, en 1932.

Président du Conseil

Le 31 janvier 1933, au lendemain de l’arrivée de Hitler au pouvoir, le Président de la République Albert Lebrun nomme Édouard Daladier au poste de Président du Conseil (plus ou moins l’équivalent du Premier ministre de nos jours). Chargé de former son premier gouvernement, il doit faire face à la montée du nazisme et poursuivre les négociations de la Conférence du désarmement, ouverte à Genève l’année précédente.

Proposant une solution de contrôle entre les pays, Daladier ne peut que constater le manque de sincérité du Chancelier allemand qui, en retour de cette proposition, décide de quitter purement et simplement la table des négociations. En parallèle et selon Jean-François Sirinelli, il parvient à faire adopter les premières mesures favorables au réarmement de la France. Néanmoins, son programme financier ne parvient pas à convaincre l’ensemble des parlementaires et plus particulièrement ceux des socialistes. Le 26 octobre 1933, il est finalement remplacé par Albert Sarraut, député radical de l’Aude, qui démissionnera à peine un mois plus tard.

Daladier pour élucider l’affaire Stavisky ?

Le 23 décembre 1933 éclate l’affaire Stavisky ; un scandale financier dans lequel plusieurs politiciens sont accusés d’y être mêlés. Au début de l’année 1934, le principal accusé, Alexandre Stavisky, est retrouvé mort. Rapidement, la presse s’empare de cette affaire, qui chaque jour prend davantage une ampleur inquiétante, et écarte la thèse du suicide, avancée par la police. Le Canard enchaîné écrit : “Stavisky s’est suicidé d’une balle à trois mètres”.

Camille Chautemps, successeur d’Albert Sarraut au poste de Président du Conseil, est à son tour inquiété dans l’affaire. En effet, une partie de la presse, la droite et l’extrême droite, l’accusent d’avoir commandité l’assassinat de Stavisky. En France, de violentes manifestations principalement organisées par les ligues d’extrême droite éclatent. Chautemps cède à la pression populaire et démissionne le 27 janvier.

Trois jours plus tard, le 30 janvier 1934, c’est à nouveau Édouard Daladier qui est rappelé à la présidence du Conseil, par le Président de la République. Promettant d’élucider l’affaire Stavisky, il s’engage aussi dans un combat contre les ligues d’extrême droite. Réputé proche de ces dernières, Jean Chiappe, Préfet de police de Paris, est ainsi renvoyé par Daladier.

Cet événement devient alors le prétexte de nouvelles manifestations. Plus violentes encore, celles-ci dégénèrent le 6 février. La police ouvre le feu : 17 morts et plus de 2000 blessés. La République vacille et Daladier démissionne dès le lendemain.

Édouard Daladier dans le Front Populaire

Conservant son siège de député du Vaucluse, Daladier poursuit sa lutte contre les ligues d’extrême droite. Avec d’autres personnalités de gauche, comme Pierre Mendes France ou Jean Zay, il prend aussi part aux négociations avec les socialistes et les communistes pour le rassemblement et l’élaboration du programme du Front populaire.

Réarmer la France

Après la victoire du rassemblement des gauches, en 1936, Édouard Daladier entre dans le gouvernement de Léon Blum, comme ministre de la Défense nationale et de la Guerre. Alors que débute la guerre civile en Espagne, il engage son ministère dans une véritable course au réarmement de la France. Cependant, ces efforts sont peu payants à court terme : l’application des lois de nationalisation sur les industries d’armement est difficile à mettre en œuvre et la loi des quarante heures, tout comme les conventions passées dans les entreprises, freinent véritablement l’action de Daladier.

Des accords de Munich jusqu’à la déclaration de guerre de la France

Au cours du mois d’avril 1938, au lendemain de l’Anschluss (annexion de l’Autriche par l’Allemagne), Daladier retrouve Matignon en succédant à Léon Blum. Ayant conscience qu’une guerre en Europe est désormais possible, il s’efforce à redresser l’économie du pays afin d’en accélérer davantage son réarmement. Dans ce même temps, il tente de conclure une alliance forte avec le Royaume-Unis dans l’objectif de tenir tête à l’axe Rome-Berlin.

Édouard Daladier signataire des Accords de Munich

Sur le plan économique, les résultats obtenus par le Président du Conseil sont significatifs. Pour cause, la reprise des investissements engage une reprise certaine de la croissance et inévitablement une montée en puissance des industries de l’armement. En revanche, les choses se compliquent plus sérieusement à l’échelle internationale.

Daladier espère tenir l’engagement de protection de la France vis à vis de la Tchécoslovaquie, dont les frontières sont menacées par l’Allemagne. En septembre 1938, il doit choisir entre deux options : refuser tout compromis avec Hitler, au risque de déclencher une guerre, ou bien accepter le principe d’une conférence à quatre (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, France) afin de trouver une solution commune. Étonnement, la Tchécoslovaquie n’y est même pas conviée, pas plus que l’Union Soviétique.

Alors que le Royaume-Uni annonce clairement son intention de ne pas entrer en guerre contre l’Allemagne, Daladier craint d’isoler la France. Le 30 septembre, Hitler, Mussolini, Chamberlain et Daladier signent un texte (les Accords de Munich) dans lequel la France et la Grande-Bretagne accèdent à toutes les revendications allemandes. La France et le Royaume-Uni entérinent ainsi la première agression allemande contre un pays souverain non germanique.

Préparer la guerre

De retour en France, Édouard Daladier est convaincu d’avoir commis l’irréparable en permettant à Hitler d’envahir la région des Sudètes de la Tchécoslovaquie. Il change néanmoins d’avis – au moins en apparence et selon Dominique Mongin – après avoir atterri à l’aéroport du Bourget, où il reçoit un accueil triomphaliste des Parisiens. Le 4 octobre, il se présente devant l’Assemblée nationale pour rendre compte de ces accords passés avec Hitler tout en prétendant avoir “sauvé la paix”.

Si les tensions peuvent paraitre apaisées, elles ne le sont en réalité que de manière très brève. Car outre-Rhin, la signature des Accords de Munich est interprétée comme une véritable capitulation franco-britannique. Dès le mois de mars suivant (1939), les troupes allemandes envahissent la Tchécoslovaquie au mépris des accords passés. La Tchécoslovaquie cesse d’exister.

Toujours dirigé par Daladier, le gouvernement tente alors un rapprochement avec l’Union Soviétique. Comme le précise Olivier Wieviorka, des discussions débutent entre la France et l’URSS. Mais le 29 août 1939, la nouvelle du pacte germano-soviétique tombe. Ainsi, l’Allemagne peut librement ouvrir un front armé à l’Ouest, sans craindre de représailles à l’Est. Le 1er septembre suivant, Hitler attaque et envahit la Pologne. En réponse, le Royaume-Uni et le France lui déclarent la guerre.

La paix sauvée ne saurait être le signal de l’abandon. Elle doit marquer, au contraire, un nouveau sursaut des énergies de la nation française.

Édouard Daladier

Président du Conseil, Discours du 4 octobre 1938

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Accusé de “mollesse” durant les tout premiers mois de la guerre en Europe, la position du président du Conseil se fragilise. Il est évincé le 21 mars 1940. Nommé pour le remplacer, Paul Reynaud forme un gouvernement composé de socialistes jusqu’aux Indépendants de droite, majoritairement “antimunichois”. Édouard Daladier reste tout de même ministre de la Guerre et de la Défense nationale, mais il est écarté du gouvernement le 6 juin suivant, alors que la France est plongée dans débâcle militaire sans précédent.

Daladier arrêté par le gouvernement de Vichy

Pendant que se forme le gouvernement du Maréchal Pétain, favorable à un armistice avec l’Allemagne nazie, Daladier et d’autres parlementaires embarquent à bord du paquebot Massilia, dans l’objectif de poursuivre la guerre depuis l’Afrique du Nord. Lorsque Philippe Pétain obtient les pleins pouvoirs, il est encore à bord.

Au mois de septembre suivant, il est arrêté et incarcéré par le régime de Vichy. Avec d’autres anciens dirigeants de la Troisième République, il doit comparaître devant la Cour de Riom, à l’occasion d’un procès voulu par le chef de l’État français qui s’ouvre en 1942, et qui a pour but de démontrer sa responsabilité dans la défaite contre l’Allemagne. Véritable parodie de justice, ce procès se retourne finalement contre Vichy en une incontestable déroute judiciaire. La défense des accusés est naturellement brillante, à tel point que le procès n’ira jamais à son terme. Il reste cependant derrière les barreaux et au printemps 1943, il est déporté en Allemagne et le restera jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

“Combien y avait-il de chars modernes en 1936 ? Puis en mai 1940 ?”. Daladier répond : “Trente quatre en 1936. Trois mille cinq-cents en 1940.” L’échange se poursuit : “En 1936 ou 1937, combien de canons aériens basse altitude pour la protection des troupes” ? La réponse est sans appel : “zéro en 1936. Deux mille cinq-cents en 1940”.

Édouard Daladier

Face au Président de la Cour de Riom, 19 février 1942

A lire aussi → Le procès de Riom

Après la guerre, le difficile retour à la vie politique de Daladier

Libéré et de retour en France à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, Édouard Daladier retrouve son siège de député du Vaucluse. Réélu, il le conserve jusqu’en 1958. Cependant et de manière générale, il paraît incontestable de dire que sa carrière politique à l’échèle nationale s’est arrêtée au moment de la défaite de 1940. Il meurt à Paris le 10 octobre 1970. Sa disparition – toujours selon Jean-François Sirinelli – n’est que peu commentée dans les médias.

D’autres portraits…

Albert Lebrun

Albert Lebrun

Albert Lebrun est le quatorzième et dernier Président de la Troisième République.

Camille Chautemps

Camille Chautemps

Maire de Tours puis élu député radical-socialiste, il est ensuite nommé ministre de l'Intérieur et appelé à la tête du gouvernement.

Vous aimerez lire…

Sources et références

0 commentaires

Trackbacks/Pingbacks

  1. Qui était Camille Chautemps ? - […] il s’éloigne progressivement de son chef de gouvernement pour se rapprocher d’Édouard Daladier qui, en 1927, vient d’obtenir la…
  2. L'affaire Stavisky - […] Édouard Daladier qui est appelé à remplacer Chautemps. Un poste qu’il obtient par ailleurs pour la seconde […]
  3. L'émeute du 6 février 1934 - […] Au-delà des nombreux articles dans la presse et des manifestations parisiennes, l’affaire Stavisky provoque déjà un bouleversement à la…

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *